𝐋𝐢𝐚𝐦.
« Quel homme est sans erreur ? Et quel roi sans faiblesse ? » a écrit Voltaire. Sénèque lui, à l'époque du Christ, pensait « l'erreur n'est pas un crime ».
Des deux philosophes que plus de mille huit cents ans ont séparés, c'est vers le Français que je veux me tourner. J'aimerais pouvoir lui demander « Mais quelle solution alors, pour purger le péché, pour réparer l'erreur ? ». Car l'erreur est bien un crime quand la bassesse de son geste a blessé, mis sur le carreau l'innocent calomnié. Un autre Français a dit « L'erreur agite, la vérité repose ». J'y ajouterais « Quand l'erreur est pardonnée ».
Le pardon. C'est mon itinéraire vers lui que je cherche jour et nuit. Malheureusement, il semblerait qu'aucun GPS ne puisse me venir en aide, sur ce coup. Pour l'instant, la vérité ne me repose pas, ne me console pas. Elle m'agite au contraire, me fait explorer un maelstrom de possibilités pour expier mon péché. Mes péchés. Les questions s'amoncèlent, martèlent mon crâne et ma cage thoracique d'un même concerto assourdissant, déversent dans mes veines le venin de l'aliénation.
Sur le chemin de l'introspection que m'a conseillé d'emprunter mon meilleur ami, mon frère, j'ai pu dresser la liste des victimes de mes crimes. Elle n'est pas longue fort heureusement, mais n'en est pas moins terrible à mes yeux avertis. Pour me protéger – ou les miens –, par égoïsme souvent plus que par héroïsme, ou encore emporté par la colère et le feu de la résignation, de l'indignation, j'ai construit autour de moi le mur de la dureté, parfois de la méchanceté.
Je me devais d'être à la hauteur des ambitions de mon père et ma tante alors, pour éradiquer les potentielles sources d'erreurs, j'ai fabriqué un masque de froideur et de rigidité. Il s'est englué à moi, a tissé sa toile, hissé sa voile et mené ma barque. Il était mon outil, je suis devenu sa proie. Mon Ça est devenu le capitaine de mes faits et gestes, de mes mots, des maux que j'ai infligés, mettant sur mute le Moi qu'il s'est promis de protéger. L'armure est devenue peau, il est temps de muer de nouveau, de me purger de ce que je ne suis pas.
J'ai compris Ethan, sa colère. Nous nous étions juré que jamais notre relation professionnelle ne mettrait à mal notre lien personnel. Pourtant, j'ai agi au détriment de notre fraternité. Je suis le seul à blâmer.
Voltaire a également écrit « Aime la vérité, mais pardonne à l'erreur ».
— Mon vieux, tu aurais pu nous laisser le mode d'emploi ! soupiré-je en refermant mon ordinateur portable.
Pour tuer le temps, j'enfile un short, un t-shirt propre et des baskets puis descends à la salle de sport. Ni le tapis de course, ni le saut à la corde, ni cogner sur un sac de frappe ne font taire les voix dans ma tête. Mes voix. Une douche et deux cafés plus tard, je tourne toujours en rond dans le penthouse. J'ai recompté quatre fois les marches des trois escaliers, regardé par toutes les fenêtres – Tribeca n'a pas changé –, me suis assis sur chaque fauteuil de ma salle de repos, ai compté les fruits dans la cuisine sous le regard interloqué de Tatiana Andrews, ma gouvernante qui n'a pas osé me dire que je la rendais dingue à lui tourner ainsi autour. Je l'ai entendu dans un de ses soupirs et suis reparti comme j'étais venu : les mains dans les poches et le cerveau sous le bras.
Je tourne en rond depuis des jours, à l'image d'un fauve en cage. Sauf que ma cage avoisine les six cents mètres carrés et que j'ai la clé. Dépité, je récupère mon PC, quelques dossiers et ma mauvaise humeur pour retourner m'enfermer dans mon bureau. Bosser, je crois qu'il n'y a que ça de vrai pour m'empêcher de ressasser, mettre sur pause mes pensées constamment parasitées. Ethan ne me veut pas à la tour mais je n'ai pas abandonné mes dossiers en cours pour autant. Les jours passent, je ne vois pas comment faire pour arranger ce que j'ai fait.
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Devious BOSS | Œuvre intégrale
Romance[Romance Enemies To Lovers ∞ Slow burn ∞ romance psychologique *** Dominateur, arrogant, sexy. Insupportable ! Un nouveau boss incompétent qu'elle déteste passe encore, mais découvrir que sa vie n'est qu'un mensonge, c'est la goutte d'eau ! Fraîchem...