Il referma lentement son journal, nullement ravi à l'idée d'accueillir le père d'Anthéa. Ce dernier n'avait pas honoré - enfin, façon de parler - sa maison depuis des lustres. Il pouvait même compter sur les doigts d'une main le nombre de leurs rencontres. Mais il n'allait pas s'en plaindre, au contraire il s'était fait depuis longtemps une idée de l'odieux personnage qu'était le duc. Il suffisait de voir la mine défaite qu'affichait Anthéa à chaque fois que le nom de son père était évoqué.
Ce fut donc avec un masque sympathique qu'il regarda le duc s'avancer dans la pièce, fidèle à lui-même.
- Monsieur..., fit le duc d'une voix distante, limite prétentieuse.
Oui, on sait que tu es duc...
- Monsieur le duc, quel plaisir de vous revoir.
Frederick jubilait littéralement dans sa tête. Quitte à être obligé de voir cet homme, autant s'amuser. Vive l'hypocrisie !
- C'est un plaisir partagé.
Oh, mais quel menteur. Cela se voyait tellement qu'il ne pensait pas un traitre mot de ce qu'il venait de dire. Si cela avait été possible, il serait en train de rire dans sa tête. Il se contenta donc de le regarder en pensant « égoïste. Hypocrite. Petit pan qui fait la roue pour m'impressionner». Ce faisant, il affichait un grand sourire sur son visage, ce que le duc prit pour une marque de son ravissement d'avoir la chance d'avoir une entrevu avec lui.
- Puis-je vous servir un quelconque rafraichissement, votre Grâce ?
- Avec plaisir.
Le pasteur s'apprêtait à faire mander Jenna quand il la vit entrée dans la pièce avec deux coupes de cristal posé sur un plateau en argent. Elle donna la première coupe au duc qui ne lui adressa même pas un signe de reconnaissance, puis elle donna au pasteur la seconde. Il se demanda furtivement ce qui pouvait bien être la cause de son petit sourire en coin. Il n'eut pas à attendre très longtemps pour avoir sa réponse.
Le duc, qui venait d'apporter la coupe de cristal à ses lèvres, but une gorgée d'un air ridiculement noble... quand il cracha la boisson avec une grâce qui laissait à désirer. Cela n'était visiblement pas à son goût.
Le duc toussa un peu avant de demander au pasteur, le regard noir :
- Peut-on savoir quel genre de cru m'avez-vous servi pour qu'il ait ce... gout ?
Le pasteur regarda par-dessus l'épaule du duc Jenna qui affichait un sourire triomphant. Il comprit. Elle avait glissé un petit ingrédient en plus dans sa coupe histoire de pimenté la boisson de ce noble duc. Il la regarda tirer la langue au duc dans son dos, puis quitté la pièce, fière d'elle.
Le pasteur dissimula son sourire lorsqu'il répondit, l'air innocent :
- Je ne voudrais pas paraitre impoli, votre Grâce, mais force est de constater que ce n'est pas moi qui vous ai servi. Je ne suis pas responsable du fait que votre palais est habitué à liqueurs plus... délicates, pour vos papilles.
Il réussit à contenir son fou rire en voyant la mine déconfite du duc, mais pas la lueur malicieuse de ces yeux.
Un zéro pour le pasteur.
Le duc posa sèchement sa coupe sur la table base, tout en essayant de toute évidence de garder son calme. Il ne voulait apparemment pas perdre la face devant lui.
Le duc se racla la gorge avant de déclarer, la tête droite :
- Je n'irai pas quatre chemins. Si je suis ici c'est parce que j'ai appris il y a peu que vous aviez adopté un enfant, il y a de cela un moment déjà. Je m'étonne que vous n'ayez pas pris la peine de m'en avertir.
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Dans son regard - Brandon
Historical FictionAngleterre, XIXe siècle. Ils n'étaient pas désirés, ils n'ont pas été aimés. En route vers la résidence de campagne de son père, la fille du duc de Bellington pense enfin entrevoir le bonheur. Si elle a perdu depuis longtemps l'espoir d'être aimé, A...