𝟐𝟐 - 𝐒𝐚𝐧𝐬 𝐟𝐢𝐧

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𝐄𝐥𝐥𝐲.

Des éclats de rire cristallins me ramènent à la réalité. Pour ne pas changer, mes pensées avaient dérivé vers les traits d'un certain Lucifer, caché sous le bloc de givre qu'est Iceberg PGD. Je souris malgré moi, sans savoir pourquoi. Et ça me fait un bien fou.

Suis-je simplement attendrie d'observer cette grand-mère courir après ses petits enfants dans l'herbe verte de Central Park, puis de la voir offrir des pommes d'amour aux chérubins près du carrousel ? Ou ne suis-je pas plutôt en train de subir une nouvelle attaque de ma double personnalité ? Cette espèce de jumelle maléfique qui a pris possession de moi et veut encore me tourmenter ?

J'ai tout plaqué pour changer de vie. Non, c'est même plus profond : pour avoir une vie à moi qui ne soit pas un mensonge. Me rencontrer moi-même, trouver la paix loin d'une pression familiale capable de broyer n'importe qui. Je n'avais pas prévu de me découvrir une pseudo Schizo, parfois. Il me rend folle. De rage. De tout.

— Va consulter, ma pauvre Elly, tu es en plein délire ! m'exaspéré-je en terminant mon double latté caramel.

Les aiguilles de ma montre m'indiquent qu'il est grand temps d'activer le pas. Ethan m'a accordé une pause déjeuner rallongée pour compenser le rythme effréné des quatre derniers jours. Sans surprise, Aaron a fait un super boulot durant mon kidnapping en Californie. Mais j'ai dû me remettre dans les clous des dossiers en cours dès lundi. Heureusement que nous avions échangé par mail sinon, j'aurais nagé dans la choucroute.

Et je n'aime pas la choucroute.

Dans la rame de métro, je n'arrive pas à me concentrer sur mon roman numérique. J'en suis à relire la même page depuis plusieurs minutes, et je serais incapable de raconter ce qu'il s'y passe. En fait je ne la lis pas, je regarde les mots sans les voir. Mes yeux ont décidé de jouer un autre script. Une scène torride, interdite aux moins de dix-huit ans.

C'est vrai qu'il ne fait pas très chaud aujourd'hui, alors je comprends le besoin de mon esprit de vouloir s'engager sur un chemin ô combien escarpé qui pourrait le réchauffer. Pourtant, je préfère mille fois avoir froid que de me laisser aller sans protester à repenser à ça. Lui. À l'intensité de sa voix qui m'a fait vibrer avant même qu'il ne me touche. À la sensation de ses mains sur ma peau. Au courant électrique qu'il a fait naître en moi et aurait bien pu alimenter tout l'hôtel plusieurs jours durant. Au trouble qui m'a enveloppée dès lors que sa langue a goûté ma peau. À la chaleur qui m'a fait griller les neurones, à la marque qu'ont laissée ses doigts sur et dans mes chairs.

Non, je ne dois pas y penser, plutôt obliger ma conscience perverse à mettre à jamais sous clé ces images et sons interdits. Car la partition de nos corps se percutant dans une chorégraphie torride, ma mémoire les rejoue sans cesse. Ses râles rauques de plaisir résonnent encore à mes oreilles.

Alors je m'interroge. Est-il toujours légitime que je le surnomme Iceberg PDG ? Même si je hais ce type froid, arrogant, imbuvable, je ne peux plus nier que derrière cette façade se cache un Lucifer aussi brûlant que la chaleur des enfers. Même son côté dominateur ne m'a pas refroidie, bien au contraire. J'ai des réactions insensées que je n'arrive pas à contrôler.

Dans l'ascenseur qui m'emporte au dernier étage, je sens quelques regards m'observer. J'ai l'habitude à présent, et je les emmerde. Je deviens vulgaire mais après-tout, ne m'a-t-on pas reproché de ne pas être dans le moule ?

Les yeux rivés sur ma tablette, mes jambes me portent jusqu'à mon bureau. À KMC, les mails s'amoncèlent plus vite que les commérages de couloir. Je referme la porte derrière moi, retire mes escarpins puis m'installe dans mon très confortable fauteuil, changé durant ma semaine à L.A. Merci Ethan, ma remarque sur mes maux de dos n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd.

Devious BOSS | Œuvre intégraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant