II) La mémoire des Douze

Chapitre 1: Tranquillité estivale

Un soleil estival s'élevait au zénith dans le ciel en cette fin de matinée d'août. Les températures étaient déjà à leur maximum pour la journée, mais au moins l'altitude de ce village de moyenne montagne rendait l'atmosphère beaucoup moins étouffante.

La canicule semblait tenir tout le monde confiné chez lui, au frais derrière les volets en bois fermés des maisons. Elles bordaient toutes l'unique route de la vallée, en compagnie de commerces essentiels comme une supérette, une boulangerie, ou un bureau tabac. Des platanes verts et feuillus se dressaient au garde à vous le long de la route principale.

Située dans un lieu dit à quelques centaines de mètres du village, une maison vert pomme prenait le soleil. Elle semblait écouter le bruit de la rivière un peu plus bas, qui suivait la route comme son ombre, tout en observant les deux adolescents qui s'éloignaient à vélo sur le goudron.

Tirant des bords avec sa bicyclette, Ren ouvrit en grand la bouche et laissa un long et bruyant bâillement s'en échapper. Il souffla sur les cheveux noirs qui lui tombaient sur le front et se dégagea la vue. Il donna un coup de pédale pour avancer un peu plus et ne pas perdre l'équilibre. Il était en plein milieu de la route mais celle-ci était déserte. Il se retourna pour voir si sa sœur le suivait toujours. De deux ans sa cadette, Zoé zigzaguait mollement avec sa bicyclette, sûrement aussi réveillée que son ainé.

Leur grand-mère les avait envoyé au village pour aller faire des courses. D'habitude Ren et Zoé y allaient à pieds pour chercher le pain, mais la route était plutôt longue, surtout sous le soleil et là il fallait rapporter un peu plus que deux baguettes.

Ils avaient donc prit leur vélo et pédalaient maintenant le long de la rivière, sans entrain apparent. Malgré l'heure tardive, ils n'étaient levés que depuis une demi-heure. La chaleur n'aidait pas du tout à les réveiller.

C'était la fin du mois d'août. Depuis deux semaines Ren et ses sœurs, Zoé et Vanessa, étaient en vacances avec leurs grands-parents dans leur maison de vacances des Cévennes. Sans les parents sur le dos et avec la tranquillité du cadre, ces vacances avaient été plus que reposantes. Ren avait une sainte horreur de la routine et du manque d'activité. Pourtant ne rien faire et se détendre lui avaient fait un bien fou surtout après l'année chaotique qu'il avait passé...

Il tourna la tête sur le côté quand Zoé pédala à sa hauteur. La benjamine afficha un grand sourire et ses yeux noisettes se mirent à pétiller derrière ses lunettes.

— On fait la course ? proposa-t-elle.

Ren sourit, sentant son esprit de compétition prendre le dessus sur la flemme.

— Grave.

Zoé brailla un « tuuuut » de départ. Les deux se mirent en danseuse sur leur vélo et pédalèrent à toute vitesse, debout sur les pédales et penchés en avant. Grisé par la vitesse, Ren s'autorisa un « youhou » résonnant et Zoé renchérit avec un cri identique. Rapidement ils entrèrent dans le village, les cheveux balayés par le vent.

Ren se rassit sur sa selle le temps de prendre un virage, saluant la statue du soldat du monument aux morts au passage. Enfin il avala les derniers mètres de la route puis tourna et freina sur le petit parking de la supérette du village. Sourire aux lèvres, il ferma le poing et le leva pour marquer sa victoire. Boudeuse, Zoé freina et dérapa à son tour en pestant.

— C'est pas juste !

— Allez, c'est pas ta faute si t'as des petites jambes, rassura Ren.

Zoé tira la langue et descendit de son vélo. Elle attrapa un sac de course plié dans le panier du guidon. Ren fit rouler sa bicyclette et la cala avec la béquille à côté de celle de sa sœur. La porte automatique s'ouvrit et ils entrèrent dans la supérette. Ils se répartirent vite fait les tâches, puis Zoé se sépara de son frère pour se ruer avec son sac dans les rayons. Ren se chargea du frais, frissonnant à chaque fois qu'il plongeait dans les armoires froides pour aller pêcher les sachets de légumes congelés.