15 - Les Céruléens (1/2)

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« On arrive. »

La voix d'Izna se fait murmure. Ma cuisse est brûlante, mon souffle est court, mais pour rien au monde je ne ralentirai. Amaruq est tout près, je ne peux pas renoncer maintenant ! J'allonge autant le pas que ma blessure me permet, ma canne s'enfonce dans le sol humide, la sueur perle sur mon front. L'hiver se termine, mais je n'ai jamais eu aussi chaud de ma vie. Mon sang bat dans mes tempes, sourdement, tel un tambour de chasse.

Nous avons descendu deux collines, j'ai crié quand j'ai glissé, et ma plaie dégage une chaleur profonde. J'ai l'impression d'avoir des braises dans la chair. Je suis Izna jusqu'à un ruisseau où, lentement, la glace laisse place à de l'eau liquide dans laquelle nous remplissons nos gourdes.

« Il est tout près. », rajoute-t-elle.

Izna est partie dans le Monde des Esprits presque une journée entière. Le soleil ne va pas tarder à se coucher et, dans l'air, le froid se glisse entre les troncs des pins et des mélèzes. Nous parvenons dans une clairière, les ombres s'allongent. À son centre se dresse une immense pierre calcaire qui me rappelle la silhouette de Jania.

À son pied, une boule noire s'est roulée sur elle-même, immobile. Amaruq ! L'évidence me saute aux yeux et je m'empresse de le rejoindre, tant pis si ma plaie s'ouvre sous mes efforts ! Izna m'intercepte d'un geste.

« Attends. »

Elle ne dit rien d'autre. Avec lenteur, la femme Céruléenne s'avance, les jambes légèrement arquées, un couteau de silex dans une main. Je ne peux m'empêcher de remarquer la finesse de l'ouvrage, en feuille de laurier, dégainée d'une poche de cuir attachée à la ceinture. Elle fait jouer ses doigts sur le manche en andouiller de renne.

Izna se rapproche avec précaution. Je ne peux rester en place, aussi je la suis, tel son ombre. Amaruq est couché, ses yeux jaunes nous suivent du regard, attentif à ces deux humains venant à son encontre. Au moment où nos regards se croisent, quelque chose en moi retrouve sa plénitude.

Échanges.

Échanges au-delà des mots, au-delà des émotions. Le loup, encore jeune, pousse des petits couinements de détresse, que j'interprète comme son autorisation de m'approcher davantage. Izna tente de me bloquer le passage, mais mon ami loup a besoin de moi. Je la bouscule. Je me précipite sur lui, il jappe, la queue animée de joie, la gueule ouverte sur ses crocs. Au départ, je ne me rends pas compte de ses blessures, mais quand je pose ma main sur son pelage, je m'exclame d'effroi.

Ma paume est ensanglantée.

« Il faut le soigner ! je dis d'une voix chargée d'émotions.

— C'est un loup, rétorque Izna. Je ne peux rien faire.

— Moi je le peux ! »

Je ne m'embarrasse pas de demander la permission. Je fais signe à Izna de me donner son sac médicinal. Le mien est resté dans le camp et, de toute façon, je suis incapable de porter quoi que ce soit. Une fois assis devant Amaruq, j'explore son pelage à la recherche de ses blessures, avec douceur pour ne pas l'effrayer. Quand mes mains passent à proximité de sa gueule, il me lèche, tente de les attraper entre ses crocs pour les mordiller, en signe d'amitié. Je sens mon cœur fondre et se fendre.

Il a perdu beaucoup de sang. Sa patte arrière est ouverte, mais pas profondément. À part quelques égratignures, Amaruq s'en sort très bien. Le soulagement est tel que j'expire longuement. Je commence la préparation d'une pommade pour sa patte, une pâte de lavande et de thym pour désinfecter. Le reste, je verrai au camp et nous devons nous hâter si nous ne voulons pas nous faire surprendre par la nuit et le froid glacial.

Le Murmure des Pierres (version non améliorée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant