𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟒 : 𝐊𝐞𝐧𝐧𝐞𝐭𝐡

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Ezra usa du coude pour baisser la clenche et poussa la porte du pied. Élise était telle qu'il l'avait laissée : assise en tailleur sur le lit du côté du pied, simplement drapée de la robe de chambre trop grande qui bayait sur une épaule, ses cheveux encadrant son visage et son cou en un émouvant tableau d'après sexe.

Il ferma le battant d'un coup de talon et la jeune femme leva le nez du livre de chevet dont elle s'était emparée avec curiosité. Elle éclata de rire. Il lui offrit un sourire ravageur. « Quoi ?! » fit-il mine de ne pas comprendre. Il posa le plateau dont les flûtes cliquetèrent joyeusement, et récupéra la bouteille qu'il portait sous le bras. Elle secoua la tête de désarroi. « Quand tu as dit avoir faim, je n'imaginais pas ça...

— Je n'ai pris que des choses qui vont ensemble, se défendit-il en commençant à retirer l'opercule. Les fraises se marient au champagne, et il n'y a rien de mieux que de la glace pour accompagner des fraises. Malheureusement, Albine a dû organiser une soirée chantilly parce qu'il n'y en avait plus. » Il rattrapa dextrement le bouchon avant qu'il ne traverse la chambre. Les verres se remplirent d'une bonne rasade éruptive. « Tu préfères quel parfum ? Caramel brownie, ou cookie machiatte ? »

Élise gloussa des choix infantiles de son compagnon. Il avait beau être sérieux comme une épidémie, il pouvait faire preuve d'une telle espièglerie qu'elle se souvenait qu'une part de lui découvrait encore ce que l'enfance pouvait offrir de plus beau. Elle apprenait encore à le connaître, et sans dévaloriser ses autres qualités, c'était sans doute cette part franche et candide sans honte qu'elle trouvait le plus adorable.

« J'n'ai pas de préférence. » sourit-elle. Elle attrapa au vol le pot de glace au café qu'il lui lançait négligemment par-dessous son bras. Il amena la plateau sur le matelas. Les bols de fraises, entières ou fraîchement coupées, embauma l'air déjà investi par le souffre léger du champagne.

Ezra s'assit confortablement contre la tête du lit sans se départir de l'étincelle malicieuse de son regard. « Choisis ton arme chérie : coupe ou cuillère pour commencer ? » Elle afficha une moue dubitative en avisant l'une et l'autre. Depuis qu'elle était entrée dans la salle de bain, il lui découvrait un panel d'expressions qu'elle n'avait jamais arboré. Un pincement heureux vrilla sous ses côtes : enfin elle levait le véritable masque qu'elle portait en tout temps.

« Trinquons d'abord. » décida-t-elle en soulevant solennellement la cuillère. Elle haussa un sourcil amusé face à l'étonnement d'Ezra. « Tu es affamé, paraît-il. » expliqua-t-elle. Une lueur toute autre assombrit les yeux bleus. « La glace d'abord, sourit-elle plus franchement.

— Ouais, évitons l'hypoglycémie..., répondit-il en prenant l'autre couvert, n'en pensant néanmoins pas moins. »

Ils cognèrent doucement l'argent de leur arme et ouvrirent leur pot respectif. L'éditeur ajouta une bonne dose de fraises coupées sur le dessus tandis que la jeune femme raclait consciencieusement le bouchon pour ne rien en perdre. Au moment où elle allait plonger le couvert dans le pot, il l'arrêta d'un geste et d'un babil d'avoir la bouche pleine. Il coinça sa cuillère entre ses dents, s'étendit au-dessus des draps pour ajouter des morceaux de fruits au pot de sa femme, et il lui fit signe qu'elle pouvait y aller. Elle rit encore. De ce rire caressant, pudique, mais si réel.

Dès la première cuillerée, elle acquiesça en approbation amusée. Une minute de dégustation ASMR passa, bercée par la musique en sourdine diffusée par le smartphone d'Ezra.

« T'as pas trouvé Lewis étrange tout à l'heure ? interrogea-t-elle en restant concentrée sur la fraise qu'elle tentait d'ajouter au morceau de cookie.

— En quoi ?

— Il est parti rapidement...

— Il voulait juste s'assurer que nous allions bien, avant d'aller transmettre mes instructions à l'attaché de presse.

L'Étui Vide [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant