Devious BOSS | Œuvre intégrale

𝟒 - 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞 𝐡𝐚𝐬𝐚𝐫𝐝.

𝐄𝐥𝐥𝐲.

Please don't stop the music...

La musique électro-pop emplit mes oreilles, ma poitrine vibre au rythme des percussions, encaisse les « boom-boom » et en redemande. Je danse sans me préoccuper des autres corps en transe, évacue mes frustrations jusqu'à ce que la fatigue s'abatte sur mes muscles sans crier gare.

Je voudrais continuer, mais mes pieds ne sont pas raccord avec mon projet. Quant à ma bouche, elle réclame d'être hydratée. J'ai besoin d'aller me coucher – et de ne plus jamais me réveiller, si possible. Ou dans le passé pour pouvoir tout changer.

— Je retourne à notre table ! Mélia ?

Je dois crier pour me faire entendre. Ma meilleure amie pivote vers moi sans cesser de se déhancher ni de se frotter lascivement à son partenaire de soirée. Et probablement de nuit.

— J'arrive !
— Non profite ! lancé-je en avisant son cavalier, je vais rentrer !

Mélia a la chance d'être plus endurante que moi – l'avantage d'une pratique assidue, je suppose. Je ne veux pas qu'elle se sente obligée de me baby-sitter. Je la laisse donc avec sa proie pour aller reposer mes pauvres pieds. J'avais besoin de me défouler et puisqu'il est toujours interdit d'aller briser des genoux à coups de barre de fer, j'ai dû me contenter de ce que je sais faire : boire, censurer ma tête et m'épuiser, avec son indéfectible soutien. Quoiqu'en ce qui concerne l'alcool, ça ne m'était plus arrivé depuis... hum, mauvaise idée, ce calcul. Moi, la nana sage qui tourne d'habitude le dos aux excès, je me rends compte à quel point j'ai besoin de tester mes limites, bazarder ma sobriété, mes chaînes, mon éducation un peu trop guindée. Tout ce que je suis par obligation, pas par volonté. Ce soir, mes limites se résument donc à ma capacité de rentrer.

Parce que ce soir est un cas de force majeure, pas vrai ?

C'en est un. Après un tel poignard dans le dos, je peux bien me soûler pour le siècle à venir. La sauterie de Cooper et sa Betty a remis en question les trois années qui viennent de s'écouler, et plus encore. Je mérite bien une pause forcée de mon cerveau.

En jouant des coudes à travers une foule dense et transpirante, je me fraye un chemin jusqu'au comptoir du bar. Les néons phosphorescents baignent le club dans une ambiance techno – sympathique, du moment qu'on n'a pas un orchestre en plein concert à l'intérieur du crâne.

Bon sang, quel âge as-tu déjà, Elly ?

Je vide d'abord ma petite bouteille d'eau fraîche sitôt mes fesses posées sur la banquette en velours gris, prête à enchaîner sur un cocktail bien moins raisonnable. Lasse, je laisse s'évader un long soupir qui ne me purge pas pour autant de mon trop-plein d'émotions. Une tornade de vérités.

Le regard rivé sur ces corps énergiques aux bras levés, je sors mon portable de ma pochette à main. Lorsque mes yeux dévient vers l'écran, j'émets un hoquet peu féminin, suivi d'un grognement pas plus sensuel. Des dizaines d'appels manqués. Autant de SMS que je n'ouvrirai pas. Je n'ai plus confiance mais j'ai vite relativisé, grâce à l'aide de Mélia : mieux valait que tout s'arrête avant le mariage. Absolument tout.

Amélia Scott est ma meilleure amie depuis dix ans. C'est chez elle que je me suis réfugiée hier, après être montée dans ce taxi ; après avoir quitté mon ancienne vie et l'enfoiré qui me servait de bad fiancé. Malgré cette journée merdique, j'ai eu de la chance : Amélia était toujours en ville. Elle a repoussé son départ. Reporter-mode pour un grand magazine américain, elle est régulièrement en déplacement. Une vraie globe-trotteuse ! Sans sa présence réconfortante et son sens de l'humour à faire rire un mort, je n'aurais pas pu supporter la fin de journée. Et je n'aurais pas su où aller.