CHAPITRE 20 (1/2)

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DONOVAN

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DONOVAN


Ce regard.

Donovan reconnaissait enfin ce regard.

Il se souvenait de cette jeune enfant, qu'il avait enlevé à sa famille, tant d'années auparavant. Il se souvenait également de la fougue avec laquelle elle s'était débattue, de son courage quand elle avait osé cracher sur sa sœur. Cette pensée lui déclencha des frissons. L'ombre de sa sœur le suivait partout. Il avait l'impression qu'il ne pourrait jamais se cacher du poids de ses actions passés. Partout où il allait, il croisait des visages familiers, des regards meurtriers. Il avait détruit la vie de tellement de personne, qu'il n'était pas certain de mériter un jour la paix qu'il recherchait. Et peu importe s'il avait arrêté de servir sous les ordres de sa sœur. Peu importe s'il avait sauvé la petite Zoia d'un sort encore pire que la mort. Ses remords étaient trop forts, trop puissants pour qu'il se pardonne. Plus encore maintenant qu'il se trouvait face à Iema.

Dans le regard de cette dernière, la colère. Le visage entier de la jeune femme était obscurci par son ressentiment. Ses yeux brillaient d'un éclat bleuté. Donovan déglutit lentement. Le regard qu'elle lui lançait n'était pas humain. Sourcils froncés, elle tenta de se redresser en direction de lui. La douleur la cloua, cependant, sur place. Iema était trop faible pour esquisser le moindre mouvement. Du soulagement l'envahit, accompagnée d'une pointe de culpabilité. Il avait beau être massif et puissant, il n'était pas certain de résister à un coup de griffe de la jeune femme. Les cadavres dans le couloir semblèrent lui donner raison.

D'un autre côté, il détestait voir la jeune femme dans cet état. C'est ma faute, se fustigea-t-il intérieurement.

« Tu as détruit ma vie ! » grogna la jeune femme.

Même à bout de force, elle arrivait à injecter de la hargne dans chacun de ses mots. Lâchement, Donovan préféra baisser les yeux. Il ne pouvait pas affronter son regard, son courroux, pas quand il savait pertinemment que la jeune femme avait raison. Combien de vies avait-il détruit jusqu'à ce qu'il ne décide de se rebeller contre les ordres de sa sœur ?

Beaucoup trop.

« Je suis désolé. » souffla-t-il, du bout des lèvres.

Et il l'était. Réellement. Il ne passait pas une seule nuit sans que les terreurs qu'il avait commis dans son passé ne revienne le hanter. Il aurait voulu lui dire qu'il avait hésité à la kidnapper. Que si l'autre n'était pas arrivé, il l'aurait laissé s'échapper. Mais qu'est-ce que ça aurait changé ? Le mal était fait. Pas de retour en arrière. Et pas question de se cacher derrière sa lâcheté pour essayer de se justifier.

« Tes mots ne suffiront pas à racheter la vie que tu m'as volé ! » déclara froidement la jeune femme.

Donovan baissa à nouveau les yeux, tandis que le silence envahissait la pièce. L'atmosphère était pesante. Le colosse de glace aurait préféré s'enterrer dans le sol plutôt que de supporter une seconde de plus le regard blessé de la jeune femme. Il sentait également, comme une brûlure sur sa peau, les questionnements muets des autres.

Personne n'osait poser la question, mais elle brûlait les lèvres.

Zoia, finalement, brisa le silence.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé, Iema ? Qu'est-ce que ces hommes te voulaient ? »

Zoia tourna, l'espace d'un instant, la tête dans la direction de Donovan, lui lançant un regard lourd de sous-entendus. Elle sait, réalisa Donovan. Bien sûr qu'elle savait. Mais il ne lut pas de colère ou de dégout dans ses yeux bleus, juste ... De l'indulgence. Iema poussa un petit soupir, attirant ainsi les regards sur elle. Le flot de questions de Zoia avait semblé l'étourdir. Lassé, elle laissa sa tête retomber en arrière, contre l'avant-bras de Caelum. Ce dernier était resté silencieux pendant tout l'échange, comme plongé dans ses pensées.

« Ces hommes ... » commença-t-elle lentement. « Ces hommes-là m'ont volé mon humanité. Ils ont fait de moi le monstre que je suis désormais. »

Elle agita ses mains, et ses griffes opalescentes attirèrent le regard de Donovan. Elles étaient terrifiantes. Mais pas monstrueuse, non. C'était lui, le monstre. Lui, qui lui avait volé sa vie pour la remettre à ceux qui prendraient ensuite ce qu'il lui restait. La voix tremblante, Iema leur raconta ensuite le récit de son passé. La prise d'otage, et l'implication de Donovan dans son passé. La rencontre avec Docteur Philbert. Les expériences dans les laboratoires de l'Uroborus. La première transformation en dragon.

Iema avait été la première à réussir l'expérience, la première à accomplir la mutation. Avec la nouvelle puissance que la dragonne lui accordait, elle n'avait eu aucun problème à s'échapper de sa prison dorée. L'incompétence des gardes l'avait également grandement aidée. Quelques heures après sa fuite, elle se réveillait aux abords d'une cité grimienne, et ses récents souvenirs lui échappaient. Le récit de la jeune femme était poignant. Le cœur de Donovan, rendu insensible par ses propres démons, s'était serré face à l'horreur qui déformait ses traits. Il aurait tant voulu essayer de la consoler, de la cajoler. Mais ce n'était pas son rôle à lui.

Et puis, jamais la jeune femme n'accepterait sa pitié.

Pas la sienne.

Pas après tout ce qu'il avait fait.

« Est-ce qu'ils ont le Parchemin Sacré ? » demanda brutalement Caelum, rompant le silence qui s'était installé après le récit de la jeune femme.

C'était la première fois que le prince prenait la parole depuis qu'il avait ramené Iema. Pour une raison qui échappa à Donovan, il évita soigneusement le regard de la jeune femme. Face à son manque de considération, le visage de cette dernière se crispa dans une expression peinée. Pourquoi est-ce que Caelum semblait subitement froid et distant ? Il se demanda un instant s'il avait été le seul à remarquer le changement de comportement de l'homme, avant de croiser le regard consterné que Zoia lui lançait.

« Oui. Enfin, ils l'avaient. Docteur Philbert m'a avoué, avant qu'il ne ... Enfin, il m'a avoué qu'ils avaient déjà acheminé le Parchemin en direction d'Hélia. »

Sur ses dernières syllabes, sa voix sembla s'éteindre. Une petite quinte de toux secoua son corps entier. Les mains de Donovan se mirent alors en marche toute seule. Il décrocha la petite gourde qui était accrochée à sa ceinture, et la tendit dans la direction de la jeune femme. Zoia la saisit vivement et se retourna vers son amie. Le géant croisa un instant le regard d'Iema. Cette fois-ci, pas de colère. Il déglutit lentement, préférant tout de même baisser les yeux.

« Hélia est un grand pays. » maugréa Nael, en croisant les bras sur sa poitrine.

Caelum hocha silencieusement la tête, toujours plongé dans ses pensées. C'était tellement étrange de le voir si calme après ses éclats de colères passés. Hormis Nael, personne n'osait réellement parler.

« Il va nous falloir des mois pour retrouver ce maudit papier. » continua le soldat, insensible à la tension qui régnait dans la pièce.

Brusquement, Zoia se releva, et se retourna vers Nael. Le cœur de Donovan se serra douloureusement lorsqu'il remarqua la rigidité qui traversait son visage.

« Non. »

Sa voix était forte. Une détermination nouvelle brillait dans son regard. Et c'était le genre d'étincelle que Donovan n'aimait pas. Le genre d'étincelle qui l'avait poussé à se dessiner à lui jeter des poignards dessus. Il n'aimait pas la tournure que prenaient les évènements ...

Car il savait pertinemment où les réflexions de Zoia les emmèneraient.

Et c'était un endroit où il n'était pas prêt à retourner.

« Je sais très bien où est-ce que le Parchemin a été emmené. » déclara alors la jeune femme, confirmant le pressentiment du colosse de glace. 

D'IRE ET DE BRAISES - Tome 1 : le parchemin sacréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant