PADRE
Ils sont entassés dans la voiture. Le chauffage fonctionne à toute puissance, pour tenter de les réchauffer dans ce froid hivernal de New York. Alejandro mange avec avidité son sandwich américain tandis que le libyen ne touche pas au sien. Il a trop mal au ventre pour manger quoi que ce soit, il se contente d'observer le bâtiment, se trouvant face à eux, à travers le pare-brise de sa caisse.Anir écoute distraitement son ami, il parle d'une histoire de deal avec un homme, un peu trop sur de lui, qui avait dégénérée. Il scrute les passant rentrant et sortant du bâtiment, ses yeux sont vifs et l'aperçoivent bien vite.
- C'est lui, coupe le libyen.
Alejandro délaisse son repas et il relève les yeux, il ne tarde pas à le repérer en train de regagner sa voiture garée sur le parking réservé à l'entreprise pétrolière. Le libyen en est certain, il n'a aucun doute sur l'identité de la personne qu'il commence à suivre de loin, s'engageant sur Wall Street.
Les minutes passent, Anir ne lâche pas la voiture qu'il suit, il ne veut pas le perdre de vue à chaque intersection. L'homme finit par s'arrêter devant une prestigieuse école internationale, il descend et fait face aux grilles.
Anir a les tempes bouillantes de rage, ses poings se resserrent fermement sur son volant quand il aperçoit deux petites filles qui se précipitent dans ses bras. Elles ont six ans, pas plus, leur petit sac sur leurs épaules frêles se balancent quand il les porte à tour de rôle pour leur embrasser le front.
Pourquoi ?
Le mafieux se pose trop de questions auxquelles il n'a pas les réponses. Anir voudrait hurler de douleur, il pourrait tous les buter à cet instant précis et en finir avec cette histoire qui meurtrie son cœur depuis près de deux semaines, depuis qu'il sait où il se trouve.
Il ouvre la portière arrière tandis que les deux gamines montent dans le véhicule, son regard scrute les environs et s'arrête sur la voiture du libyen. Il ne peut pas l'apercevoir derrière les vitres teintées pourtant Anir se raidit sur son siège. Son regard fixe celui du libyen, sans le savoir, comme s'il se doute que quelqu'un l'observe.
Les secondes passent et il finit par détourner son regard pour rejoindre son véhicule. Anir est ébranlé de l'intérieur et il ne redémarre pas le moteur, il ne s'engage pas pour continuer de suivre cet homme qui lui ressemble étrangement.
- Il a refait sa vie, souffle le libyen sidéré.
- Plutôt bien, surenchérit Alejandro, ça paye de travailler sur Wall Street.
•••
Trois jours plus tard, Anir se présente au pied de l'imposant building. Les baies vitrées, lisses et brillantes, sont grandioses quand il pénètre à l'intérieur du bâtiment.
Le carrelage de marbre blanc est luxueux tandis qu'il avance vers l'accueil pour se présenter. La secrétaire se redresse à son approche, elle tente de garder sa concentration face à la beauté angélique du libyen.
- J'ai rendez-vous avec monsieur Salem, il dit d'une voix grave.
Son anglais est parfait, son accent italien passe inaperçu, comme une lettre à la poste.
- Votre nom ?
- Pellegrini.
Elle hoche la tête, jette un bref coup d'œil sur son ordinateur et déclare :
- Suivez-moi.
Ses talons claquent sur le carrelage et il regagne un ascenseur, une cage en verre qui monte lentement vers les différents étages. Anir a les mains croisées dans son dos, il fixe impassible la porte devant lui.
Et quand celle ci s'ouvre directement sur une salle d'attente vide dont le sol en moquette beige empeste les encens, Anir sait qu'il est arrivé à bonne destination. La secrétaire s'avance vers une porte blanche qu'elle ouvre, elle murmure quelques mots et se tourne vers le libyen :- Monsieur, il vous attend.
Elle disparaît aussitôt et Anir finit par pousser la porte. Il l'aperçoit au fond de la pièce en train de se servir un café. Sa peau basanée est brûlée par le soleil arride des tropiques. Des petites rides sont présentes au coin de ses yeux, signe qu'il sourit souvent, son visage n'est pas marqué par l'âge. Anir lui donne la cinquantaine, peut-être moins. Il possède des cheveux noirs courts, comme l'ébène. Quelques mèches blanches commencent à pointer le bout de leur nez sur cette chevelure brillante au soleil.
Anir continue de le fixer avec une violente acrimonie.
Il est bien habillé, bien coiffé, il est trop présentable et le mafieux ne fait que soulever les différences qui l'opposent à la seule figure paternelle qu'il ait eu. Il ne ressemble point à Giovanni et il ne lui arrive même pas à la cheville. Anir ne voit rien de beau, rien de grand dans son allure, il ne voit pas toute cette puissance qui émane du parrain de Cosa Nostra. Il ne voit qu'un homme qui a abandonné sa famille et qui a déshonoré les liens du sang comme le ferait un lâche et un traître.
- Vous auriez dû me prévenir de votre arrivée Giovanni. Ce n'est pas convenable qu'un homme de votre rang séjourne dans un...
Il finit par se tourner vers le nouvel arrivant, ses sourcils noirs se froncent et sa bouche s'entrouvre pour se refermer aussitôt.
- Qui êtes vous ? il demande aussitôt sur la défensive. Que me voulez-vous ?
- Il semblerait que je ne sois pas celui que vous attendiez, effectivement, répond Anir. Une regrettable erreur de votre secrétaire, qui ne vérifie pas les passeports de vos rendez vous quand on présente le nom du dirigeant de cette boite. N'as-t-elle donc jamais vu le patron ?
- Non, il rétorque. Ça n'indique toujours pas qui vous êtes et ce que vous faites dans mon bureau Monsieur.
Anir s'avance dans la pièce, et tire le lourd fauteuil en velours face au bureau pour s'y asseoir convenablement. Il croise les jambes et finit par souffler :
- Vous ne proposez jamais de boisson ?
Son interlocuteur est sidéré par autant d'assurance. Sans un mot, il se tourne une nouvelle fois vers la petite table où est disposée la machine à café.
- Un café ou un thé ?
- Un thé avec des kaak malih, répond Anir.
L'homme s'arrête et se retourne vivement vers Anir. Il le dévisage en posant sur lui un regard différent, ses yeux parcourent les traits familiers de son visage. Les secondes passent, interminables. Il sait, cela se voit dans ses yeux brillants, il murmure doucement :
- Tu as les yeux de ta mère.
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ᴀɴɪʀ ✓
ActionAnir porte le prénom d'un ange, il ne dira pas un mot. Il suffira d'un regard envoûtant pour que l'ange déchu sème le chaos. Il n'a plus de cœur, il prendra le tien pour exister. La mafia italienne tremble sous son regard polaire. Il ne craint perso...