16 - Apprentissage (1/2)

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Oceyäne me prend sous son aile. Les Céruléens parlent une langue si proche de la mienne, et Izna venant de ma tribu, je peux dialoguer avec presque tout le monde. Amaruq est nerveux au milieu de toute cette agitation nouvelle, et reste la plupart du temps avec moi, dans la hutte de la Prêtresse des Dieux.

Dieux que nous connaissons tous les deux.

Le premier soir, elle m'invite chez elle, avec sa femme Izna, et toutes deux sont si proches que je jalouse un peu leur relation. J'essaie d'imaginer Nizar comme Oceyäne, accroupie près du foyer, à cuisiner, pendant que je m'imagine assis, comme Izna, préparant des remèdes. Cette vision sortie tout de droit de mes plus folles espérances me procure plus de douleurs que de bonheur, et j'arrête dans l'instant pour faire taire mes rêves stupides.

« Tu viens de loin, Sigur, dit la Prêtresse. Ton bannissement est injuste, comme celui d'Izna il y a bien des années. Si ce que tu dis est vrai, alors je vais pouvoir t'aider.

— Khal, chef du clan du Silex, m'a dit de venir vous trouver, avoué-je d'une traite. Il m'a dit que vous l'aviez soigné il y a longtemps.

— Oui, je me souviens de cet homme. Beau et fort. »

Elle rougit légèrement.

« Je suis heureuse qu'il se souvienne de nous. Il a un bon cœur, et te voilà grâce à lui. » Son visage s'assombrit, suivant ses pensées. « Néanmoins, même si les dieux disent que tu es le messager, murmurer aux pierres et rendre visite à la femme-lune n'est point une tâche aisée, jeune Sigur. Tu dois aller au nord, là où les lumières divines chatouillent les arbres, où la neige ne fond jamais, et où les dieux marchent sous le couvert des étoiles. Seuls de rares élus sont parvenus jusque dans ce Monde, en entrant par les Cavernes de Salgëorth.

— C'est là-bas que je dois aller, dis-je en sentant que le voyage risque d'être périlleux et dangereux. Je n'ai guère le choix si je veux que le dieu-sans-nom cesse ses agissements et arrêter le Mal-qui-Respire. Et Rak'Nor.

— Hum, je ne suis pas certaine que cela suffise, Sigur, dit-elle en prenant son menton entre ses doigts. Si le dieu-sans-nom nous maudits, il faut comprendre qui il est, et pourquoi ses intentions sont mauvaises.

— Je pense que c'est parce que nous avons oublié son nom, justement. »

Izna se redresse.

« Peut-être, mais un dieu ne punit pas juste pour un nom. Dans la tribu dont nous sommes originaires, nous appelons le Créateur Salgëorth, mais chez le Peuple des Fleuves, il se nomme Grand-Marcheur, comme les mammouths lors de leurs migrations annuelles. Le nom n'a rien, sinon le pouvoir de désigner quelqu'un, ou un lieu et peut prendre de multiples formes.

— Mais s'il n'a plus de nom, ne risque-t-il pas de disparaître ? je m'enquiers.

— Non, jamais un dieu ne disparaît, intervient Oceyäne. Il perd de sa force, mais ne cesse pas pour autant d'exister. Seul l'accès au Monde des Hommes devient difficile avec le temps. Le dieu-sans-nom est putride, il veut nous punir de son oublie, de sa propre fin. Et toi, tu vas devoir trouver le remède.

— Et si on découvre son nom, ne serait-ce pas une bonne chose ? »

Amaruq se frotte à ma main, et j'entremêle mes doigts dans sa douce fourrure noire. Notre rapprochement me fait chaud au cœur.

« J'ignore si cela permettrait d'étouffer sa colère, souffle Oceyäne. Dans tous les cas, tu dois d'abord te reposer parmi nous, Sigur. Qahim va rentrer dans quelques lunes, nous lui demanderons de partir avec toi.

Le Murmure des Pierres (version non améliorée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant