𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟏 : 𝐊𝐚𝐫𝐦𝐚

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Élise ne s'étonna guère de l'inimitié que lui adressait Ezra. Peinée, mais pas surprise. Après avoir refusé ses avances, elle avait eu l'espoir qu'en se montrant ouverte à son alibi à propos de la jeune éditrice, il y verrait de la bonne volonté de sa part. Espoir vain. Très vite, elle comprit qu'il ne persistait aucune perspective. Pas même celle d'une franche amitié.

Comme tant d'autres avant elle, elle allait devoir s'accommoder d'un mariage arrangé. Ce n'était que l'affaire de quelques semaines par an. Rien de bien méchant, n'est-ce pas ? Elle retrouverait bientôt son fils tout à elle. Il ne s'agissait que de patience.

En quelque sorte, Ezra lui facilita la tâche en ne s'encombrant plus d'elle. Seule, elle n'avait plus à dissimuler la tristesse d'un cœur qui – il était écrit, sans doute – ne pourrait jamais aimer sans en souffrir.

Tout du moins se croyait-elle seule. Plongé dans les mêmes ombres que la jeune femme, Lewis voyait. Lewis veillait.

Il chercha bientôt sa compagnie et adoucit sa solitude toute empreinte de vigilance envers son enfant. Par ses espiègleries bien plus matures qu'elles n'y paraissaient, il la faisait rire. Sans qu'elle ne perde Valentin des yeux, ils discouraient de littérature, un sujet qui la passionnait tout autant que les Edge.

Mais lorsqu'il l'observait parcourir les jardins à dix pas d'Ezra et Val, présente et exclue tout à la fois, Lee pouvait encore déceler la dignité dont elle voilait ses blessures.

Le jeune homme maudit son aîné sans pouvoir rien faire de plus qu'Élise : attendre, son mal en patience.

Peut-être une divinité eut-elle entendue les plaintes vengeresses que Lee lui adressa. Il y songea avec une grande satisfaction lorsqu'en pleine nuit, Élise vint frapper à sa porte. Pâle, presque fantomatique dans sa robe de nuit de coton blanc, elle lui dit qu'elle avait été éveillée par les hurlements de douleur d'Ezra. Un juste retour de karma !

Nonobstant, l'empressement anxieux d'Élise le toucha, et il se mit à disposition pour aider son cousin.

Lorsque les séquelles de sa maladie infantile se faisaient ressentir, en proie à la fièvre et à la douleur des nerfs, Ezra n'avait plus rien de l'homme viril dirigiste ou trop sûr de son honnêteté. Il se recroquevillait dans le fouillis des draps ou se tendait de tout son être à la recherche de l'accalmie. La sueur qui le recouvrait n'était surpassée que par celle perlant à son front. Il perdait parfois connaissance, et n'était généralement pas lucide. Il hurlait. Bientôt, il serait réduit à trémuler et panteler en silence, parce que rendu aphone.

Une crise de ce genre pouvait durer une semaine. Avec ses hauts et ses bas. Il mettait au moins le double à s'en remettre.

Cette fois, l'éclaircie se produisit au bout de trois jours et quatre nuits. Élise et Lewis en ressentirent un même réconfort. Pas par compassion pour la même personne, cela dit.

Dans la soirée, au chevet qu'elle n'avait pas quitté, Élise épongeait les dernières traces de fièvre du front moite quand Ezra revint à lui. Il papillota, parvint à focaliser le regard sur le sourire doux qu'elle lui adressait. Et sans signe avant-coureur, il repoussa la main qui le soignait. « Qu'est-ce tu fous là ? » La voix rocailleuse était aussi ténue que la brume du matin sur le manoir. Son sourire disparut instantanément.

Elle se redressa en lissant l'expression consternée qui avait succédé au soulagement. Qu'avait-elle fait ? Depuis les ombres derrière elle, Lewis posa une main apaisante sur son épaule. La gêne d'Ezra se mut en colère. « Sors d'ici. »

Élise déglutit, ravala au mieux l'abattement que la fatigue rendait difficile à combattre. Elle se leva dignement et quitta la pièce sans un bruit. Elle dut néanmoins s'adosser à côté du battant de crainte que ses jambes ne se dérobent sous elle. Elle ferma les yeux et serra les dents. Sa mâchoire se relâcha doucement en entendant Lewis tempêter à l'intérieur : « T'es vraiment qu'un putain de salaud de merde en boîte !

L'Étui Vide [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant