25 - La Femme-Lune (2/2)

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Le dévorâme perd ses appuis, son étreinte se relâche et de mon bâton de Mourgür, je le repousse et il pousse un hurlement de douleur. Je prends alors conscience de mes pouvoirs. Je n'ai pas le temps de l'attaquer qu'une tête énorme, aux cheveux blancs, sort de terre devant nous, puis un visage terrible, aux joues adipeuses perlées d'acné. Une femme, grande et nue, à la peau aussi pâle que la neige, se dresse sur ses jambes rondes comme des arbres. Un rire gras jaillit de ses lèvres violettes, ses doigts boudinés pointés dans ma direction.

Son nez est pointu, ses seins plus petits, et une grande cicatrice barre son ventre, comme si un guérisseur l'avait ouverte pour sortir le bébé.

Un frisson sillonne mon dos.

La géante, gênée par sa taille, essaie de m'attraper. Une ombre noire passe devant moi, attrape sa main et plante ses crocs. Jania hurle sous la surprise et la douleur, ses grands yeux s'ouvrent.

Amaruq ! Non ! Je tends mon bâton devant moi, frappe son corps qui fume à chacun de mes coups, comme la surface de l'eau avec les pierres à chauffer. Elle laisse Amaruq qui chute sur le côté et ne bouge plus. Non, non, pas Amaruq !

Qahim se défend avec l'homme au corps cadavérique, évitant l'affrontement avec la femme nue. Elle crie dès que je la touche de ma canne, recule, ses pieds frappant le sol.

« Retourne dans le Monde des Esprits ! Retourne là où tu dois te trouver ! » je beugle.

Ma magie remonte dans mon corps, comme en ébullition.

Je suis Mourgür.

Je frappe et danse sur ma jambe boiteuse. Je contrôle mes appuis, glisse sur le côté. Mon objectif est clair : Amaruq. Je dois le prendre dans mes bras et fuir. Comment, je l'ignore. En revanche, nous ne pouvons pas affronter une géante venue du Monde des Esprits qui les dévore ! De ma canne, je la dissuade d'approcher.

« Recule ! Recule, Jania !

— Oh, petit esprit, ne te bats pas ! Aïe ! Ouïlle ! »

Elle couine à chaque coup qu'elle reçoit. Jania suce son index encore fumant, les yeux vexés. J'atteins le loup noir, je tombe à genoux pour le prendre contre moi, le visage humide de larmes.

Je ne peux pas perdre mon ami, le premier après mon bannissement du Clan des Steppes. Je le serre contre moi. Je hume son parfum entêté. Il jappe, me lèche le visage. Il semble indemne, bien que sonné... De nouveau sur ses quatre pattes, il grogne en direction de Jania.

Qahim est aux prises avec le dernier dévorâme qui, d'une chiquenaude de la géante, s'envole et s'écrase contre la paroi. Soudain, je comprends la présence de Jania.

Elle n'est pas notre ennemie, pas aujourd'hui.

Elle tourne son immense visage dans ma direction. Se penche avec lenteur, la paume ouverte.

« Monte, petit esprit-mêlé, je vais t'aider à gravir cet obstacle. Mais fais vite avant que je ne change d'avis ! »

Jania m'offre sa paume ouverte ; je ne sais pas quoi en faire, je n'ose pas tout à fait monter dessus. Amaruq dresse le poil de son dos, cherchant à se rendre le plus imposant possible devant un être comme la Gardienne du Marais Putride. Je le caresse doucement, entre les oreilles, pour le rassurer.

« Merci. » dis-je seulement.

Je l'attrape dans mes bras et je saute dans sa paume.

Le Murmure des Pierres (version non améliorée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant