𝟗 - 𝐌𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞-𝐦𝐨𝐢

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𝐋𝐢𝐚𝐦.

38 heures plus tard.

Je ne crois pas avoir été un jour aussi fatigué. Ni si déterminé à rester éveillé, coûte que coûte. Je ne suis pas le seul et, comme souvent dans les situations merdiques, je réalise à quel point la famille est tout.

Retranchés chez Ethan depuis que les médecins ont confirmé qu'Ivy est en bonne santé et qu'elle ne gardera aucune séquelles de son enlèvement en raison de son jeune âge, on carbure au café et à la vitamine C. Dans le salon, les corps ressentent le poids du sommeil qui nous fait défaut, mais les esprits ne faiblissent pas. C'est un luxe qu'on ne peut pas se payer.

— À force, tu vas la connaître par cœur cette liste du personnel, Mélia, lâche Neve dans un soupir éreinté.
— Et je vais continuer jusqu'à ce que je trouve ce qu'on rate.

Depuis le canapé d'où je n'ai pas bougé depuis près de deux heures, j'observe Neve bailler aux corneilles sans cligner des yeux, avant de replonger dans la paperasse étalée à-même le sol. Mon regard passe de visage en visage. L'inquiétude qui nous lie courbe les échines et tire les cernes. Mais on lutte contre le temps, résolus à gagner.

Lorsque Ethan s'approche d'Amélia, la rousse à la crinière en pagaille décline la bouteille d'eau fraîche qu'il lui tend. Effrayée à l'idée que Lyanor ne dispose ni de quoi boire ni de quoi manger, sa meilleure amie a décrété qu'elle ne s'alimenterait que lorsque Lya sera saine et sauve.

— On a vérifié tous les Andrews de la liste, plus les contacts Facebook d'Elly, reprend Neve après un long silence.
— La réponse est là, je le sens. On passe à côté de quelque chose d'important. Une anagramme, peut-être ? s'interroge Amélia tout en gribouillant les lettres sur un coin de calepin. Merde, Lyanor Johnson ! Comment ton cerveau fonctionne-t-il, à la fin ?

  Le FBI a beau poursuivre d'arrache-pied ses investigations, aucun de nous n'a pu se résoudre à patienter les bras croisés. Pourtant, en dépit des heures qui défilent et dont on optimise chaque nanoseconde, on ne tient toujours pas l'ombre d'un quelque-chose qui pourrait nous aider. L'amoncellement de questions et l'absence de réponse me bousille à petit feu. L'impuissance est un mal sournois.

Les numéros de téléphone prépayés sont intraçables.
La voiture incendiée n'a laissé aucune preuve.
Celle du parking non plus.
L'appel avec les ravisseurs était trop court pour le tracer.

On est embourbés dans un putain de néant !

La bonne nouvelle est qu'Ari et Tatiana Andrews ont été mis hors de cause. Adorables comme ils sont, le couple ne nous en veut même pas pour les heures passées au poste de police.

— Bordel Lya, montre-nous ce que tu voulais nous dire ! me désolé-je en balançant un tas de feuilles inutiles. Si seulement Ivy pouvait nous dire où elles étaient !

D'autorité, le poussin me rejoint pour me serrer dans ses bras frêles. J'ai l'impression qu'elle tient mieux le choc que moi, malgré les larmes qui inondent ses joues plusieurs fois par heure. Puis, comme si l'espoir voulait nous secouer à la moelle, ma mère apparaît dans l'arche du salon avec notre petite rescapée. Ma tante Maureen les suit de près, un plateau en argent alourdi par plusieurs tasses de café fumant.

— Regardez qui est réveillée.

Ivy ne mesure pas sa chance de ne pas comprendre ce que l'on vit.
Lorsque j'ose de nouveau couver un regard anxieux à ma montre, elle affiche 08 h 06. Et je ne pense qu'à elle. À ces heures qui doivent lui sembler des jours entiers, à ce qu'elle éprouve, seule, quelque part. Peut-être pas si loin. Dans un état second, je passe une main sur mon visage pour essuyer les traces de cette douleur sournoise qui me noue les tripes.

Devious BOSS | Œuvre intégraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant