𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟗 : 𝐔𝐧𝐞, 𝐝𝐞𝐮𝐱, 𝐭𝐫𝐨𝐢𝐬 𝐜𝐡𝐚𝐢𝐬𝐞𝐬

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Et maintenant ? Et bien... Tandis qu'elle réfléchissait, les épaules d'Élise tombèrent de pessimisme. Dans le silence assourdissant de sa maison, elle était plus désœuvrée que jamais. Les pièces avaient déjà été briquées à fond. Le linge était fait. Rien ne traînait.

Elle ne pouvait pas passer ses journées à attendre d'aller rechercher son fils. Elle en deviendrait folle à coup sûr ! Il lui fallait retrouver une activité, un travail. N'importe quoi ! Seule une routine la tiendrait éloignée de l'amertume de ses pensées et autoflagellations.

Mais quoi ? Qu'avait-elle dans sa vie avant l'arrivée intempestive de l'éditeur ? Pas grand chose. Aucun hobby, aucun ami... Les travaux de jardinage ne la tiendraient pas occupée bien longtemps. La lecture ne la gardait que peu concentrée.

Entreprendre des études ? À son âge ? Alors qu'elle avait connu la rue en lieu et place de lycée ? Et quand bien même, quelle matière pourrait-elle étudier ? Rien ne la passionnait plus que sa vocation au service des autres, que ce soit dans son rôle parental ou son métier. L'un la fuyait et elle avait sans préavis abandonné l'autre.

Ne pouvant obliger Valentin à soigner les blessures, elle allait devoir se rabattre sur l'hôtellerie.

Elle alla piocher son vieux téléphone de service dans la veste qui avait pris la poussière, et le cœur battant d'espoir, elle appela la direction de l'endroit qui l'avait par le passé abritée de la déchéance. Mais là encore, elle se trouva confrontée à un être muré dans sa vindicte. Son ancien patron. Un de plus, heurté par ces "vacances" décidées dans la précipitation ! Tant pis pour lui ! se dit-elle amèrement en raccrochant. Elle trouverait ailleurs.

Elle s'y mit aussitôt et durant les semaines qui suivirent.

Elle envoya des lettres de motivations, des CV ; postula dans des hôtels de premier ordre ou délabrés, des étoilés ou ceux aux chambres facturées à l'heure ; essuya nombre de refus plus ou moins élégants. Elle se donna corps et âme à la recherche de l'exutoire d'un poste tel que celui qu'elle avait perdu en suivant l'homme qui allait devenir son mari.

Après un siècle de recherche, elle dut se rendre à l'évidence que le secteur était surchargé en regard du peu de clients, et surtout, qu'aucun patron ne voulait d'un manager sans permis de conduire.

Victor l'avait dissuadé de le passer. « Ce serait de l'argent jeté par les fenêtres, avait-il argué. T'as pas besoin de ça puisque tu m'as, ma puce. » Même ses surnoms "énamourés" l'atrophiaient à quantité négligeable. Avec le recul, elle comprenait qu'il ne lui aurait jamais laissé l'autonomie que procure le permis. Mais à l'époque ? Elle avait sincèrement été reconnaissante du dévouement qu'il destinait à la conduire partout... où il était d'accord qu'elle se rende !

Qu'est-ce qui l'avait retenu de le passer ensuite ? À quoi bon lorsqu'on n'a pas les moyens d'entretenir un véhicule ? 

En changeant la chaudière, Ezra l'avait mis dans une nouvelle position : l'argent qu'elle avait mis de côté pour ce faire était à nouveau disponible. Il ne lui manquait qu'un revenu mensuel. Les calculs étaient vite fait dans sa tête : elle allait devoir ravaler le peu de fierté qui lui restait.

Cela fut plus laborieux qu'elle l'avait escompté, mais elle se rendit au bureau de son rancunier patron. Elle s'aplatit, et accepta ce qu'il lui avait proposé lors de leur dernier entretien. Revenir, oui, mais tout en bas de la hiérarchie. Au minimum du barème salarial.

Une décennie de bons et loyaux services, à prendre les pauses et les tâches dont personne ne voulait, à gravir les fonctions sans prendre de congé, pour finir à un "retour à la case départ ; ne touchez pas les 20.000 francs".

L'Étui Vide [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant