Le silence accueillit sa déclaration.
— Que voulez-vous ?
Au moins, elle était sûre que c'était Bouledogue qui parlait au vu de la voix sèche qui s'était élevée dans l'habitacle du carrosse.
— J'aimerais me rendre chez le pasteur pour lui faire mes adieux.
— Je ne pense pas que cela soit indispensable.
— Pour moi, si. C'est même vital.
Bouledogue, qui regardait jusque-là à travers la fenêtre, se tourna vers elle, un sourire moqueur au bout des lèvres. Pourtant celui-ci disparu quand Anthéa releva la tête, découvrant son visage ruisselant de larmes.
La gouvernante pinça ses lèvres. Elle se fichait comme d'une guigne de cette petite. Elle s'apprêtait donc à refuser quand, comprenant qu'elle allait dire non, Anthéa fut agitée de petits soubresauts. Depuis tout à l'heure elle faisait un effort surhumain pour se contenir, mais là s'en était trop. Songeant que le voyage allait être insupportable si Anthéa ne se calmait pas, elle soupira.
— Est-ce vraiment nécessaire ?
— Oui. Je dois beaucoup au pasteur, il s'est chargé de mon éducation depuis cinq ans, ce qui vous a permis de disposer plus librement de votre temps.
Bouledogue pinça de nouveau ses lèvres. Anthéa lui signifiait clairement qu'elle lui était redevable.
— Si vous laisse faire vos adieux au pasteur, promettez-vous de vous tenir tranquille pour le reste du trajet ?
Anthéa hocha la tête, sans s'avancer à répondre véritablement. Elle ne voulait pas faire une promesse qu'elle n'était pas sûre de pouvoir tenir.
— Bien, mais je vous accorde deux minutes, pas plus.
Anthéa releva la tête vers elle.
— Je vous remercie, Madame.
La gouvernante, qui commençait à se sentir coupable face à la mine meurtrie de la jeune fille, préféra tourner la tête à nouveau, pour fuir son regard d'enfant blessé.
Et lorsque Eros réalisa qu'ils prenaient le chemin qui menait à la maison du pasteur, il sentit la joie s'emparer de lui. Il allait revoir son maître.
Le pasteur était tranquillement assis à son bureau quand le martèlement de sabots provenant de la cour attira son attention. Relevant la tête, il fronça les sourcils en voyant le carrosse aux armoiries du père d'Anthéa se stopper dans la cour.
Anthéa était en avance. Que se passait-il ?
Se levant, il se dirigea rapidement vers la porte. Arrivé à celle-ci, il vit Anthéa descendre le petit marche pied, la tête baissée. Lorsqu'enfin ses pieds touchèrent le sol, elle releva la tête vers lui... et Frederick se figea en voyant les larmes qui couvraient ses joues.
Sans plus attendre, il s'avança vers elle, une question au bord des lèvres. Il n'eut pas besoin de la formuler quand il aperçut des malles fixées à l'arrière du carrosse.
S'il avait su ce matin en se levant que cela allait arriver...
Reposant ses yeux sur la jeune fille qui se tenait à présent juste devant lui, il ne put résister à l'envie de l'enlacer, de la serrer contre lui, comme s'il ne voulait plus jamais la lâcher.
À peine l'étau de ses deux bras puissants se resserra sur elle, qu'Anthéa s'empressa de nicher sa tête contre sa large poitrine. Son corps était agité de petits soubresauts, ses larmes ne cessant de ruisseler sur son visage.
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Dans son regard - Brandon
Historical FictionAngleterre, XIXe siècle. Ils n'étaient pas désirés, ils n'ont pas été aimés. En route vers la résidence de campagne de son père, la fille du duc de Bellington pense enfin entrevoir le bonheur. Si elle a perdu depuis longtemps l'espoir d'être aimé, A...