Les pieds traînants, Élise quitta la salle bain embuée par sa douche chaude. Elle leva le nez de la ceinture du peignoir qu'elle nouait : les coups de marteau avaient repris à l'extérieur. Elle voguait tant au-dessus d'elle-même qu'elle ignorait si la tempête prévue était finalement venue et repartie. Depuis qu'elle avait été contrainte de camper lors de cette venteuse nuit, elle n'avait plus rien voulu calculer. La douleur qu'elle causait à Ezra était trop éprouvante à supporter.
Elle n'eut pas le temps d'atteindre les épaisses tentures occultant la lumière du jour, que la porte s'ouvrait énergiquement. « Ah ! Bonjour, ma chérie ! » s'exclama Ezra en français. Bien qu'il sache le parler impeccablement, son accent était subitement très fleuri.
Il se dirigea aussitôt vers elle à grands pas aussi volontaires que son entrée. « Tu as repris des couleurs, ça fait plaisir. » remarqua-t-il dans un large sourire avant d'embrasser sa tempe. Ses yeux étincelaient d'égaiement entre ses pommettes rougies par le froid et ses cheveux humides en bataille. On aurait dit un gosse revenant d'une bataille de boules de neige !
« Ça tombe bien que tu sois levée, enchaîna-t-il en se dirigeant vers la commode. Tu avais des bottes ou bottines ici ? Je ne me souviens plus.
— Je ne pense pas, marmonna-t-elle, étourdie par sa brusque apparition pleine d'allant. »
Il jura vaguement, sans vraiment y croire ou cesser de fouiller les tiroirs. « C'est pas grave, lâcha-t-il en se redressant. Hugh fait du 39, je crois. » Il revint vers le lit où il posa les vêtements pêchés. « Je vais aller voir si elle a une paire de pompes. Enfile ça en attendant... » Elle ouvrit la bouche, mais il sortait déjà en lui jetant un sourire.
Elle cilla bêtement en regardant le battant refermé, puis les habits posés sur les draps. Qu'avait-elle loupé ?
Elle avança à pas lents pour s'emparer du sous-pull thermique et du pantalon de nylon et basane qu'elle n'avait jamais vu. Elle avait à peine enfilé ce dernier et retiré la main de la poche qu'elle venait de garnir d'un objet dont elle ne savait que faire, que l'homme reparut. « Ça va ? » jeta-t-il d'entrée en se dirigeant vers l'autre chambre. En revenant avec un pull, il engloba sa silhouette figée d'un regard surpris. « Quoi ? murmura-t-il. Ah ! prit-il le ton de la découverte. Oui. Bien sûr. Un soutien-gorge... Euh... Je vais... peut-être te laisser le prendre toi-même... » dit-il entre embarras et amusement. Elle baissa les yeux sur ses mains, incertaine. « Ou tu peux rester sans..., hasarda-t-il. Avec le pull, ça ne se verra pas. Je n'sais pas... À toi de voir. » Il perdait de sa bonne humeur au fur et à mesure de son imbroglio d'idées et Élise s'en voulut.
« Non, je vais le prendre. » assura-t-elle en relevant la tête vers lui. Capturer résolument son attention rendit le sourire à l'homme. Il opina en lui tendant le pull qu'il avait à la main.
Il vaqua à la suite de ses préparatifs avec le même entrain, non sans lui jeter des regards de biais tout le temps qu'elle traversait la pièce. Elle s'assit sur le bord du lit pour finir de s'habiller en lui tournant le dos. Ses gestes étaient ralenti par la raideur de son épaule. Mais dans l'ensemble, les séquelles de sa chute disparaissaient.
Elle dégagea ses cheveux du col montant de l'épais vêtement tricoté, et Ezra revint vers elle. Dans le mouvement, il posa un bonnet sur ses cheveux, puis un genou à terre. Il s'empara de son pied pour lui enfiler une chaussette. Le sang lui monta aux joues. « Je peux le faire.
— C'est un juste retour des choses ! » plaisanta-t-il. C'est vrai : elle avait eu cette audace à leur rencontre ! Avec un délai de plusieurs mois, elle devint cramoisi. « Je n'te cache pas que ça a fait son effet ! enchérit-il.
— Je me souviens oui, marmonna-t-elle. »
Un rire retenu vibra dans la cavité du large torse. Un rire masculin mais espiègle d'adolescent qui sait qu'il ne devrait pas rire de ces choses-là. Et Élise sentit s'attendrir le regard qu'elle portait sur la nuque courbée qu'il lui livrait. Cette douceur qui envahissait sa poitrine, elle avait lentement appris à la connaître. Et voilà qu'elle la retrouvait avant d'avoir eu le temps de tirer un véritable trait dessus. Elle ne savait plus comment s'en débattre.
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L'Étui Vide [Terminé]
RomantikEzra ne passait déjà pas une bonne journée avant que ce malheur de comédie ne lui tombe dessus. Son conseil d'administration lui mettait la pression, et il risquait à présent d'être en retard à la répétition du mariage de sa demi-sœur. Il regrettait...