14 - Izna (2/2)

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Quelques moments plus tard, tandis que la nuit tente de combattre le jour qui décline, je m'enquiers d'Amaruq. Izna fronce les sourcils et balbutie qu'elle n'a point vu de loup noir, et encore moins un loup qui défende un homme.

« À part Mumbaÿ, je ne connais pas de loup capable d'une telle chose. Il n'y a que Qahim qui parvient à murmurer aux bêtes, pas d'autres personnes. Tu es un menteur, Sigur.

— Non ! je crie. Ce n'est pas vrai ! Amaruq est un loup noir, il est sauvage et libre, mais il a choisi de se battre contre le dévorâme pour me sauver ! Il doit être blessé, et seul, et je... »

Ma voix s'étrangle, ma jambe lance une vrille de douleur blanche quand j'essaie de me redresser et la main puissante d'Izna me plaque contre ma couche.

« Tu ne bouges pas, Sigur. Tu ne peux pas te lever, cela ouvrirait ta blessure. Tu dois te reposer !

— Mais Amaruq ! »

Devant mon affolement, elle fronce les sourcils, croise les bras et peste un instant dans sa barbe avant de déclarer qu'elle ira dans la colline où elle m'a trouvé il y a trois jours.

Trois jours ! Cette déclaration me laisse le souffle court, avant de secouer la tête.

« Je veux venir.

— Non. Tu es blessé.

— C'est mon ami. »

Je refuse de la laisser partir seule. D'autant plus que si Amaruq est blessé, seul dans la forêt depuis trois jours, non seulement Izna ne pourra pas l'approcher, mais il a certainement été se réfugier quelque part. Je me relève avec une grimace, mais je tiens bon. Une fois debout, la jambe raide et douloureuse, je la défis du regard.

Elle souffle dans sa main, incapable de rétorquer.

Je profite de cette ouverture pour m'y engouffrer.

« Amaruq est un loup solitaire, abandonné par sa meute. Nous nous sommes rencontrés pendant la longue saison morte et, non, je ne l'abandonnerai pas à mon tour. Quand bien même ma plaie s'ouvre de nouveau, je me soignerai. Je refuse de te laisser partir seule ! Il ne te connait pas et se sentira certainement menacé.

— Très bien, tu viens avec moi. À une seule condition.

— Laquelle ?

— Tu écoutes ce que je dis. Tu fais ce que je dis et, quand je dis que nous faisons une pause, nous faisons une pause. Clair ?

— Oui.

— Bien. »

∙∙∙

Izna est une femme étrange. Elle possède le charisme d'une grande cheffe, mais pourtant elle n'en est pas une. Elle vit à l'écart de son clan, surtout lorsque les saisons changent et qu'elle souhaite s'immerger dans une danse rituelle qu'elle appelle la gestuelle du soleil. Quand je me réveille, je suis la plupart du temps seul. J'ai pu observer ma plaie – immonde ! – qu'elle a recousu avec des tendons humidifiés de renne. Cette technique inconnue des Mourgürs me fascine. Elle a procédé comme avec deux pans de cuir pour confectionner un vêtement !

« Quand la plaie aura commencé à cicatriser, nous pourrons enlever les tendons. Pas avant. Ça aide le corps à faire son œuvre. » avait-elle expliqué devant ma mine dubitative.

Je décide de la croire et puis, ais-je d'autre choix que de me remettre entièrement entre les mains de cette femme-médecine ? Je suis blessé, et seul, sans Amaruq.

Le Murmure des Pierres (version non améliorée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant