CHAPITRE 10 - ritourno

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RITOURNO

(retour)

Le mafieux avance dans l'allée encadrée par des cyprès

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Le mafieux avance dans l'allée encadrée par des cyprès. Les arbres ont grandi et sont devenus plus majestueux que le jour de son départ. Rien n'a changé, le sol est toujours composé de gravier et le toit de la maison a été refait ou tout simplement nettoyé de sa saleté.

Sept années sont passées, rien n'a changé.

L'allée débouche toujours devant la cour devant l'entrée principale, à sa gauche se trouve l'entrée de service menant aux cuisines. Des voitures sont alignées sous le coin ombragé que donne la voute végétale de lierre, il reconnaît sa Lamborghini d'un rouge éclatant. À sa droite, à travers la haie verte, il aperçoit l'eau claire de la piscine, entourée d'une barrière de sécurité. Sa gorge se noue et il détourne le regard vers la porte en bois massif.

Les souvenirs restent.

Un gamin, sans doute le fils d'un domestique, joue sur les marches. Des figurines à la main, il en fait tomber quelques une en effectuant des onomatopées de tirs à feu. C'est si paisible qu'Anir a du mal à y croire, le message provenant de son cousin était urgent. Le libyen ne voit rien d'inquiétant devant lui.

Il n'y a personne pour garder la porte et surveiller les allées et venues, il n'y a aucun homme caché derrière les rideaux des fenêtres, prêt à tirer aux moindres gestes suspects. C'est donc cela le goût amer de la victoire et celui étrange de la paix.

Sa famiglia a triomphé.

Mais à quel prix ? Anir ne compte même plus les morts dans sa famiglia, ni les meurtres commis qui souillent son âme par des cauchemars effroyables. Il a compris que c'était une chose de s'en arranger avec Dio mais une autre de s'en arranger avec soi-même.

Il y a tant de gens normaux dans cette Sicile, qui vivent loins des armes, de la criminalité, de la mort. Anir s'est déjà demandé si il pouvait être de ces gens et si ce n'était pas l'illusion d'un monde hors d'atteinte.

Anir s'approche du garçon, il a le nez plongé dans ses figurines. Le libyen l'observe un instant en train de jouer avec ses petits bonhommes. Il ne doit pas avoir plus de six ans. Un rictus étire les lèvres du mafieux ; à son âge il était déjà dans la rue pour aider sa mère.

- Gamin, tu sais où je peux trouver Giovanni Pellegrini ?

Il a toujours la tête dans sa partie de figurines si bien qu'Anir se demande si le garçon l'a entendu.

- Nonna dit qu'on ne doit pas le déranger, répond le petit.
(Grand mère)

Anir hausse un sourcil, absolument pas surpris par la réponse du gamin. Giovanni n'aime pas les mômes en général, c'est bien pour ça qu'il n'en a pas eu. Il déteste aussi que des enfants traînent dans ses pattes quand il travaille.

- Et Juliano, il est là ?

Le garçon hoche la tête de bas en haut, ses cheveux noirs se secouent dans ce mouvement et retombent sur le haut de son front.

- L'oncle est dans le bureau de Gio', ajoute le garçon.

Anir plisse les yeux, il n'est pas sûr de comprendre qui est cet oncle. Le libyen n'ose pas rentrer dans la demeure, il a peur d'être devenu un étranger dans ces lieux.

- Tu peux me conduire à ton oncle ?

- Maman dit que les inconnus ne peuvent pas rentrer, surtout s'ils ont un pistolet.

Une autre figurine tombe au sol sous la mitraillette d'un adversaire. Anir se demande comment le petit a repéré le Beretta dans son holster sous la veste de son costume, sans même lever la tête vers lui pour le regarder. Il est perspicace.

- Je m'en moque de ce que pense ta mère, déclare Anir en tirant un briquet de sa poche.

- Elle est gentille sauf quand elle m'interdit de jouer dans l'eau.

Anir commence à s'impatienter, ce petit n'est pas bien méchant mais il lui fait perdre son temps. Le libyen allume une cigarette, il la coince entre ses lèvres et s'avance vers la porte d'entrée. Il appuie sur la sonnette, une voix retentit aussitôt à l'intérieur de la maison :

- Ne joue pas avec la sonnette !

- C'est pas moi mais le monsieur avec le pistolet, crie le petit.

- Rentre ! Immédiatement !

Le petit laisse tomber ses figurines, il monte les quelques marches pour être à la hauteur du libyen. Il pose sa petite main sur la poignée de la porte et se tourne vers Anir. Ses yeux, d'un bleu translucide, se plantent dans les siens. Le libyen croit regarder la profondeur des lacs gelés de l'Alaska. La beauté de ses yeux polaires est fascinante et elle contraste parfaitement avec sa peau basanée.

- Ydir !

Le garçon détache son regard et tire la poignée. Il rentre à l'intérieur de la demeure. Anir n'a pas eu le temps d'apercevoir les murs de la maison de son enfance mais seulement le visage d'une femme qu'il ne connaît que trop bien.

Sa vison est courte puisque le garçon a déjà refermé la porte derrière lui, il laisse Anir complètement sonné par ce qu'il vient de se dérouler devant ses yeux. Le prénom du petit raisonne dans sa tête. Un prénom berbère, comme le sien, que l'on donne aux enfants ayant eut une naissance difficile.

En Libye, on célébre la vie conservée de ces enfants malgré les épreuves en leur donnant ce prénom signifiant qu'ils sont vivants et qu'ils ont survécu. Le libyen en a l'estomac retourné et il sent son cœur défaillir dans sa poitrine, ça fait longtemps qu'il n'a pas reçu une telle décharge dans son organisme.

Quand la porte s'ouvre de nouveau, il défaillit. Anir peine à retrouver des pensées claires. Sa tête est en ébullition, il a l'impression de s'être pris une claque dans la figure en constatant qu'elle le fixe avec ses yeux de la couleur du chocolat.

Leurs regards se croisent, ça fait plus mal qu'un hématome.

Leurs regards se croisent, ça fait plus mal qu'un hématome

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Épilogue à la suite mes bebous

ᴀɴɪʀ ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant