CHAPITRE 3 - kill him

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KILL HIM

(Tue le)

"Ses yeux métalliques sont le reflet du diable"

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"Ses yeux métalliques sont
le reflet du diable"

POINT DE VUE OMNISCIENT.

Luisa, la mère de Marco, s'accroche au bras du libyen, comme pour ne pas s'écrouler au milieu du cimetière. La douleur fait couler des larmes sur son visage marqué par l'âge. Elle a perdu son fils aîné, tué d'une balle en plein cœur. Il ne lui reste que Juliano et Rosalinda parmi ses trois enfants. Le destin ensanglanté de cette famille poursuit son cours ; son mari est décédé de la même manière, il y a six ans.

Anir se souvient encore de l'accablement du parrain quand son unique frère l'a trahi. Giovanni ne l'avouera jamais mais il a pris un coup ce jour-là. Il n'a plus jamais été le même. Ses cheveux grisonnants et ses traits durs sont les seules traces de ce deuil passé.

Ce n'est pas par hasard que Luisa s'accroche fermement à l'avant bras d'Anir. Il se tient debout, au premier rang, aux côtés des proches et des personnes possédant une grande influence dans l'organisation mafieuse, la tête haute. Son regard reste impassible alors que cortège avance dans la grande allée de graviers dans un silence lourd et pesant.

Un prête passe et répend de l'encens dans l'air. Le cercueil est déposé dans la brèche creusée dans la terre. L'eau bénite est versée pour accompagné le défunt jusqu'aux cieux.

Il est mort.

Ces mots résonnent dans ses pensées depuis que Juliano lui a annoncé, hier. Celui qu'il considère comme son cousin, malgré qu'aucun lien de sang ne les unisse, a été abattu sur le pallier de sa maison, en revenant de l'école avec ses deux gosses. Anir lui a parlé le matin même, concernant une transaction d'armes qui aurait lieu dans la nuit, il ne se doutait pas qu'il verrait son cadavre quelques heures après.

Marco est mort comme la mère d'Anir avant lui. Tous les cadavres se ressemblent, Anir en a vue des centaines ayant du sang sur le visage, des plaies béantes et des yeux morbides, arrêtés dans le vide. Anir en a brûlés des dizaines, parfois il les a dissimulés sous terre ou même laisser au milieu d'un quartier. Pourtant Marco ne ressemble à aucun d'entre eux. Ses yeux sont clos, aucune blessure n'est apparente. Giovanni y a veillé. Anir pourrait presque croire qu'il dort mais Marco est mort.

Il ne reviendra que dans les cauchemars sanglants du libyen.

Le parrain prononce quelques mots en l'honneur de Marco alors que Luisa lâche un sanglot. Elle serre le bras du libyen jusqu'à lui broyer les os. Elle s'approche lentement du cercueil découvert, Anir et Juliano l'accompagnent.

- Dieu veillera sur lui, assure Anir.

Ses yeux larmoyants s'attachent sur les pupilles dilatées du mafieux. Sans attendre, elle le serre dans ses bras et demande :

- Notre Dieu ou le tien ?

- Tous.

Anir resserre son étreinte autour de son corps frêle. Ce petit bout de femme est comme une seconde mère pour lui.

- Je suis désolé Luisa, il murmure au milieu du cimetière.

- Ce n'est pas de ta faute.

Anir hoche la tête et ne rajoute rien alors qu'elle se tourne vers Juliano, son fils cadet. D'un signe de tête, ce dernier la rejoint et ils jettent un dernier coup d'œil au cercueil avant de se mettre en retrait.

- Qu'il repose en paix, déclare l'assemblée avant de quitter le cimetière.

Diverses fleurs reposent désormais sur le cercueil de Marco Pellegrini. Anir décroche la croix argentée autour de son cou, elle appartient à Rosalinda. Cette dernière ne lui en voudra pas, Anir n'est pas chrétien alors il finit par jeter le pendentif dans la brèche creusée. Il dit d'une voix monotone, ne laissant rien apparaître : 

- Moi, Anir Pellegrini. Je promets que ton âme sera honorée.

Anir reste devant le cercueil quelques minutes. Le cercueil sera enterré dans  le tombeau familial à la nuit tombée, c'est la tradition. Il est rejoint par le parrain qui pose sa main grassouillette sur son épaule :

- Tu sais ce qu'il te reste à faire.

- Cet homme n'arrangera rien, répond le libyen d'une voix basse.

Anir allume une cigarette. La fumée s'échappe de ses lèvres et ses yeux bleus se perdent dans le vide et il dit d'une voix calme :

- J'ai tué un homme. Il y a deux semaines en embarquant à Marrakech pour revenir. C'était un de leurs hommes. Ils ont repris le dessus là-bas. L'Est de la ville est à eux ainsi que les deux quartiers centraux.

Il se souvient du visage implorant de cet homme agenouillé devant lui. Anir lui avait fait explosé la cervelle sans une once de pitié et de remords. Il avait repris une part de leur trafic et brisé les accords liant les deux familles.

- Les sottocapos sont-ils au courant ? ajoute Giovanni.

- J'en ai tué un second dans le bar de ce putain de Lissandro. Personne ne sait, à part Rosa.

Rosalinda, sa gorge se noue en pensant à la brune. Elle n'est pas venue à l'enterrement de son propre frère. Anir ne peut s'empêcher de poser, en fixant le cercueil, cette question qui le tiraille depuis qu'il est tout petit :

- Pourquoi ? Pourquoi moi ?

Le parrain le fixe avec intensité. Ses traits sont tirés et il paraît plus fatigué que jamais.

- Je ne suis pas sicilien, c'est contre les règles de Cosa Nostra, reprend Anir en expirant un nuage de fumée. Pourquoi avoir pris ce risque de m'intégrer ?

- Je te répondrai, mais pas aujourd'hui. Fais ce que tu as à faire.

Anir regarde Giovanni disparaître du cimetière. Il jette sa clope sur les graviers et l'écrase dans le sol. Sa main se resserre sur le Beretta près de sa hanche. Il tient le flingue, il est le méchant. Le libyen exécute le signe de croix en jetant un dernier coup d'œil à la tombe de son cousin. Puis, il quitte le cimetière, prêt à tuer une personne de plus dans cette guerre territoriale. Il allait enterrer ces traîtres, il se vengerait pour eux.

Pour Marco et pour sa mère.

Pour Marco et pour sa mère

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