NEW YORK
Anir marche seul, à des milliers de kilomètres de sa maison. Glacé jusqu'aux os, au milieu de cette pluie battante, il jure que son ombre est plus claire que ses pensées. Déambulant dans les rues de New York City, il perd encore pieds. Ses pensées sont embrouillées par la cocaïne, cette dernière fait des ravages, elle se vend comme des petits pains dans la mégalopole.Le mafieux en a pris une bonne dose, ça lui évite de trop réfléchir. Il frisonne tout en continuant à marcher sans destination précise, il ère dans la ville en se demandant les raisons qui le poussent à continuer. Peut-être que le dernier coup viendra un jour, Anir l'attend avec impatience, il est incapable d'en finir malgré ses tentatives.
Il avait tenté une fois, il s'était foutu le canon de son beretta au fond de la gorge, il n'avait plus qu'à appuyer sur la gachette pour rejoindre les abysses. Cette même gâchette qu'il avait pressée de nombreuses fois, il avait été paralysé et réduit à l'impossibilité de le faire face au visage qui lui est apparu comme un envoyé du ciel.
Anir grimace, il tire une clope de sa poche, peut être que ça réchauffera son cœur solitaire. Il lui est difficile d'allumer la cigarette face à cette pluie torrentielle mais encore plus dur de se souvenir les raisons de son égarement dans cette ville pourrite jusqu'aux fondations.
Ça y est, il se souvient.
Il vient de perdre quatre cent milles dollars dans une transaction. Ceux avec qui il a eu affaires sont partis sans payer, Anir s'est fait avoir comme un débutant et ça ternit sa réputation aux yeux des cartels colombiens. Le libyen tire une taffe de nicotine. A chaque fois qu'il fume, il a l'impression que ça nettoie son cœur. Ça fait longtemps qu'il marche, ses jambes vacillantes veulent le lâcher mais il reste un long combat avant de rentrer chez lui, à Corleone.
Un combat contre lui-même.
Anir voudrait arranger les choses avant son retour, il n'est plus tout seul dans sa tête. La cocaïne le rend trop imprévisible, il ne compte plus ses coups de sang où il perd toute la raison. Il doit toujours faire de son mieux pour essayer de cacher son côté sombre qui refait surface.
L'image de son père apparaît devant lui, et si il s'était trompé dans son choix, peut être qu'il vient de commettre la deuxième erreur de sa vie. Anir hésite, ça le bouffe de l'intérieur et ce choix étreint sa poitrine. Il devrait être plus égoïste et penser à lui mais il ne peut s'empêcher de constater tout le mal qu'il a fait à sa famiglia depuis toutes ces années.
Huit mois sont passés, peut-être qu'elle l'a oublié, peut-être qu'elle pense qu'il est mort ou qu'il ne se rappelle plus d'elle. Cette pensée lui tord le ventre et lui broie les intestins, en quelques secondes, son estomac rejette tout son contenu au sol. Il finit par se redresser péniblement, le libyen déteste se trouver dans une telle position de faiblesse.
Il tire une nouvelle taffe de sa cigarette pour faire passer le goût nauséabond présent dans sa bouche. D'un geste lent, il sort son cellulaire et compose aussitôt le numéro qu'il connaît par cœur. Les sonneries se succèdent durant quelques secondes puis sa douce voix raisonne à son oreille :
- Oui ?
Anir ne répond rien, il est trop embrouillé par la drogue et son cœur flanche d'une manière inhabituelle, comme s'il était devenu dépendant de la femme qui prononce son prénom tel un murmure.
- Anir ? C'est toi ?
Il déglutit, son téléphone glisse entre ses doigts humides, il le serre si fort qu'il craint de le briser. Ses jambes vacillantes sont prises de tremblements, il est obligé de s'appuyer contre le mur d'un immeuble délabré et une trombe d'eau s'écoule sur sa tête, il se decalle d'un pas.
- Cazzo di merda, dit-il en relevant les yeux pour constater qu'il se trouvait sous une gouttière.
(putain de merde)- Qu'est-ce...
Elle s'arrête en l'entendant renifler péniblement. Anir pleure au combiné. Pour la première fois, les larmes sillonnent son visage marqué de cicatrices et il sanglote doucement :
- Quel figlio de puta.
Il en veut au monde entier, en particulier, à son géniteur de le mettre dans un tel état de faiblesse. Un nouveau sanglot s'échappe de ses lèvres tandis qu'il s'effondre sur le sol détrempé.
- Il pensait que j'allais accepter sa proposition, il souffle. Comme si j'allais rester juste pour lui, si Gio était là pour le voir, tu verrais ce qu'il dirait. Un lâche, c'est un putain de lâche.
- De qui parles-tu ? elle s'empresse de demander dans l'incompréhension.
Un rire noir s'échappe du libyen, il est pris de convulsions et ne parvient pas à s'arrêter durant de longues secondes. Il tente de récupérer sa respiration à plusieurs reprises et il articule :
- Mon père avait eu le choix, s'il était resté, je n'aurai jamais rencontré ta famiglia... et toi...
La gorge de Rosalinda se noue tandis que le libyen continue de déverser toute sa pensée, elle comprend qu'il est en train de se confesser comme il ne l'a jamais fait auparavant.
- Tu m'as demandé de te raconter mes cauchemars, il murmure. J'entends des voix comme si je vivais dans un hôpital. Tous morts, leurs voix me disent que Dio veut m'attraper. J'ai beau avoir le prénom d'un ange et prier, cela ne suffit pas à me blanchir de mes crimes.
Il veut tirer une taffe de sa clope, cette dernière est éteinte entre ses doigts, il lâche un nouveau juron contre la mégalopole américaine et son temps désastreux.
- Anir, reviens à la casa, elle supplie.
Le libyen secoue négativement la tête et il répond :
- Je dois récupérer quatre cents milles dollars et assurer le passage des frontières, c'est impossible.
- Tu reviendras, elle s'inquiète. N'est-ce pas ?
- J'ai prêté serment quand je t'ai demandé de m'épouser mais j'ai aussi prêté serment à Cosa Nostra.
Elle sanglote doucement à l'appareil sous le poids de ses paroles. La mafia l'emporte toujours sur tout, même sur elle. Rosalinda s'apprête à raccrocher quand elle entend la voix roque du libyen qui souffle :
- Je reviendrai, promis.
encore deux chapitres et l'épilogue 🥺
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ᴀɴɪʀ ✓
ActionAnir porte le prénom d'un ange, il ne dira pas un mot. Il suffira d'un regard envoûtant pour que l'ange déchu sème le chaos. Il n'a plus de cœur, il prendra le tien pour exister. La mafia italienne tremble sous son regard polaire. Il ne craint perso...