𝟐𝟓 - 𝐃𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐞𝐬 𝐦𝐨𝐭𝐬

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𝐄𝐥𝐥𝐲.

« À consommer avec modération ».
C'est ce qui est inscrit là, en petites lettres blanches, au bas de la bouteille de bière brune vide n°4 qu'avait commandée Aaron. En ce qui me concerne, j'ai abandonné ma modération à l'entrée du bar, quelque part sur le trottoir. Et c'est très bien comme ça. Certains diraient que c'est mal, que l'alcool fait des dégâts au corps et à l'esprit, que c'est bien pour ça qu'on ne doit pas prendre le volant après deux verres car nos réflexes et notre coordination sont déjà amoindris. C'est vrai, bien sûr. Mais ce soir, si j'étais en état de débiter tout un discours de plus de douze mots, je pourrais me lancer dans un cours magistral pour les convaincre de pourquoi les gens comme moi ont parfois besoin de dépasser certaines limites.

Diluer l'anxiété qui coule dans nos veines.
Assommer nos cerveaux.
Convoquer une petite dose d'insouciance que l'on ne retrouve que dans un état second.

Liste non exhaustive.

Puisque je vais rentrer en taxi, le pire que je risque est une migraine carabinée demain matin. Ou de me tordre la cheville sur mes talons de dix centimètres.

Lorsqu'un serveur nous dépose une nouvelle tournée, Candice et Aaron sont déjà repartis user la piste, Neve et Mélia en grande conversation avec Steven. Elles lui racontent leurs derniers déplacements autour du globe ; j'ai l'impression qu'il boit leurs paroles autant que son rhum arrangé. Il n'en faut pas plus à mes propres souvenirs pour refaire surface. Mais je ne suis pas eux. Moi, tous mes voyages avaient un rapport étroit avec le boulot de ma mère et mon beau-père. Les vacances n'en avaient que le nom, jamais la définition. Il fallait tester et prendre des notes. Je devais bien me tenir, ne parler que si l'on m'y invitait, ne surtout pas demander un tour de manège qui ne faisait pas partie du sacrosaint programme. Les rares fois où j'ai mis les pieds dans un parc d'attractions n'étaient pas pour me faire plaisir, mais pour s'assurer que la progéniture de leurs riches clients apprécierait la recommandation.

Je me file une claque mentale pour ne pas dévier de mes résolutions. Ma vessie m'informe ensuite qu'elle va bientôt jouer les chutes du Niagara si je ne me décide pas à lever mes fesses de cette banquette.

— Tu vas où ? me lance Neve, qui me voit me lever, les bras parallèles au sol pour trouver un semblant d'équilibre.
— Purger ce que j'ai bu, je reviens. Mais après je rentre me coucher.

Dans la file d'attente des toilettes, mon corps se met à vibrer. Il me faut quelques secondes pour percuter que le coupable est mon téléphone, puis le sortir de la poche arrière de mon jean. Les allées et venues dans le corridor peu éclairé continuent tandis que je découvre étonnée, que la notification provient de ma bibliothèque numérique, qui vient d'être mise à jour. Je n'ai pourtant rien acheté. Enfin, je crois. Mes idées flottent dans ma tête devenue un peu trop lourde pour mes cervicales. C'est exactement ce que je voulais, mais maintenant que je dois me concentrer, je réalise qu'il ne va pas falloir que ça arrive trop souvent d'ici à ce que je rejoigne mon lit. Je ne m'attendais pas à planer si tôt, au bout de trois verres et demi. J'ai pris un léger décontractant cet après-midi, et bien que j'aie attendu plus de six heures avant de boire mon premier verre de vin au restaurant, je crois que mon corps n'avait pas tout éliminé.

Depuis Atlanta, où ni ma présence ni celle d'Aaron n'étaient cette fois requises, les deux PDG ne manquent pas de s'assurer que je suis consciencieusement la prescription du Dr. Silmons. Ethan m'appelle et Kavanagh, lui, m'envoie des messages. Une distance géographique qui m'a permis de réfléchir, d'envisager la suite sans craindre que nous ne nous retrouvions seul à seul à la tour, dans un ascenseur ou entre deux portes. J'avais déjà posé mon sac de voyage chez Neve pour ne pas lui succomber au Penthouse, cette absence m'a évité de le chercher du regard à la moindre occasion.

Devious BOSS | Œuvre intégraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant