𝟑𝟖 - 𝐏𝐨𝐮𝐫𝐩𝐚𝐫𝐥𝐞𝐫𝐬

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𝐋𝐢𝐚𝐦.

— C'EST HORS DE QUESTION !

J'ai crié. Impossible de réagir autrement alors que ses mots sont l'étincelle qui vient d'enflammer ma traînée de poudre. Mon sang froid s'est évaporé à la vitesse de la lumière, à croire que cette femme est un peu sorcière.

Ok. Plutôt beaucoup, mais ce n'est pas le sujet.

C'est un cauchemar. Je vais forcément me réveiller, découvrir que toute cette soirée n'aura finalement été qu'un sinistre songe destiné à confirmer ce que je sais déjà. Lyanor Johnson est l'imprévisible typhon qui a aspiré l'essence profonde du connard que j'étais avant elle, jusqu'à la dernière goutte. Elle est aussi et surtout la seule capable de m'auréoler d'un tel niveau d'incompréhension.

Malgré tout, je ne suis pas suffisamment à la ramasse pour omettre la gravité de la situation. La connerie monumentale qui vient de passer ses jolies lèvres tuméfiées toujours tatouées de l'empreinte sulfureuse de notre premier baiser. La pulsion rageuse qui bouillonne en moi à cette seconde n'a pas pris le dessus sur mon sens critique. Définitivement, la femme fatale fissurée par cette soiréee maudite mais pas vaincue ne peut pas être en train de me dire ça. Pourtant, nul besoin de me pincer pour m'assurer que ce présent aussi chaotique que rocambolesque est bel et bien une affreuse réalité. La rumeur d'une désapprobation familiale confirme que ma pire crainte se déroule bien sous mes yeux.

— Je ne me souviens pas t'avoir demandé ton avis, réplique calmement Lyanor, feignant de ne pas saisir la portée définitive de mon refus – on ne peut plus légitime. C'était une information.

Proche sans l'être suffisamment pour que je puisse la toucher, les bras croisés sous sa poitrine, ma plus belle adversaire me défie dans un silence plus éloquent que bien des mots. Un silence cadencé par les palpitations erratiques de mon myocarde. En apnée dans le scintillement vindicatif de son vert couleur colère, je me sens vaciller face à son assurance qui me file pourtant l'envie de me prosterner. Lyanor, elle, ne cille pas, droite comme un i, alors même qu'une myriade d'images d'elle, sur le point de chuter de ce toit, s'empare furtivement de mes pensées.

Elle m'aura tout fait.

— J'ai dit non, tu oublies, Lya. On a tous besoin d'une bonne nuit de sommeil, d'accord ? Tu es chamboulée et furieuse, et crois-moi je le suis moi aussi, mais il n'est pas question qu'on prenne une décision aussi capitale sur un coup de tête, tu m'entends !

Mes bras combattent un ennemi invisible dans l'air pour entériner ma position, faisant de moi un Don Quichotte juvénile face à son moulin. La lutte est certes inégale, mais loin d'être inutile.

— Liam, restons calmes et soyons ouverts d'esprit, veut tempérer mon père, sa main sur mon épaule. Tu devrais écouter Lyanor au lieu de t'emporter de la sorte.

— Et moi, continue la femme de mon cauchemar éveillé, je te dis que personne ne m'obligera à faire quoi que ce soit, pas même toi. Tu m'entends ?

Elle me toise toujours, et toujours avec un sang-froid aux antipodes de ce qui calcine mon être jusqu'à l'âme, retourne mes tripes, compresse mon cœur dans ma poitrine blindée par une rage démesurée. Je la dévisage, cherche encore dans son aplomb la preuve que j'ai mal entendu ; ou halluciné. Son mutisme impassible me tient lieu de réponse. Sans ses talons, Lyanor devrait me sembler moins impressionnante. Pourtant, ce soir, après les heures qu'elle vient de passer, elle me paraît grandie de plusieurs dizaines de mètres. Évanouie sa timidité, la dragonne n'est plus qu'hardiesse et vindicativité. J'applaudirais sa force de caractère si je n'avais pas présentement l'impression d'être un équilibriste hissé à 100 mètres de hauteur au-dessus d'un vide infini, seulement équipé de ses mots pour ne pas basculer alors qu'une bourrasque menace de le déséquilibrer.

Devious BOSS | Œuvre intégraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant