𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟏 : 𝐋𝐚 𝐩𝐚𝐫𝐭 𝐞𝐧𝐭𝐢è𝐫𝐞 𝐝'𝐮𝐧 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐚𝐭

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En resserrant frileusement la veste d'Ezra autour d'elle, Élise observa l'homme déverrouiller la porte de la villa. Un geste machinal, quotidien. Un mouvement qui allait de soi pour lui. Qui pourtant isolait Élise hors de ce foyer. Elle n'avait aucune raison d'avoir la clef, songea-t-elle. Elle n'aurait jamais la possibilité de se familiariser avec ce geste. Elle ne connaîtrait jamais le code de sécurité qu'Ezra était en train de taper dextrement. Parce que deux jours après le gala, elle rentrerait dans son quartier, dans son quotidien domestique, dans sa réalité. Ça n'aurait été que le songe d'un été.

Le hall était plongé dans les ombres et le silence. « Je vais aller voir Valentin. » dit-elle presque à voix basse, de crainte de troubler la pesante atmosphère de la demeure endormie. L'homme n'agréa que d'une monosyllabe et sentit ses épaules s'affaisser douloureusement en la regardant s'éloigner sur la pointe des pieds pour empêcher le claquement de ses talons sur la pierre.

Fin de l'acte, regretta-t-il. Une houle furieuse le contracta en rébellion. Sous l'assaut de sa colère d'impuissance, il arracha presque sa cravate. Il avait besoin d'un verre !

Tandis qu'il montait vers le salon de ses appartements dans la direction opposée de sa femme, celle-ci saluait le garde qui quittait son poste au retour du chef. Elle entra sans bruit dans la chambre de son fils. Il dormait à poings fermés. Elle sourit avec attendrissement, dégagea délicatement le front de la mèche qui s'entêtait à y revenir, et embrassa la tempe sous laquelle un cortège de rêves peuplés de pizzas formaient rang d'oignon.

Elle ressortit tout aussi silencieusement. Elle prit appui au mur pour retirer les objets de torture à ses pieds. Elle se redressa, et sursauta à l'apparition d'une ombre longiligne. « Lewis ! soupira-t-elle de soulagement. Ça a été avec Val ?

— Impecc', dit-il d'une voix blanche. Soirée film et malbouffe. Alba s'est jointe à nous. C'était très sympa. Et toi ? ajouta-t-il très vite.

— A peu près pareil.

— Vu l'heure, il a dû te sortir le grand jeu, hein ?! Le Grand Theatre et le gastronomique Huis Clos, je parie.

— Un sur deux. On a mangé au Charlotte. »

Le visage du jeune homme se ferma plus encore. Il serra les dents et les poings. « Le Charlotte ? Vraiment ?! Il a eu les couilles d'y retourner ! Remarque, tu ne dois pas être la première à qui il fait le coup. Son programme doit être bien rôdé. Il t'a sorti les violons ?! Quelques bonnes anecdotes du passé qui font pleurer dans les chaumières, histoire d'attendrir ton p'tit cœur et pouvoir te sauter dans la foulée ? »

Élise le considéra dans une hébétude grandissante. « De quoi est-ce que tu parles, Lee ?

— Je parle d'Ezra, prêt à tout pour te faire revenir sur sa queue ! D'abord, il accepte qu'Albine reste alors qu'il l'a en horreur, de sorte à t'obliger à partager sa chambre. Puis, comme tu ne cèdes pas, il potasse les sorties pour trouver de quoi t'amadouer. Comme de par hasard, il choisit un opéra dans lequel l'un des personnages a le prénom de ton fils ! Tu ne trouves pas ça étrange ?

— Ce que je trouve étrange, c'est que tu saches tout ça, s'insurgea-t-elle. Y'a deux secondes, tu faisais mine de ne pas savoir où nous avions passé la soirée.

— Bordel de merde ! il a réussi à te retourner assez la tête pour me faire passer pour le méchant. E-zy pour lui !

— Tu y arrives très bien seul. Je ne suis pas manipulable. Ni par lui, ni par toi. Et ce que je fais de mon cul ne regarde ni lui, ni toi.

— Bien ! grinça-t-il. Laisse-toi baiser dans tous les sens du terme. Ne viens pas pleurer sur mon épaule quand il t'aura montré son vrai visage. »

L'Étui Vide [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant