Frederick Iviston s'employait à répondre à une lettre quand la porte de son bureau s'ouvrit sur sa servante, Jenna. Il leva un sourcil intrigué en remarquant l'agitation de cette dernière. Mais il en comprit rapidement la cause lorsqu'elle lui annonça :
— Sa Grâce, la duchesse de Bellington.
Il ouvrit plus grands ses yeux de stupeur. La duchesse ? Il ne l'avait encore jamais rencontrée. Cette dernière restait généralement à Londres, et quand elle venait à Bellington Park, venir le voir devait être la dernière de ses pensées, ce qui était loin de lui déplaire. Elle était sûrement aussi désagréable que son mari.
Il remit néanmoins ses pensées en cause lorsqu'elle fit son entrée.
Il fut surpris en découvrant une femme au regard terne, sans vie. Ses traits semblaient marqués par une profonde lassitude. Ses lèvres, quant à elles, ne semblaient pas avoir été étirées par un sourire depuis longtemps... depuis très longtemps.
Il se fit la remarque qu'il vaudrait mieux pour la fille des Bellington qu'elle ressemble en grandissant à sa mère plutôt qu'au duc. Car, en dépit des marques de tristesse qui apparaissaient sur son visage, la duchesse restait très belle.
Frederick se leva de son siège pour l'accueillir.
— Votre Grâce.
La duchesse inclina légèrement la tête pour le saluer.
Comme elle gardait le silence, hésitant visiblement à prendre la parole, il demanda :
— Vous désiriez me voir ?
— Oui. Je suis venue pour Anthéa.
Frederick parut surpris.
— Vous parlez de votre fille ?
Il fronça les sourcils en la voyant se crisper. Qu'avait-il dit ?
— J'ai cru comprendre que vous n'avez pas accepté l'offre du duc. Vous ne voulez pas prendre en charge une partie de l'éducation d'Anthéa.
Frederick resta silencieux un instant. Visiblement, elle était venue remettre le sujet sur le tapis.
— Pardonnez-moi, votre Grâce, si je me montre irrespectueux en vous disant cela, mais éduquer votre fille ne fait pas partie de mes fonctions. Si elle a besoin de cours, je suis persuadé que des centaines de précepteurs seront ravis de répondre à votre demande.
La duchesse se tourna vers la fenêtre.
— Là n'est pas la question.
Frederick resta de nouveau silencieux, observant la silhouette de la duchesse en contre-jour.
— Si vous m'expliquiez dans ce cas où est la question, peut-être pourrais-je comprendre votre demande, votre Grâce.
— Le duc refuse de payer un précepteur pour Anthéa.
— Pourquoi ? Il peut bien se le permettre, surtout que c'est sa seule fille.
— Justement, c'est une fille, sa seule fille, son seul enfant. Le duc refuse de payer un précepteur pour éduquer une fille. Elle n'a pas besoin d'une éducation aussi poussée que celle d'un homme selon lui. Savoir sourire devant les autres et faire une révérence est suffisant avec son titre.
Elle soupira.
— Même si elle n'a aucun savoir, les hommes se jetteront sur elle plus tard... uniquement pour le prestige qu'apporterait leur alliance avec la fille d'un duc fortuné.
Elle se tourna vers lui.
— C'est pourquoi je viens vous demander votre aide. Même si j'engage moi-même un précepteur pour Anthéa, le duc finira par le savoir. J'ai réussi à le convaincre de la laisser venir suivre quelques leçons avec vous si vous n'êtes pas payé pour. Evidemment, je vous payerais, mais il faudra que le duc l'ignore.
VOUS LISEZ
Dans son regard - Brandon
Historical FictionAngleterre, XIXe siècle. Ils n'étaient pas désirés, ils n'ont pas été aimés. En route vers la résidence de campagne de son père, la fille du duc de Bellington pense enfin entrevoir le bonheur. Si elle a perdu depuis longtemps l'espoir d'être aimé, A...