Je remonte dans ma chambre étudiante après une longue journée de cours. Je dois travailler au bar ce soir mais je me sens particulièrement fatiguée. Je n'aurais même pas besoin de continuer à travailler. Je me souviens qu'en arrivant ici, je ne supportais pas la solitude et rester trop longtemps dans ma chambre, j'ai alors jeté mon dévolu sur un job étudiant qui m'occuperait en m'évitant de trop penser à eux. Je me change rapidement puis je me rends sur mon lieu de travail. J'envoie un message à ma colocataire en la prévenant que je ne sais pas encore à quelle heure je rentrerais ce soir. Il n'y a pas beaucoup de monde quand j'arrive au bar, j'enfile un tablier et rejoins mes collègues. La salle se remplit assez rapidement, les étudiants viennent souvent pour une petite bière après les cours. Le jeune homme d'hier soir s'installe sur un tabouret.
- Un bourbon ?
Il acquiesce en me fixant intensément pendant que je lui prépare sa boisson. Je suis terriblement gênée, c'est un très bel homme après tout. Je pose mon verre devant lui puis je vais m'occuper des autres commandes. La soirée se déroule rapidement et m'empêche de penser à demain. Demain cela fera cinq ans depuis l'accident. Le temps passe et plus les années défilent plus j'ai l'impression d'oublier ce qui est arrivé. Je n'étais pas dans la voiture ça j'en suis sûre, mais je ne sais plus qui m'a prévenu, je ne sais plus où j'étais, je ne sais plus ce que j'ai fait après. Chaque année tout un flot de questions me submerge mais je n'arrive pas à y répondre. Ils ont eu un accident de voiture sur ce foutu pont c'est tout ce dont je me souviens. Je prends une grande inspiration, je ne dois pas laisser mon esprit divaguer pendant que je travaille sinon mon patron ne manquera pas de me le faire remarquer. Il est 23 heures, le bar est presque vide, mais il reste toujours l'inconnu du bar. Il m'a dit hier qu'il rendait visite à quelqu'un pourtant il a passé la soirée seul, je trouve ça étrange. Il demande à mon collègue un autre verre celui-ci n'a pas l'air de vouloir le servir étant donné la quantité d'alcool qu'il a déjà bu pourtant l'inconnu réitère sa question et mon collègue accepte alors sans broncher. Je me dirige alors vers lui :
- Pourquoi tu l'as encore servi ?
- Il a demandé je le sers, il me répond en haussant des épaules avant de partir.
Je me tourne alors vers l'inconnu :
- Damon c'est ça ? Je pense que vous avez assez bu. Vous feriez mieux de partir.
Pourtant quand je le vois il n'a pas du tout l'air d'être en état d'ébriété et j'en ai vu des étudiants bourrés depuis que je suis ici. Je m'ose alors à une question un peu indiscrète :
- Vous essayez d'oublier quelqus chose ?
Damon lève alors les yeux vers moi :
- Plutôt de raviver des souvenirs.
Je suis étonnée par sa réponse : qui boit autant pour se rappeler des choses qu'il a oublié ? Quand je ramasse son verre vide devant lui, je le vois regarder intensément mon poignet :
- C'est un joli bracelet.
- Il vient de mes parents, je ne l'ai jamais enlevé depuis qu'ils...
Je ne termine pas ma phrase me rendant compte que ce n'est qu'un inconnu en face de moi et qu'il n'a pas forcément envie de m'entendre parler de ma vie.
- Mes parents aussi sont morts, il me confie alors.
- Oh ! Je suis désolée.
Il me parait d'un coup moins menaçant, moins mystérieux. Après sa confession, je me dis que nous méritons tous les deux un petit verre. J'ai fini mon service après tout.
- Je croyais que j'avais assez bu ? il me fait remarquer avec un léger sourire.
Il est très séduisant, il le sait et il en joue. Je me racle la gorge ne voulant pas perdre ma contenance devant ses yeux bleus.
- Je peux boire toute seule alors, je lui réponds sur le même ton en buvant mon verre ainsi que le sien d'un coup.Nous sommes installés dans la voiture de Damon, les yeux vers le ciel. Avant de quitte le bar il a acheté une bouteille de bourbon et je l'ai suivi à l'extérieur. Cela fait presque trois heures qu'on parle, enfin plutôt que je parle et qu'il m'écoute. Je suis revenue sur ces 5 dernières années. Mais au moment où j'arrive à l'accident et à l'année d'avant, j'ai à nouveau ce sentiment qu'il me manque un bout de l'histoire. Mes phrases n'ont plus de sens. Je mets ça sous le coup de l'alcool et de la douleur de les avoir perdu. Quand je me rends compte que nous avons bien passé minuit des larmes me montent : 5 ans. Ils me manquent, elle me manque. Ma Jo. Je secoue la tête pour ne plus y penser :
- Et toi Damon ? Raconte moi les drames de ta vie.
Il se tourne vers moi avec un sourire presque triste :
- Tu veux la version courte ou longue ?
- Longue.
Je veux juste que mon esprit se focalise sur autre chose. Il commence en disant que sa mère est morte quand lui et son petit frère Stefan étaient jeunes. Les deux frères sont alors tombés amoureux de la même fille, Katherine, qui est morte dans un incendie. Leur père qui les maltraitait, est décédé quelques temps après Katherine, attaqué par une bête sauvage. Je n'ai pas décroché un mot depuis le début. Il doit avoir mon âge et il a vécu toutes ces choses, ça me brise le cœur. Je comprends mieux son habitude de boire autant.
- Je suis désolée pour tout ça, Damon, je dis doucement.
J'ai envie de poser ma main sur la sienne en guise de soutien mais je me rétracte au dernier instant. Il a vu mon hésitation mais ne dit rien et continue simplement :
- Il y a quelques années, j'ai rencontré quelqu'un. Cette fille est arrivée comme une tornade dans ma vie. Tout ce que je pensais avoir ressenti pour Katherine est devenu presque insignifiant à côté de ce qu'elle m'a fait sentir.
Plus il avance dans son récit plus j'ai l'impression de visualiser ce qu'il me raconte, comme si les images de leur histoire défilent sous mes yeux. Je ne sais pas si j'ai déjà aimé quelqu'un de la façon dont il me décrit leur amour ou même si cela m'arrivera un jour.
- C'était compliqué, elle me rendait fou la plupart du temps et je pense que je la mettais hors d'elle aussi, il continue avec un petit rire nostalgique. Elle a accepté et supporté tellement de choses parce qu'elle m'aimait alors que je ne l'ai jamais mérité...
Savoir qu'il pense qu'il ne mérite pas de recevoir d'amour me rend triste. Tout le monde mérite d'être aimé.
- Où est-elle maintenant ? je demande doucement.
J'espère que je ne le mets pas mal à l'aise. Il tourne la tête vers moi et me regarde un instant sans rien dire. Je prends alors le temps d'examiner son visage à la lumière de la lune, et le bleu de ses yeux me transperce. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi beau, c'est presque surnaturel. Je reviens à la réalité quand je réalise qu'il me répond :
- On aurait pu y arriver tous les deux, on aurait pu être heureux... mais... on me l'a enlevé.
Je n'insiste pas plus, je ne veux pas paraître intrusive. Il a perdu énormément de monde autour de lui. Et c'est la première fois depuis 5 ans, en discutant avec un total inconnu, que je me sens comprise, que j'ai enfin l'impression de ne pas être seule face au monde. J'ai ce sentiment réconfortant de familiarité qui m'envahit. On dit souvent qu'il est plus facile de s'ouvrir aux personnes qu'on ne connait pas, ça doit être ça.
- Anna, je peux te poser une question ?
- Euh... Oui.
Il n'a pas l'air très sûr de lui :
- Est-ce que tu es heureuse ?
Je le regarde presque incrédule. Ce n'est vraiment pas le jour pour me demander ça mais je ne lui ai pas précise la date toute à l'heure.
- Je ne sais pas. Je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai regardé ma vie en me disant que j'étais heureuse. Bien sûr la perte de mes parents et de ma meilleure amie m'affecte encore et je ne sais pas quand ça ne fera plus mal. Mais j'ai ce sentiment qu'il me manque quelque chose. Je n'arrive pas à l'expliquer, c'est comme un vide, un bout de moi qui manque et je ne sais pas comment le combler.
Je n'avais jamais pensé à mon bonheur avant qu'il me le demande. C'est vrai que pendant ces 5 ans, j'ai essayé de survivre , à apprendre à être seule, à vivre avec toutes ces questions sans réponses qui m'envahissent constamment. Mais cela fait quelques mois que je me suis rendue compte que j'ai ce vide incompréhensible en moi. Je n'arrive pas à savoir qui je suis. Damon ne dit rien pendant un instant pour me laisser dans ma réflexion.
- Qu'est-ce que tu veux faire? il me demande.
- Est-ce qu'on peut rester ici encore un peu ?
- Tout ce que tu veux.
Je ne peux m'empêcher de jeter des coups d'œil vers lui quand je pense qu'il ne me voit pas. Mais quand je remarque un sourire en coin sur son visage, je me rends compte que je ne suis pas aussi discrète que je le voudrais. Il se tourne vers moi :
- Tu aimes ce que tu vois ?
Je suis prise de court par sa remarque présomptueuse et je sens le rouge me monter aux joues. Sa remarque a réussi à détendre l'atmosphère, pourtant quand son regard intense se pose sur moi l'air s'alourdit. Je ne me souviens pas la dernière fois qu'on m'a regardé de cette façon et surtout que je me suis sentie comme ça. Il avance sa main doucement vers mon visage, je vois qu'il est hésitant, comme s'il avait peur que je disparaisse sous ses doigts.
- Tu es magnifique, Anna.
Ses mots résonnent en moi. Je sais qu'il est encore très amoureux de cette fille dont il m'a parlé et que je ne suis pas dans un moment de ma vie où je recherche quelque chose. Mais je pense que tous les deux nous avons le droit à une pause après tout ce que nous avons vécu. C'est moi qui réduit l'espace entre nous et qui l'embrasse. Il semble d'ailleurs surpris quelques secondes mais accentue notre baiser très rapidement. Embrasser Damon, me donne la sensation de prendre une grande bouffée d'air après avoir retenu mon souffle trop longtemps. C'est affreusement familier et enivrant. Je veux approfondir cette sensation. Je passe ma main dans ses cheveux noir et je le sens soupirer contre ma bouche. J'ai envie de plus de contact. Je me détache haletante alors avant chuchoter :
- Allons dans ma chambre.
Il acquiesce le sourire aux lèvres. Il commence alors à rouler suivant les indications que je lui donne. J'en profite pour écrire à ma colocataire lui demandant si elle est dans notre logement. Cela fait seulement quelques semaines qu'elle partage ma chambre, elle m'a dit qu'elle a été transféré depuis la Nouvelle-Orléans. Je ne sais pas grand chose sur elle, je n'ai pas vraiment pris le temps de la connaître non plus. Mais elle est très gentille et est toujours disponible quand j'en ai besoin. Elle me répond rapidement qu'elle n'est pas là. Je range mon téléphone dans mon sac pendant le reste du trajet. Damon attrape ma main délicatement avant d'y déposer des baiser, un grand sourire sur les lèvres. Il ne ressemble pas du tout au Damon qui est entré dans le bar il y a quelques jours. Son visage était renfrogné, le regard triste, il semble plus apaisé.

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I'm not Elena.
FanfictionUne jeune lycéenne de 17 ans, déménage à l'autre bout du monde, dans une petite ville appelée Mystic Falls. Elle qui croyait vivre dans une ville paisible avec des amis tout à fait normaux, va vite se retrouver face au passé que sa famille a tant bi...