𝟑𝟕 - 𝐋𝐢𝐛𝐞́𝐫𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧.

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𝐄𝐥𝐥𝐲.

Mon téléphone et celui de Neve bipent avec quelques secondes d'écart. C'est d'abord le sien, dans la poche arrière de son pantalon, qui interrompt notre discussion animée : mon projet de riposte contre le clan Campbell. Non pas que mon amie s'y oppose, elle me prévenait simplement, de manière très animée, que me faire entendre de mes deux patrons, me faire comprendre, ne sera pas une mince affaire.

Ce n'est pas comme si tout avait été un long fleuve tranquille depuis mon premier contrat chez KMC...

Le carillon discret attribué à Liam, depuis que j'ai supprimé la mélodie de Dark Vador, retentit ensuite sur le couvre lit défait.

— C'est Ethan, m'informe-t-elle avec un long soupir de soulagement, en pianotant une réponse en même temps qu'elle me parle, le nez sur l'écran. Il dit qu'il était sur les docks et que Liam l'a rejoint. Ils rentrent.

Mes textos inquiets sont restés sans réponse. J'ai fini par ne plus insister, respecter son besoin de solitude, consciente qu'Ethan avait, lui aussi, besoin de se retrouver.

— D'accord, opiné-je à mi-voix, rassurée.

Ce sentiment lénitif ne dure pas. L'air manque à mes poumons au fur et à mesure que mes yeux parcourent le long SMS dans ma messagerie. Je ne pensais pas ça possible, mais mon cœur dégringole un peu plus pendant qu'un mauvais pressentiment serpente dans mon ventre jusqu'à faire pulser violemment mon pouls.

💬 Liam

[ Je viens de réaliser que je n'ai pas cogné ce connard assez fort. Qu'il ne méritait aucune clémence de ta part. Qu'il n'en mérite aucune de personne, à vrai dire. Peu importe la douleur qui pulse dans mes poings abîmés et la couleur de mes ecchymoses, mon seul regret est de ne plus l'avoir sous la main pour terminer ce que j'avais si bien commencé.

Et de n'avoir aucun pouvoir sur le temps pour revenir deux jours en arrière et décliner ce dîner. ]

Liam Kavanagh me rend toute chose en un regard chargé de concupiscence, c'était déjà une évidence. Mon boss insolent m'a aussi prouvé qu'il sait me faire enrager mieux que personne. Dorénavant, je peux affirmer avec certitude qu'il détient d'autres compétences, même à distance. En l'occurrence : provoquer chez moi une instabilité émotionnelle synonyme d'un attachement équivoque.

À la recherche de mon souffle porté disparu, la bouche sèche mais le ras des cils humide, je relis ses mots, sa sincérité ainsi exposée par écrans interposés. Cette vulnérabilité que je n'avais pas soupçonnée, même lorsqu'il s'est excusé pour tout, il y a plusieurs jours. S'il avait laissé une partie de sa façade d'impassibilité s'effriter, rien ne présageait qu'il cachait une meurtrissure non cautérisée, encore moins liée au geste désespéré d'Ethan.

Un nouveau bip m'indique qu'il n'en a pas terminé.

[ Je ne sais pas si tu pourras me pardonner. Je ne suis pas sûr d'être en mesure de le faire, en ce qui me concerne. Tu vois, le fric n'est rien quand l'âme s'en mêle. La mienne était déjà noircie mais cette nuit, pour la première fois je crois, je ne déplore plus son sort. Je crame pour la meilleure des raisons, Lyanor ]

Une larme chaude affleure pour rouler sur ma joue gauche. Elle ne reste pas longtemps solitaire. Même loin de mes yeux, les fêlures de Liam ricochent sur mon cœur en proie à une douleur suffocante. Ses quelques mots sont une lame tout juste sortie des flammes pour être aiguisée sur ma chair à vif. Je ressens sa souffrance, je donnerais tout pour pouvoir l'en délester. J'entends également le cri d'une culpabilité qui n'a pas lieu d'exister.

Savoir que Liam se blâme m'est aussi insupportable que l'impression d'encore être comprimée par le poids de Randy étalé sur mon corps. Il doit au contraire se libérer du passé pour enfin vivre son présent. Accepter que la vie nous impose des épreuves. Qu'elle nous teste, nous pousse, sacrifie un morceau de qui nous étions pour, un jour, devenir qui nous sommes destinés à être. Que quelquefois on réussit et d'autres, on échoue. Liam a certes parfois été le loup et non l'agneau, mais cela ne signifie pas qu'il n'a pas le droit à un nouveau départ. Il fait partie des personnes qui ont gagné leur deuxième chance. La sienne, il l'a acquise à force de persévérance ces dernières semaines. Je m'en veux terriblement de ne réaliser que ce soir que même dans ses maladresses, ses intrusions dans ma vie privée, comme lorsqu'il a résilié mon bail, il faisait en sorte de recoller chacun des débris de notre relation brisée. De me tirer vers le haut au lieu de me laisser sombrer. Il aurait pourtant été si simple de baisser les bras et de me tourner le dos toutes ces fois où j'ai persisté à l'ignorer.

Devious BOSS | Œuvre intégraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant