𝟏𝟐 - 𝐒𝐮𝐫𝐩𝐫𝐢𝐬𝐞𝐬

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𝐄𝐥𝐥𝐲. 

Dans un cartoon, mon personnage aurait une ampoule allumée au-dessus de sa tête, dans une grosse bulle pour traduire le « Vous m'enlevez une belle épine du pied » de Mme Darmont. Par « épine », elle voulait dire « toute une forêt ».

Hier, je me suis ruée (dès la première heure) dans le fast-food (le plus proche) pour pouvoir récupérer mon contrat sur ma boîte mail, l'adresse de mon nouvel emploi et l'itinéraire. Merci le WiFi gratuit. Il s'agit d'un garage, qui a besoin d'une nouvelle sécrétaire / comptable / assistante de direction / femme de ménage.

Synthèse non exhaustive.

Un peu plus et il me fallait aussi des connaissances en mécanique.

Pour en revenir à l'Amazonie plantée dans le pied de cette plus si gentille Mme Darmont, je viens de saisir le sens de ses paroles. Ce quartier craint. Même un aveugle le verrait. Ou le sentirait, en l'occurrence, ce bloc d'immeubles dégageant une vieille odeur d'urine macérée au soleil.

Et s'il n'y avait que ça...

Je me suis déjà faite aborder cinq fois, sifflée par des types qui pourraient postuler sans CV comme gardes du corps du pire des mafiosi... et doivent avoir déjà visité une cellule de prison. Puis, un énergumène que personne n'a prévenu de l'existence des dentistes – et du dentifrice – m'a proposé une petite fiole d'héroïne liquide, puis « un tout autre liquide chaud que je pourrais te fournir gratuitement et directement en bouche, ma jolie ».

J'ai failli rendre mon petit-déjeuner, pour plusieurs raisons.
Fuir ? Impossible. Ma situation ne me le permet pas.

Heureusement, plus de dress code imposé pour cette mission. Si j'avais dû, en plus, me trimballer en talons hauts sur autant de stations de métro... long soupir. Pour autant, bien que j'adore mes bottines Camel, qui m'ont permis de presser le pas autant de fois que nécessaire (déjà trop), c'est décidé : demain, je viens en baskets.

Yo, ma jolie ! T'es nouvelle ? T'es sacrément bien gaulée, tu m'plais. Viens par là qu'on cause ensemble tous les deux entre nous... me hèle un homme au visage presque entièrement recouvert d'encres noires et bleues.

« Qu'on cause ensemble tous les deux entre nous ». Oui, eh bien on en reparle le jour où tu auras appris à parler correctement.

— Merci mais je dois aller travailler, bonne journée ! lancé-je en accélérant autant que possible.

J'arrive à destination à bout de souffle. Mais sur les genoux pour convoquer une respiration correcte, je me fige devant la vieille façade blanche et bleue qui tombe en ruine et dont tout le bas est tagué d'insultes. Un large rideau de fer rouillé à moitié ouvert sur la gauche, une cour remplie d'épaves sur la droite, clôturée par un muret de briques rouges et surélevé de barbelé ; définitivement, Best VH Garage n'a rien d'attrayant.

— Ne pas se fier à la couverture du livre, Elly, me motivé-je dans mon écharpe.

Pas assez bas, puisque quatre Dobermann se mettent à aboyer derrière la clôture, à moins de soixante centimètres de moi. Je sursaute et crois mourir de peur face à ces bêtes enragées qui semblent vouloir me croquer.

Ont-ils réellement quelque chose à protéger dans cette décharge de ferraille sur roues ?

Je frémis de tout mon saoul, puis me décide à entrer pour me mettre à l'abri. Je découvre une petite pièce comptoir vide trône au centre d'une pièce disposant d'une sonnette. J'appuie deux fois sur le bouton recouvert de vieux scotch, attends. Mal à l'aise, je consulte ma montre pour m'occuper : 8 h 42. Je suis certes en avance, mais il y a forcément quelqu'un puisque tout est ouvert.

Devious BOSS | Œuvre intégraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant