𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟓 : 𝐃𝐨𝐦𝐦𝐚𝐠𝐞

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Il tendit le bras vers le stridulement de la table de chevet et décrocha mécaniquement. « Ouais ? répondit-il, paupières closes et voix éraillée de léthargie.

— Bordel, t'es même pas en chemin ! s'exaspéra d'entrée Lee. Tous les représentants du tourisme de la côte Est arrivent et tu es toujours au pieu... Génial !

— Mon réveil a pas sonné, mentit-il en réarmant le bouton qu'il avait désactivé entre deux échanges charnels.

— Ouais, ouais, monsieur "j'me lève à 5h30" E-zy, est tout à coup devenu un flemmard. À d'autres !

— Give me a break, s'agaça-t-il.

— Dans combien de temps seras-tu là ?

— Une demi-heure si ça roule bien.

— Grouille : eux, ils se fichent pas mal que t'aies été braqué hier. »

Lewis raccrocha là-dessus et Ezra se laissa retomber sur le matelas dans un profond soupir. Il tourna la tête vers le côté froid des draps désertés par Élise. Malgré sa nature au sommeil léger, il ne l'avait pas entendue se lever. Il aurait aimé pouvoir l'embrasser au saut du lit. Dommage.

Sept minutes d'ablutions sous la douche ayant perdu de son sinistre caractère, cinq minutes pour enfiler un costume au hasard. Il fut inopinément happé par l'odeur boisée affectionnée par Liz. Elle provenait du dossier de verre de la chaise sur laquelle reposait sagement la chemise propre qu'il lui avait prêtée à la Tour la veille. Aussi fou put-il paraître, il s'en saisit et huma profondément le parfum incrusté dans les fibres.

Il devenait accros !

Il pourrait revêtir cette chemise, personne ne saurait qu'il ne portait pas sa propre fragrance. Lui seul saurait... Que sa peau était en contact avec les seins de sa femme par procuration ; que son dos était parcouru de délectation à chaque frôlement de tissu semblable à ceux des doigts fins ; que l'odeur le caressait à des endroits invisibles.

Fiouuu ! Y aurait-il un jour où elle ne lui donnerait pas chaud ?! En tout cas, il avait irrépressiblement envie de la voir maintenant, d'échanger une étreinte qui marquerait son costume de son empreinte olfactive.

Il reposa l'habit, et le voilà parcourant ses murs, l'oreille à l'affût dans l'espoir de situer mère ou enfant. Dans la cuisine, un petit carnet était griffonné d'une adresse dans le West Midtown, et une tasse isothermique emplie de café encore chaud retenait une note sur le comptoir.

"Il est 10:30. Tu dormais si bien que je n'ai pas voulu te réveiller.

Albine tient à nous changer les idées dehors. Oui, je ferai plus attention cette fois, et non, nous ne lâcherons pas les gardes. Je ne parlerai pas aux inconnus et je ne suivrai personne me proposant un chocolat. Fais-en autant !

A tout à l'heure. ☺ Élise"

Il souriait avec amusement en emportant note et café vers le perron. Il relut les quelques lignes. Il ne les verrait pas avant son retour au soir. Une petite voix se répéta en lui : dommage...

Il ne fut presque pas à l'heure ! Lee n'avait pas exagéré l'assemblée attendant d'être reçue par le grand patron. Il ne perdit donc pas de temps à questionner sa secrétaire sur les nouvelles affaires urgentes, ou à s'assurer auprès du service de sécurité que sa famille était bien encadrée. Il invita immédiatement tout ce beau monde à prendre place en salle de réunion, quand bien même n'avait-il pas fini son premier café.

On le remercia de les recevoir malgré les événements choquants de la veille ; on mit les politesses et le miel aux endroits généralement sensibles de l'ego. Et au fur et à mesure, les prises de parole virèrent aux négociations. La culpabilité due à son retard s'éteignit : quand on vient quémander des prix cassés sur l'accès à des rotatives et machines d'impression, on gagne en patience ! Il aurait dû les laisser mariner plus longtemps, regretta-t-il.

L'Étui Vide [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant