𝟐𝟒 - 𝐉𝐮𝐬𝐭𝐞 𝐮𝐧𝐞 𝐩𝐚𝐮𝐬𝐞.

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𝐄𝐥𝐥𝐲.

Il y a des moments dans la vie que l'on voudrait étirer, en particulier quand on a besoin de se ressourcer, de mettre le quotidien de côté. Ou d'oublier qu'on a très récemment réalisé que son boss savait que l'on couche avec le big boss.

Ce soir est une soirée qui mériterait de ne pas connaître de fin.

— On trinque à quoi ? se renseigne faussement Aaron, l'air canaille.
— Humm voyons, fait mine de réfléchir ma meilleure amie, un index sur le menton. À la longévité des ampoules basse consommation de ces magnifiques guirlandes colorées ?

Sa manucure rose pastèque pointe la déco lumineuse au-dessus des dix tables hautes du patio. Ne manquent que l'air marin et de vrais cocotiers pour nous immerger totalement dans l'atmosphère caraïbes de ce bar After work, situé en plein cœur de Manhattan. Il y a déjà le sable blanc et fin, des parasols en paille, des planches de surf accrochées aux murs servant de carte des conso et un bar extérieur en rondins de bambou, peint en turquoise. Dépaysement assuré.

— Et si on trinquait plutôt à ta nouvelle adresse ? proposé-je, sans parvenir à contenir mon grand sourire. Après tout, New York compte désormais une nouvelle rousse, et pas n'importe laquelle !

La meilleure qui soit.

Je jubile, bien entendu, tout en m'astreignant à ne pas sauter dans tous les sens.

Mélia a signé le bail de son appartement pas plus tard que cet après-midi. Elle a eu un coup de cœur pour un spacieux trois pièces dans Long Island City. Lumineux, doté de belles poutres apparentes dans la pièce à vivre, de moulures au plafond et paré de briques rouges d'époque sur deux des pans de mur du salon. On peut dire qu'il ne manque ni de cachet ni de caractère, à l'image de ma folledingue. Je compte dorénavant les jours qui la séparent de son emménagement. Ce sera la semaine prochaine, dès son retour de Seattle, puisqu'elle doit encore aller récupérer quelques cartons et vendre sa Ford, dont elle ne veut pas à New York.

Si l'on m'avait prédit, en début d'année, qu'elle et moi vivrions de l'autre côté des États-Unis six mois plus tard, je ne l'aurais pas cru.

Durant sa recherche de pied à terre, j'ai repéré des quartiers dans lesquels je me verrais bien m'installer, un jour. Brooklyn et ses ponts, ses immeubles au style industriel, ses anciennes voies ferrées, ses rues bohèmes aux beaux pavés, ses parcs et Coney Island, sa plage, son marché aux puces, le Brooklyn Museum et le Brooklyn Academy of Music. Je veux un quartier vivant, culturel et cosmopolite : Brooklyn est tout ça. Harlem me fait aussi de l'œil, avec sa culture Jazz, ses églises baptistes, ses rues bordées de maisons de ville géorgiennes et néo-italiennes qui ont indéniablement impacté l'architecture de New York.

Je veux dénicher des galeries par hasard en me baladant, des petits commerces atypiques, des speakeasies, des architectures étonnantes et classiques à deux pas l'une de l'autre. En attendant, je dois continuer d'occuper une chambre trop grande pour moi dans Tribeca, et enfin apprendre à cohabiter avec son propriétaire.

Où est-ce qu'on va, lui et moi ?

Un infime soupir franchit mes lèvres tandis qu'une chevelure dense aux senteurs de jasmin glisse sur mon épaule. Amélia, toujours focalisée sur son écran, se colle doucement à moi. C'est sa manière de me rappeler qu'elle est là même si elle discute avec Ethan, qu'elle entend chacune de mes pensées, qu'elle me laisse de l'espace sans s'éloigner, que je n'ai qu'un mot à dire si j'ai besoin de parler. Elle sait que je ne veux ni être maternée ni infantilisée, et j'apprécie à sa juste valeur qu'elle me soutienne sans me traiter comme un oisillon tombé du lit.

Devious BOSS | Œuvre intégraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant