7 - Le monde des esprits (1/2)

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La hutte de la Mourgüria est grande, mais basse.

Quand nous pénétrons dans les lieux, je serre les dents et plaque ma main libre contre mon nez. Les vapeurs et les fumées sont irritantes, et je suis bien mal à l'aise tout d'un coup. Ce n'est que lorsque mes yeux s'habituent à l'obscurité ambiante que je comprends pourquoi.

La shamane du clan de l'Obsidienne me remarque et, fait surprenant autant que blessant, elle crache dans les flammes du foyer central dans un dédain incroyable.

« Que fait l'esprit-mêlé dans un lieu aussi saint et sacré que celui-ci ? minaude-t-elle.

— Il est venu compléter sa formation, Hilan. »

Je pensais que tous les Mourgürs perdaient leur nom en atteignant le rang de shaman, mais il semblerait qu'entre eux, leurs anciennes identités persistent.

« Tu fais honte aux dieux, Uryan. Tu nous fais honte à tous ! Quand tu as recueilli cet avorton, faible et mêlé, nous t'avons repoussé toi et ton clan ! Mais te voilà, sans gêne, avec lui à tes côtés ! Comment fais-tu pour oser parler encore aux esprits ?

— Si tu n'étais pas devenue sourde, tu entendrais qu'ils sont heureux de mon choix. Sigur est un esprit fort. Il connaît bon nombre des plantes et de leurs magies, réplique mon Mourgür sur un ton cassant et froid comme le blizzard. Il fera meilleur Mourgür que toi. Maintenant, vous le savez tous, rajoute le sorcier en se tournant vers les autres shamans présents et silencieux, Sigur a été accepté par mon clan et la tribu. Seul les clans de l'Obsidienne et du Cerf ont décidé que je ne devais pas garder Sigur. Maintenant il est grand, et je vais le présenter à la Mourgüria. Que vous le vouliez ou non, Hilan. La tradition ne l'interdit pas !

— Si la chasse échoue, rauque la femme aux vêtements de ténèbres, il en sera tenu pour responsable.

— Soit. »

Soit ? Je n'en crois pas mes oreilles ! Si la chasse échoue, je risque ma vie dans le clan ! Le bannissement ! Est-ce ainsi que Mourgür voulait que la vie se déroule ? Je commence à paniquer mais le sorcier me tapote l'épaule.

« Zarkaï chasse, tu le sais, aussi bien que n'importe qui, si ce n'est qu'il est meilleur. Comment veux-tu que la chasse échoue un seul instant ? »

Ses propos ne me rassurent pas. Notre minuscule clan ne chasse que très peu, quelques grosses proies par chance mais surtout à l'aide de pièges ; bien sûr que Zarkaï peut échouer ! Que tous peuvent échouer ! Nous ne sommes pas vingt, ni trente au sein de notre clan, pour chasser comme celui du Silex des troupeaux entiers de tarpans ou de buffles ! Nous pêchons beaucoup pour nous nourrir. Nous n'avons pas le prestige des autres clans. Nous l'avons perdu lorsque Mourgür m'a recueilli.

Je vais devoir chasser pour m'assurer de gagner. Au risque d'être banni à jamais. Même si Nizar m'accompagne, je ne suis pas certain de réussir un tel exploit. Et comment m'assurer d'appeler correctement la protection des divinités ? Je vais avoir besoin de toute l'aide possible et imaginable, toute celle qui se proposera à moi. Quand je plonge mon regard dans celui de mon Mourgür, j'y lis de la satisfaction.

C'est ce qu'il voulait. Il désirait de tout son cœur que je participe à cette chasse, pour me voir réussir et gagner ma place au sein de la tribu pour de bon. Mais comment vais-je faire ? Comment vais-je y parvenir ? Je me sens au bord de la panique, perdu, la gorge comprimée sous le poids de la peur et de l'appréhension.

Je ne suis pas venu au monde pour être élevé puis banni ! Je refuse !

Ma détermination me donne de la force, et mes épaules se redressent.

Le Murmure des Pierres (version non améliorée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant