Frederick fut surpris que son fils comprenne la venue du duc alors même que lui ne le savait que grâce à la visite de le duchesse un peu plus tôt. Mais il comprit aussitôt à la fois le raisonnement de son fils de même que son brusque changement d'humeur.
La seule raison pour laquelle on pouvait vouloir ramener Anthéa au château plus tôt que prévu était en effet le retour du duc. Celui-ci ne venait que très rarement, préférant passer la quasi-totalité de son temps dans la capitale bondée et riche en festivités. S'y succédait à la chaîne bals, dîners, clubs... les rares fois où il venait c'était pour impressionner ses amis en les invitant une semaine durant à séjourner sur ses terres. Sa femme l'accompagnait toujours. En effet, le duc ne la laissait jamais disposer véritablement de son temps. Il avait besoin d'elle, disait-il, pour organiser les bals, répondre aux invitations, présider la table lors de longs dîners. Elle devait remplir ce qu'il disait être son rôle de femme, c'est-à-dire, faire briller sa couronne ducale, faire en sorte que tous n'aient que son nom à ces lèvres. L'homme parfait, titré, riche, ayant une femme remplissant à ravir ses devoirs de duchesse et faisant honneur au nom qu'elle portait.
D'ailleurs, Frederick avait compris pourquoi Brandon était au fond de lui furieux. Si le duc revenait encore une fois avec des invités pour une semaine, cela voulait dire qu'Anthéa allait passer une semaine dans sa chambre. Le duc ne la laissait pas sortir. Il ne voulait pas que ses invités la voient, la croisent par mégarde. Elle devait se contenter – enfin il aurait été plus juste de dire qu'elle était obligée – de venir tous les soirs souhaiter bonsoir à ses parents en présence des invités. C'était l'occasion pour le duc de montrer à ces invités qu'il avait une fille bien élevée, vêtue des plus beaux vêtements, aux manières exemplaires et au maintien digne de sa famille. Un diamant de plus pour flatter son égo et sa réputation.
Tout ça pour dire que Brandon ne pourrait pas voir Anthéa pendant une semaine. Une semaine. Ce n'était surement rien pour la plupart de gens... mais lui, lui, il allait très mal le vivre. Ce n'était pas tant d'être loin d'elle pendant sept jours qui le mettait en rogne, mais c'était le fait de savoir qu'Anthéa allait devoir rester dans sa chambre, seule... enfin, il y aurait Bouledogue, mais ça ne comptait pas. Il savait qu'Anthéa serait triste pendant sept jours. Il savait qu'elle allait avoir le moral à zéro pendant sept jours. Il savait qu'elle allait indubitablement pleurer pendant ces sept jours. C'était toujours ainsi... et il ne le supportait pas... absolument pas.
Frederick sortit de sa rêverie et regarda Anthéa s'approcher de lui pour lui dire au revoir.
— Au revoir oncle Fred.
Puis, elle se dirigea vers Brandon. Il ne la quittait pas des yeux, la mâchoire serrée.
— On se revoit dans une semaine, dit-elle doucement, comme pour le rassurer.
Brandon resta un instant sans bouger... avant de finalement se lever pour la serrer dans ses bras. Cela le rongeait de l'intérieur de savoir qu'il la laissait partir et qu'elle allait être triste. Mais que pouvait-il faire ? Rien.
Il la libéra doucement de son étreinte en entendant les chevaux s'impatienter à l'extérieur. Il ne devait d'ailleurs pas être les seuls. Bouledogue devait très certainement être en train de ronger son os pour rester patiente.
Anthéa s'éloigna rapidement vers la porte sans se retourner. Elle était à coup sûr entrain de retenir ses larmes. Elle détestait quand son père venait avec son troupeau d'invités qui n'avait de cesse de le brosser dans le sens du poil en espérant s'attirer un peu plus dans ses bonnes grâces. Elle détestait le surprendre au bras d'une autre femme à chaque fois qu'elle venait lui souhaiter une bonne soirée, tandis que sa mère se tenait un peu plus loin, droite, élégante, parfaitement tempéré.
VOUS LISEZ
Dans son regard - Brandon
Historical FictionAngleterre, XIXe siècle. Ils n'étaient pas désirés, ils n'ont pas été aimés. En route vers la résidence de campagne de son père, la fille du duc de Bellington pense enfin entrevoir le bonheur. Si elle a perdu depuis longtemps l'espoir d'être aimé, A...