CHAPITRE 3 - corano

234 15 7
                                    

CORANO

(le Coran)

"L'homme porte son destin attaché au cou"

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

"L'homme porte son destin attaché au cou"

POINT DE VUE OMNISCIENT

Anir maintient son dos à quelques centimètres du dossier de la chaise tout en fixant son interlocuteur. Ce dernier crie, le mafieux assimile parfaitement ce qu'il dit mais il fait mine de ne pas bien comprendre l'italien. Il ne répond rien depuis son arrivée et il n'est pas prêt de parler.

Alors les coups partent, ils sont la vengeance de son silence. Le libyen pousse un hurlement quand les plaies ouvertes de son dos claque le bois de la chaise. La douleur est insoutenable et il se mord la lèvre inférieure pour s'empêcher de crier une nouvelle fois comme une filette.

Anir fuit la nuit depuis ses seize ans, depuis qu'il a le sang d'un homme sur les mains. Dio le pourchasse dans ses rêves pour le faire culpabiliser de ses actes et maintenant cet homme fait de même, il a une telle emprise sur le mafieux que ce dernier a fini par haïr la nuit.

Son tortionnaire finit par abandonner pour cette nuit, en quatre heures, il n'a rien pu tirer de son silence. La porte s'ouvre sur deux gardiens, ils attrapent Anir encore conscient et le soutiennent par les bras pour l'escorter jusqu'à sa cellule. Les pieds du libyen trainent au sol, il ne parvient même pas à avancer normalement, chaque geste est une épreuve douloureuse.

C'est au dessus de ses forces.

Il a l'impression que la peau de son dos se consume encore par les flammes ardentes d'un briquet. Ses jambes vacillantes finissent par le lâcher et il s'effondre dans le couloir sous les regards impuissants des détenus qui se sont amassés aux grilles de leurs cellules.

Il est étalé sur le carrelage comme une crêpe et aucun des détenus n'émet un rire moqueur. Ils sont sidérés par la vision qui s'étend devant eux : la couche supérieure de l'épiderme d'Anir est brulée à vif, sa peau scintille d'une rougeur anormale.

- Ne me touchez pas, grogne le libyen à l'attention des deux gardiens qui se précipitent pour l'aider à se relever.

Son regard polaire est ardent si bien que les deux hommes reculent d'un pas prudent. Anir a honte, il ne s'est jamais retrouvé dans une telle position de faiblesse et demander de l'aide ne fait pas parti de ses habitudes. Il a toujours fait tout, tout seul.

Ses bras tremblent quand il s'appuie dessus pour se relever dans une extrême lenteur. Il parcourt les cellules alignées devant lui, son regard est incisif et il incite les détenus à taire les événements qu'ils ont pu voir. Il en profite pour chasser toute once de pitié dans les yeux des gardiens en continuant la marche vers sa propre cellule.

Son compagnon est devant la porte grillagée de leur cellule, lui aussi a assisté à toute la scène. Il ne dit rien et s'écarte quand les gardiens ouvrent la cellule dans un grincement métallique, il continue de fixer Anir quand celui s'assoit avec difficulté sur la chaise face au petit bureau disposé dans la pièce.

Le libyen grimace et il commence à se nettoyer les plaies avec un gant de toilette qu'il imbibe d'eau. Il grimace quand le tissus râpeux touche sa peau brûlée sous le regard de son compagnon.

- T'as reçu ça, le mafieux.

Il désigne le petit livre posé sur le bureau depuis sa couchette. Anir repose son gant de toilette et il fixe le livre posé sur la table. Il se demande qui a bien pu l'envoyer étant donné que ses échanges postaux sont bloqués depuis plusieurs semaines.

- J'croyais que t'étais italien, c'est un peu bizarre de t'envoyer le Coran, note le détenu.

- Je suis berbère, avoue le mafieux.

C'est la première fois qu'Anir répond à son voisin de cellule en plusieurs semaines, ce dernier est plutôt surpris mais il n'ajoute rien pour ne pas le froisser par des questions.

Les doigts du libyen touchent délicatement la couverture en cuir abimée. Il a peur d'abîmer les feuilles de papier de ce livre, il parcourent les pages d'écriture arabe. Des souvenirs de son enfance rejaillissent notamment quand il se rendait à la mosquée et qu'il devait lire des passages. Les pages défilent sous ses yeux, il se perd dans les versets religieux.

Qui a bien pu lui envoyer ça ?Anir ne comprend pas, il pense être tombé dans un piège de Palerme, eux aussi connaissent son passé libyen. Il voit cela comme de la provocation alors il repose le livre sur le bureau et il n'y touche plus pendant les jours qui suivent.

Il l'observe parfois du coin de l'œil depuis son lit, il est tenté de le saisir mais lire les versets religieux le ferait plonger de nouveau dans de mauvais travers. Dio l'a déçu de nombreuses fois et il n'est pas prêt de reconnaître ses pêchés.

Anir continue de courir la nuit. Dans ses rêves il fuit Dio et dans la réalité, il fuit son tortionnaire qui est probablement l'incarnation du diable en personne.

Il ne répond que par le silence à sa question inchangée depuis des mois, il reste fidèle à son serment et à l'omertà. Il est tracassé car il ne connaît même pas la réponse à cette question pour laquelle il encaisse toute cette douleur.

Qui est son père ?

Qui est son père ?

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
ᴀɴɪʀ ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant