24 - La Traversée (2/2)

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Qahim termine de monter la tente et de déplier sa couverture pour la nuit, tressée de laine de mammouths, douce et chaude ; il plante ses yeux dans les miens.

Nous baignons dans la lumière de la lune, éloignés du village des Mammöts, et nous demeurons ainsi, plantés l'un devant l'autre, comme deux inconnus. J'ai envie de lui cracher au visage toute la colère que je ressens à son égard, toute l'incompréhension face à son comportement. Mais j'en suis incapable. Je reste debout, me tenant à mon bâton de sorcier, les lèvres scellées.

Ikro lui donne sa tente de voyage, et elle tout juste assez grande pour nous deux. Nous n'avons qu'une couverture, et j'en suis reconnaissant. Amaruq est Mumbaÿ se sont déjà engouffrés dedans, pour se rouler en bouler et passer une partie de la nuit à dormir. Je reste là, planté comme un arbre, et Qahim fait un pas vers moi.

« Je suis désolé, Sigur, souffle-t-il. Je ne suis pas facile avec toi et... Des fois, ma colère est telle que je préfère me taire.

— Pourquoi es-tu en colère, Qahim ? je demande.

— Tu es... Parce que... »

Sa bouche s'ouvre, se referme, indécise. Il baisse les yeux, passe une main dans ses cheveux tressés.

« Tu me déranges, Sigur, déclare-t-il et cette révélation me fait l'effet d'un coup dans le creux de mon estomac. Il y a quelque chose qui me dérange chez toi. Des fois, j'ai envie de te pousser, je te déteste et d'autre fois, j'ai envie de... »

Il se rapproche, pose ses mains sur mes épaules.

« Pardon, d'être si dur. Je crois que je suis jaloux de l'attention que tu obtiens de tout le monde, des Céruléens, de mes mères... J'ai toujours été un peu célèbre, je suis le grand Voyageur après tout, j'ai participé au commerce, j'ai apprivoisé un loup. Et toi, tu arrives et chamboules tout. J'ai du mal des fois à l'accepter. J'ai cru pendant un temps que nous étions en pleine compétition, comme les danseurs lors des Fêtes d'Hiver, mais ce n'est pas ça.

— Je suis désolé, si je suis au milieu de ta vie.

— Ce n'est pas le problème. »

Il me lâche, recule, se tient le coude de la main gauche. Il cherche ses mots. La lumière de la lune nous baigne dans une sorte d'aura bleutée, accrochant l'éclat sombre de sa peau, le rendant encore plus séduisant.

« Je crois que pendant longtemps, sans m'en rendre compte, j'étais seul. Puis, tu es arrivé. Un égal. Et j'ai du mal des fois à l'admettre. Voilà la vérité. Il y a des jours, je te regarde Sigur, et je me vois dans tes yeux. Naïf, innocent, doux, gentil... et beau. »

Beau ? Moi ? Je ricane nerveusement. Je n'ai pas envie de le croire. Mais ses lèvres s'écrasent sur les miennes, douces et râpeuses à la fois. Il glisse sa langue dans ma bouche et je me laisse faire. Je le laisse prendre le contrôle parce que j'en ai envie et parce que je le veux. Ses mains glissent sous ma pelisse, la soulève et la pose à terre. Mon bâton de sorcier au sol, je m'accroche à lui pour ne pas chuter. Mon cœur bat à tout rompre.

Il me sourit, m'embrasse à nouveau, retire à son retour sa pelisse, se colle à moi. La chaleur de son corps irradie dans la nuit. Ce contact est doux. Il caresse du bout des doigts la pilosité de mon torse bien plus pâle que le sien.

« Je ne savais pas que ça pouvait être doux, lâche-t-il dans mon oreille. Oh, Sigur. »

Il m'embrasse dans le cou, mord ma peau, m'arrachant un gémissement de plaisir. Ses mains explorent mon épiderme, et je fais de même. Mes doigts dansent sur les muscles de son dos, tandis qu'il me tient les hanches. Il m'attire dans la tente et, lentement, il m'allonge. Nous restons ainsi, côte à côte, à nous embrasser, à nous explorer. Je m'enivre de son parfum musqué et, pour la première fois depuis longtemps, Nizar quitte tout à fait mes pensées.

Le Murmure des Pierres (version non améliorée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant