2 - Les visiteurs (2/2)

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— Est-ce le début de mon apprentissage, Mourgür ? » je demande, anxieux à l'idée d'appeler les dieux plus que de rencontrer de nouvelles personnes.

Il claque sa langue contre son palais.

« Tu es trop inexpérimenté pour commencer ta formation de Mourgür, déclare-t-il. Tu dois d'abord apprendre plusieurs choses, pour sécuriser ton apprentissage. Appeler les dieux en fait partie. Mais surtout, te préparer à rencontrer des Fronts-Hauts. »

Je ne dis plus rien, captivé.

Etant un esprit-mêlé, je suis à moitié Front-Haut, et je n'ai pas eu la chance encore d'en rencontrer. Si de tels Hommes arrivent dans notre direction, ils vont certainement chercher à commercer avec nous, échanger des denrées, des outils, des mots.

« Prends le morceau de chêne que je tiens, et agite-le avec lenteur. Le chêne est un bois solide, et pur. Il vit longtemps, bien plus que les Hommes, et son essence est celle de Salgëorth, le Dieu de tout. S'il s'éteint, rallume-le dans le foyer, mais pas de trop ! Il faut qu'il se consume avec lenteur. Respecte son temps. Il a poussé au fil des années, au fil des saisons. Il doit partir avec cette même lenteur. »

Je me saisis du bout de bois, tiède d'avoir été tenu si longtemps par le sorcier. Pendant que j'obéis et que Mourgür commence à chanter doucement, je me demande de quel genre d'Hommes il peut s'agir. Et comment le sorcier l'a-t-il su ? Je me pose plusieurs questions à mesure que la voix du sorcier remplit l'espace. Ma poitrine vibre sous les tonalités de Mourgür, et rapidement la fumée me fait tourner la tête. Il me tend à présent un bouquet de sauge blanche, les feuilles tenues ensemble par un fil de tendon de renne.

« La sauge purifie. Elle détient bien des propriétés, comme celle de chasser le mal des plaies et en infusion elle soigne les maux de ventre. Couplée à de la camomille, elle peut aider à dormir après une digestion difficile, m'apprend Mourgür.

— Je dois brûler la sauge aussi ? »

Il acquiesce.

Le sorcier aime beaucoup me donner des informations sur les plantes, m'accompagner dans cet apprentissage que je pressens complexe, mais je ne dis rien de plus et j'obéis à ses invectives.

La tente est si obscure que le trou au-dessus du foyer du Mourgür ne permet pas d'évacuer l'intégralité et je tousse à plusieurs reprises.

« Tu expectores le mal que tu respires, indique-t-il. C'est bien. »

Je remarque qu'il ne semble pas gêné par l'atmosphère irrespirable de la tente, et je l'envie. Le sorcier est habitué, ou alors il n'a plus en lui de mal, d'esprits vagabonds que tous peuvent respirer. Je reprends doucement ma respiration, par à-coups, pour ne pas cracher de nouveau. J'agite lentement la sauge blanche, jusqu'à ce que je jette dans le feu les rares feuilles qui restent.

« Les Hommes qui arrivent sont des visiteurs, et nous devons nous protéger du mal qu'ils peuvent porter sur eux sans le savoir. Demander la présence des dieux est importants. Fais chauffer de l'eau, à présent. »

Il me désigne du doigt un réservoir accroché à une branche de sa tente, une outre. Je me lève, à demi-plié dans l'espace exigu de la tente de voyage pour m'en saisir et remplir l'estomac à côté du feu, qui est utilisé pour cuire les aliments. Mourgür a laissé plusieurs galets noircis par les flammes que je pose sur les braises, attendant qu'elles chauffent suffisamment pour les attraper avec deux baguettes de bois et les plonger.

Quand elles tombent une à une dans l'eau froide, elles frissonnent et grésillent, l'eau frémit. Peu à peu, je les laisse refroidir puis je les remets sur le feu, jusqu'à ce que ça bout. Il me présente plusieurs herbes séchées enfermées dans des petits sacs de cuir, que j'ouvre.

Le Murmure des Pierres (version non améliorée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant