𝟑𝟎 - 𝐂𝐚𝐭𝐚𝐜𝐥𝐲𝐬𝐦𝐞. 𝐏𝐚𝐫𝐭𝐢𝐞 𝟐

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𝐄𝐥𝐥𝐲.

Quelques minutes plus tôt.

Je respire mieux en sortant de cette pièce saturée de mauvaises ondes.

Je me sentais comme dans un tribunal et une cellule de prison à la fois, agressée dans mon intégrité physique et professionnelle tout en défendant bec et ongles ce en quoi je crois : la véracité des faits déshabillée du voile du trompe-l'œil. Aveugle et crédule durant les deux premières décennies et demie de ma vie, je suis à présent auréolée d'une lucidité qui m'aurait évité pas mal d'erreurs si elle s'était pointée au plus tard il y a trois ans. Mais elle est là ce soir et je la remercie en silence, tandis que mes talons claquent sur les grands carreaux en marbre pour donner le ton de mon empressement.

Une âpre brûlure se répand dans ma poitrine sur le chemin de la confirmation vers la salle principale ; je sais, enfin, où se trouvait l'inconnue dans l'équation. La vérité, c'est que l'appât du gain est un venin corrupteur qui a poussé tout un groupe à monter un projet fastidieux qu'ils ont ensuite vêtu d'un costume d'apparat. La vérité, c'est que Campbell.Inc est un mensonge. Malgré cela, ma tête se sent allégée d'un poids colossal.

KMC ! Ils ont visé les étoiles.

Ma mémoire a été mon alliée. Cela n'aurait pas été possible si je n'avais pas arrêté mes petits cachets blancs, ceux censés m'aider. Bénéfiques pour amoindrir mes angoisses, ils avaient cependant court-circuité une partie de mon cerveau, le tiroir à images qui s'ouvre normalement de lui-même pour lier le passé au présent.

L'ironie dans cette histoire, c'est qu'ils m'ont eux-mêmes mise sur la voie.

— Belle et intelligente. Vous êtes donc l'assistante rêvée Lyanor ! m'a lancé Randy dans un élan de flatterie.

Seuls ma meilleure amie et mec Cravate-Perdue m'appellent ainsi. Et encore, Mélia ne le fait qu'en prologue d'une remontrance imminente. À notre arrivée, Ethan m'a présentée sobrement ; « Mademoiselle Johnson, mon assistante ». Mon prénom n'avait pas été prononcé et les quelques mails que j'ai rédigés pour lui à l'attention de Campbell.Inc ne comportaient que ma signature automatique « L. Johnson, assistante d'Ethan Walsh, vice-PDG ».

Randy Campbell n'était donc pas censé en savoir davantage. L'évidence m'est alors tombée dessus : ils ont fait des recherches : sur KMC, sur Ethan, sur moi. Certainement sur Aaron. Cerner nos PDG pour cibler leurs attentes, leurs points forts et leurs faiblesses, ce n'est pas inhabituel dans le monde des affaires. Mais pourquoi pousser les recherches jusqu'aux assistants ?

Parce qu'il faut tout connaître de ses ennemis pour les combattre.

Les Campbell prétendent avoir besoin de partenaires financiers pour se développer rapidement et ainsi répondre à la demande croissante sans se faire doubler par leurs concurrents dans un moment de latence. Ça, c'est la version officielle, chargée de répandre l'odeur de l'investissement facilement rentabilisé. Mais les scénaristes de ce traquenard ne décrocheront pas l'Oscar. Un autre détail a déclenché un déclic dans ma mémoire et je suis persuadée qu'il est là, quelque part, l'homme de l'ombre au penchant prononcé pour la contrefaçon avec option « faux et usage de faux » et « pistage ».

— Je peux vous aider, Mademoiselle ?

Un serveur tiré à quatre épingles m'interpelle alors que je pénètre tout juste dans la salle principale. J'ai à peine le temps de croiser son regard bleu acier qu'une voix qui me hérisse le poil, dans mon dos, lui répond à ma place :

— Elle cherche les toilettes pour femmes.

Sonja, qui d'autre ?

— Couloir de gauche, deuxième porte à droite, nous indique-t-il gentiment.

Devious BOSS | Œuvre intégraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant