SCUSE
(excuses)
- Elle est morte, il y a près de quinze ans, crache Anir.
Les images de sa mort affluent dans l'esprit du libyen et il secoue la tête pour chasser son cadavre de ses pensées. Sa haine est partagée entre ceux de Palerme et cet inconnu qui se tient devant lui. Si il n'était pas parti à sa naissance, peut être que sa vie ne se serait pas passée ainsi, tout aurait pu être différent. Mais on ne construit pas un monde avec des suppositions, Anir l'a bien compris avec le temps.
Son regard polaire est incisif, il transperce son géniteur et lui enlève bien rapidement son sourire bienveillant qu'il avait en prononçant ses mots. Ils se toisent en silence, Anir parcourt le visage de cet homme qu'il a imaginé pendant des années, qu'il tentait de se rappeler. Une haine viscérale le possède. Elle tend l'entièreté de ses muscles, ses poings serrés font ressortir les jointures blanches de ses doigts.
- Je suis désolé de l'apprendre. Ça fait combien de temps que tu sais où je me trouve ?
Anir ne répond rien. Son géniteur tourne la cuillère dans sa tasse provocant des tintements qui exaspèrent rapidement le mafieux mais le libyen ne le montre pas. Il fait tout pour rendre ce silence pesant. Son visage reste impassible, ses yeux polaires analysent la pièce quand il déclare :
- On m'a demandé de nombreuses qui tu étais et de nombreuses fois, j'ai été humilié par l'absence de réponses que j'avais. Alors je me suis renseigné. Ton appartement se situe sur la onzième avenue. Tu es marié à une certaine Judith Salem, née Hill. Tu as deux filles scolarisées dans un collège international. Actionnaire, tu as mis près de cinq cent milles dollars dans une société pétrolière, mais ça fait de toi le propriétaire de seulement trois pourcents de la boîte. C'est assez faible étant donné qu'un de mes amis en possède la moitié.
Son père déglutit difficilement et arrête de tourner sa cuillère, laissant sa tasse, il dépose ses deux mains contre la surface de la table.
- C'est cet ami en question qui m'a permis de te trouver, tu vois ? Avant cela, tu lui vendais des armes provenant de Libye, avant de fuir devant la cour martiale, laissant un fils et une femme derrière toi.
Ses yeux deviennent globuleux sous l'effet de la stupeur et se voilent d'une lueur de peur qui disparaît aussitôt quand il demande :
- Tu connais Giovanni ?
- Assez bien, oui.
Anir tire son portefeuille en cuir de la poche de sa veste. Il en sort son passeport européen qu'il dépose sur la table avant de la pousser de l'index vers son géniteur. Ce dernier le saisit et le parcourt des yeux avant de s'arrêter, sans aucun doute, sur l'identité de la personne qui se tient devant lui. Il a un mouvement de recul et ses sourcils se froncent.
- Il m'a élevé comme son propre figlio.
- Visiblement en faisant de toi un membre de son organisation, constate son paternel.
Un rictus étire les lèvres du libyen. Anir se lève et se dirige vers la baie vitrée, qui laisse une vue magnifique sur Wall Street. Les buildings font de l'ombre à la magnifique avenue, ils l'assombrissent et la cachent du soleil hivernal.
- C'est ce que tu es n'est-ce pas ?
- C'est ce que je suis devenu.
Il hoche la tête silencieusement et le mafieux tire une cigarette de sa poche sous le grimacement de l'homme face à lui, la cigarette au bout des lèvres, il révèle :
- J'attends des excuses.
Son géniteur est bouche bée, il balbutie des choses incompréhensibles. Le libyen n'a pas de rancœur de manière générale elle n'a jamais le temps de s'installer puisqu'il tue souvent les gens avant que celle-ci ne prenne place dans son esprit.
- J'attends des excuses, répète-t-il. Tu n'étais pas là quand la milice est arrivée dans l'oasis et qu'ils ont pointé leurs flingues sur nous. Ils nous ont dit de partir le jour suivant car maman était palestinienne et que tu n'étais plus là pour assurer que j'étais, moi, né d'un père libyen.
Anir expire une taffe de nicotine. Ça ne lui fait plus rien, ce n'est pas assez fort pour nettoyer son cœur douloureux. Sa main se glisse dans son holster, il sort le beretta de sous sa veste et l'observe du coin de l'œil.
- Je suis désolé.
Le mafieux fronce les sourcils, il tourne l'arme dans sa main, la redécouvrant sous un nouvel angle. Ses yeux parcourent le métal noir, marqué par l'empreinte de la célèbre fabrique italienne, Beretta.
- J'ai été élevé dans le sang et les armes mais je n'ai pas à jalouser la vie que tu as aujourd'hui. Qu'est ce qui peut bien te fait tenir dans ta vie de privilégié ?
- La rédemption.
Anir secoue la tête, retenant un rire sarcastique. Il ne croit pas en Dio, cet homme parle de blanchir son âme alors qu'il a abandonné son gamin pour fuir.
- C'est la famiglia qui te fait tenir, souffle le mafieux. C'est pour elle que tu te lèves chaque matin, pas pour ton seigneur
Il range son arme dans un cliquetis métallique et écrase sa cigarette dans le seul cendrier présent dans la pièce. Anir n'a plus rien à dire, il ne veut plus avoir affaire a cet homme. Il s'apprête à s'éclipser vers la porte quand la voix de son géniteur l'interpelle :
- Pourquoi ne pas rester, ici, à New York, àmes côtés ? demande l'homme.
Anir s'arrête sur ses paroles. Son cœur palpite dans sa potrine et il ressent cette décharge électrique qui se propage dans son corps, elle démange ses mains à travers des picotements. Il se retourne pour faire face à l'ennemi, un éclat de colère brille au fin de ses iris polaires, il est sidéré par cette proposition.
- Giovanni est le seul père que j'ai eu, il m'a tout donné, lache-t-il.
La réalité de ce qu'il a rêvé durant toute son adolescence le frappe de plein fouet. Il est décontenancé en refermant la porte, son cœur se balance dans sa poitrine. Il se trouve en pleine tempête et personne ne pourra le sauver du doute qui plane autour de lui.
New York ou Corleone, quelle différence cela fait-il ?
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ᴀɴɪʀ ✓
ActionAnir porte le prénom d'un ange, il ne dira pas un mot. Il suffira d'un regard envoûtant pour que l'ange déchu sème le chaos. Il n'a plus de cœur, il prendra le tien pour exister. La mafia italienne tremble sous son regard polaire. Il ne craint perso...