𝐄𝐥𝐥𝐲.
Un jour, il faudra qu'on m'explique comment font les gens pour tout faire comme il faut, quand il faut. Où ils trouvent leur courage, celui qui me fait tant défaut.
Je n'ai toujours pas téléphoné à Mélia. J'aurais déjà dû le faire hier soir mais je n'ai été capable que de me glisser sous la couette toute habillée, le nez enfoui dans l'oreiller. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps et essoré mon âme esseulée pour me purger de douleurs que je n'étais pas consciente de refouler. Pour repartir de zéro, avec les bonnes armes et le mode d'emploi, cette fois. New York n'aura pas raison de moi.
— Ni cette ville. Ni personne.
Je paie peut-être le prix d'avoir été privilégiée les vingt-quatre premières années de ma vie. J'ai fréquenté de bonnes écoles, grandi dans une jolie maison bourgeoise, toujours porté de beaux vêtements. Je n'avais jamais connu la faim, les fins de mois difficiles, eu à choisir entre remplir mon frigo ou payer mes factures, été confronté aux dilemmes de millions de foyers dans le besoin. Pourtant, tout n'a pas été tout rose. Dans ma grande maison, il n'y avait souvent que moi, mes nourrices qui changeaient tous les six mois et le personnel d'intendance. Alors si le Karma cherche à me donner une leçon de vie, il serait peut-être utile qu'il y regarde à deux fois. Un toit solide ne remplace pas d'être bordée le soir par une mère attentionnée, un radiateur qui fonctionne H24 ne donne aucune chaleur humaine, aucun câlin à un enfant, aucun amour ni présence réconfortante quand on est malade.
Revois ta copie Mister K., il y a pas mal de lacunes. D'avance, merci.
Et avant que mon esprit aliéné ne confonde le karma et Kavanagh, je replonge dans mon bouquin, avec la ferme intention de ne plus penser ni à hier ni à demain, de mettre sur pause ce présent oppressant en vivant une vie imaginaire : celle de mon héroïne du moment. Mais le froid vient encore me déranger, je frissonne puis souffle sur le bout de mes doigts. Réflexe inutile. J'ai besoin de marcher un peu, de faire circuler mon sang au lieu de stagner allongée.
Après six aller-retour à monter et descendre deux à deux les marches des étages, j'offre une douche tiède à mes muscles endoloris et un soin spa complet à mes cheveux emmêlés : shampoing, après-shampoing, huile pour les pointes et brushing ondulé. Je fais comme si mes produits premier prix ne contenaient pas plus d'eau que de nutriments, comme si mon compteur électrique ne vivait pas sa meilleure vie.
Les minutes défilent sans que je ne les vois passer. Mon miroir embué me renvoie le reflet d'une personne moins abattue que je ne le suis en réalité, même si des cernes ternes trahissent ma fatigue. Alors je ne m'arrête pas en si bon chemin. Je trace un trait de liner sur mes paupières gonflées et rougies, applique du mascara sur mes cils, une touche de rouge Merlot mat sur mes lèvres et de l'highlighter sur mes joues.
— Ce n'est pas le Taj Mahal, mais c'est mieux qu'il y a une heure, me féliciter-je doucement.
17 h 00. Le jour va commencer à décliner j'ai de nouveau besoin de bouger. J'enfile mes bottes noires puis détaille mon portant à vêtements. Je jette mon dévolu sur mon long manteau en laine vert foncé. Je ne sais pas si c'est une bonne idée puisque je vais bientôt m'en séparer – merci, les applications de ventes entre particuliers, mais je l'enfile. Je glisse ma tablette dans mon sac, consciente que je ne peux plus repousser l'inévitable conversation avec Mélia.
Courage Elly !
C'est tout ce qu'il me reste, et ça au moins, c'est gratuit.
◆◆◆
Ma tasse de chocolat chaud à la main, je hume l'alléchante odeur depuis deux bonnes minutes déjà, tout en me délectant du calme reposant du petit café. Mon voisin musicien était en pleine répétition lorsque je suis sortie. Puis, le silence me rappelle que les répétitions bruyantes de l'étudiant occupent au moins mon esprit – mon autruche et ma conscience casse-pied, aussi. Pour combler ce vide et mes pensées torturées à qui il ne fallait rien de plus pour redémarrer, je me focalise sur ma tasse HappyMood et ce qu'elle contient : une dose de bonheur. Le nectar sucré glisse dans ma gorge, me réchauffe quelques secondes. Je ne sais plus si c'est le froid où ma paranoïa qui provoque des vagues de frissons sur mon épiderme. L'impression d'être gelée de l'intérieur et observée ne m'a pas quittée.
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Devious BOSS | Œuvre intégrale
Romance[Romance Enemies To Lovers ∞ Slow burn ∞ romance psychologique *** Dominateur, arrogant, sexy. Insupportable ! Un nouveau boss incompétent qu'elle déteste passe encore, mais découvrir que sa vie n'est qu'un mensonge, c'est la goutte d'eau ! Fraîchem...