𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟔 : 𝐂𝐨𝐦𝐦𝐞 𝐮𝐧 𝐡𝐨𝐦𝐦𝐞

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Il avait beau se masser la pommette, sa paupière inférieure continuait de tiquer à intervalle quasi régulier. Il avait beau faire les cents pas à travers le salon du rez, ses jambes restaient vrillées par la douleur des nerfs. Il avait beau relire la note abandonnée dans la cuisine en se serinant de ne pas faire de conclusions hâtives, son corps s'affaiblissait du poids qui pressait sa nuque, ceinturait sa cage thoracique, plombait ses membres.

Il perçut le ronflement des moteurs remonter l'allée, et il se rendit compte qu'il ne voulait pas être là. Il était rentré sur un coup de tête, sommé par cette représentation de l'adresse trônant sur le comptoir comme un trophée gagné par tricherie. Mais il ne voulait pas confronter Élise. Il ne voulait pas risquer de confirmer ses pires craintes. Des craintes contre lesquelles il ne pourrait pas se battre. Car après tout, rien n'interdisait à sa femme de voir quelqu'un d'autre. Il avait été jusqu'à donner son autorisation noir sur blanc. Lu et approuvé ! Ils ne s'étaient fait aucune autre promesse que celle-là. Il ne lui avait jamais dit qu'il l'aimait. Pourquoi ne lui avait-il pas dit ?! Bon sang, pourquoi ?!

« Va te débarbouiller, Val. » La voix d'Élise juste devant la porte le figea au milieu de la pièce. Plus le temps de fuir, la clenche se baissait déjà. « Oui, oui, j'arrive... » jeta la jeune femme en entrant. Elle alluma la lumière, et sursauta sauvagement en se retournant face à Ezra. Le pouls sprintant et les yeux agrandis par la frayeur, elle bredouilla. « Seigneur ! Je ne pensais pas te trouver là.

— Moi non plus. »

Sa voix lui parut sortie d'outre-tombe, loin, très loin de la surface de son monde vacillant, alors qu'Élise, vite remise de sa première surprise, affichait bientôt un sourire ravi comme elle en arborait peu. Que devait-il croire ? L'expression accablante de la peur du coupable se trouvant subitement face à son détracteur, ou celle enchantée, peut-être simulée, d'un sourire si rare.

Bon dieu, comme il ne voulait pas être là à devoir faire bonne figure !

« Peu importe. » s'éluda-t-elle gaiement. Elle déposa un petit sac en papier bariolé sur le buffet pour pouvoir retirer sa veste. Et il le sentit. Ses jambes s'amollirent tandis que le sang se retirait de ses extrémités.

La touche boisée était un peu plus nette. Celle de l'ambre plus distillée. Une fine et riche note de vétiver. Et un nouveau composant qu'il ne parvint pas à déterminer. Séducteur. Presque sensuel. Plus coûteux. Différent du parfum incrusté dans les fibres de la chemise reposant sagement sur une chaise à l'étage.

La jeune femme ralentit le geste récupérant son paquet. « Ça va ? » s'inquiéta-t-elle. Ezra ne parvint pas à répondre. Il fixait cette main gauche tendue au-dessus du meuble. La douleur de son cœur se propagea à son épaule, son coude, ses doigts. « Où est ton alliance ? » Liz regarda sa main à son tour. Elle la ramena promptement contre elle.

Cacher le délit ? Avait-il besoin de plus de preuves ?! Elle n'avait même pas pris la peine de remettre sa bague. La seule preuve concrète, indéniable, de leur lien. Bafoué.

La colère combla le vide laissé dans son torse. « Où est ta putain d'alliance, Liz ? » gronda-t-il en approchant. Elle se tassa instinctivement sous la lueur assassine des yeux bleus. Elle blêmit et recula d'autant plus qu'il venait sur elle, menaçant.

Il frappa le mur à côté de sa tête à l'instant où elle s'y trouvait acculée. « Où est-elle ?!

— Je... Je...

— Tu-tu-tu quoi ? persifla-t-il hargneusement. Tu l'as laissée en gage de paiement à ton gigolo du West Midtown ?! »

Il la surplombait de toute sa taille, de toute sa carrure, de tout son courroux. Son ombre à elle seule la recouvrait. Oui, elle avait peur à en trembler. Oui, elle avait raison de l'être. C'est ce que l'instinct lui criait en analyse de la posture d'Ezra. Son bras empêchant toutes retraites, le dédain de la plissure de ses lèvres. Elle connaissait, elle savait l'interpréter, elle l'avait déjà vécu. Se taire et filer dès que possible était la seule issue qui pourrait lui être favorable. Son expérience le lui avait appris.

L'Étui Vide [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant