Peut-on renier les pouvoirs que nous possédons depuis la naissance ?
Caelum est le prince héritier du royaume de Grim. Et comme chaque membre de la famille royale, il est également un Draig. Il a le pouvoir de se transformer en dragon ou d'en utili...
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IEMA
Le visage de ce dernier était figé dans la douleur. Cette expression brisa le cœur de la jeune femme. Elle savait déjà que le prince vivait dans un monde rempli de culpabilité. Ces évènements s'ajoutaient au poids qui pesait déjà sur ses épaules. Il avait détruit la vie de quelqu'un ... Mais cela n'allégeait pas la peine de la jeune femme. Il avait raison, et elle le savait pertinemment. Mais peu importait les mots du prince, elle se tiendrait à jamais personnellement coupable de ce qu'il était arrivé à Donovan. Si elle ne s'était pas lancée à la poursuite de Bolkiah ... Si ce soldat n'avait pas reconnu son visage dans le couloir ... Si elle ne s'était pas transformée en dragonne ... Si elle n'avait pas été aussi faible ... Si elle n'avait pas été bêtement emprisonnée par des filets d'acier ...
Avec des si, Iema aurait été la reine du monde. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de ressasser les événements dans sa tête, et de se flageller à chacun de ses faux pas. Elle avait été vaincue. La honte lui terrassait la gorge. Elle avait été trop faible, et elle s'en voulait ! Elle avait toujours été une battante. Et elle ne supportait pas de perdre le combat.
Caelum lui lança un regard lourd de signification.
« Mais ... » commença-t-elle, avant de se faire brusquement interrompre.
« Pas de mais. »
Il avait levé la main devant son visage, comme pour clore la discussion.
« Arrête de te culpabiliser pas pour quelque chose que tu n'as pas fait. Crois-moi, cela ne t'apportera rien de bon. »
Il avait totalement raison, mais elle ne pouvait entendre ses mots. Elle n'était pas encore prête à se pardonner. Elle détourna les yeux, le cœur brisé et gorgé de culpabilité, préférant les poser sur les méandres d'un horizon incertain.
« Tu devrais boire quelque chose. »
Iema tourna la tête vers Caelum. Le prince s'était assis non-loin d'elle, un air résilient sur les lèvres. Dans sa main droite, une flasque. Elle réalisa soudainement que sa gorge était aussi sèche que le désert hélian à l'est. Elle s'en empara, et la porta à ses lèvres. Une vague de soulagement la remplit tandis que l'eau coulait le long de sa gorge. En quelques secondes, et sans s'en rendre, elle avait déjà vidé la gourde. Ses joues se rosirent de honte lorsqu'elle posa le contenant par terre.
« Merci. »
Caelum tourna brièvement la tête dans sa direction, avant de lui accorder un léger sourire. Du coin de l'œil, elle remarqua que l'expression du prince avait brusquement changée. En quelques secondes, son cœur accéléra. Une chaleur, fugace, lui monta aux joues, et elle préféra tourner la tête.
« Iema, il faut ... Il faut qu'on parle. »
Elle jeta un coup d'œil dans sa direction. Les joues rougies, il passait maladroitement la main dans ses cheveux bouclés. La respiration de la jeune femme se bloqua dans sa poitrine. Avec nervosité, elle se mordit la lèvre. Elle n'était pas stupide au point de se méprendre sur le sujet de discussion. Pourtant, elle ne sentait pas prête à aborder ses sentiments. Pas aussi rapidement.
« Pas maintenant, Caelum. » décida-t-elle, en lui offrant tout de même un sourire en coin.
Le garçon ouvrit la bouche, avant de la refermer précipitamment. Il déglutit en silence, puis hocha la tête.
« Pas maintenant. » confirma-t-il, souriant à son tour.
Elle avait besoin d'encore un peu de temps. Mais combien de temps encore Caelum attendrait-il ? Il fallait urgemment qu'ils aillent cette discussion.
Et Iema la redoutait affreusement.
***
Nael rentra le lendemain matin. Son visage, d'habitude rond et jovial, était amaigri. Depuis quand n'avait-il pas dormi ? La lassitude se lisait dans son regard, autant qu'elle se lisait dans celui d'Iema. Jamais la jeune femme n'aurait pensé qu'elle puisse un jour compatir à la douleur du soldat. Quelques semaines auparavant, elle le détestait. Mais les choses avaient évolué ... Ils n'étaient pas amis, et ne le seraient jamais. Mais une sorte de trêve s'était tacitement installée. Et c'était très bien ainsi. Iema était lassée des combats. Elle était lassée de cette colère, latente, qui vivait désormais dans son cœur.
Le soldat se dirigea vers eux lorsqu'il les aperçut. Il jeta un coup d'œil en direction de Donovan, et son visage s'assombrit d'avantage. Il détourna le regard, incapable de supporter cette vision plus longtemps. Les lèvres d'Iema s'étirèrent alors en une grimace, lorsqu'elle remarqua les hématomes qui couvraient le visage de Nael. Il s'était battu. Et ces blessures-là ne venaient pas du manoir.
Il ne leur donna aucune explication concernant le coquard qui cernait son œil droite. En revanche, il croisa les bras sur son torse avant de simplement déclarer :
« J'ai trouvé un navire qui nous mènera à Sunharbor. »
La façon dont il avait prononcé le mot trouvé expliqua soudainement la présence de son œil au beurre noir. Il ne mentionna pas Zoia, mais Iema ne se leurra pas. Pas de nouvelles. Et contrairement à l'adage, cette fois-ci, cela ne rimait pas avec bonnes nouvelles. La jeune femme devinait à son regard éteint qu'il avait probablement passé toute sa nuit à la chercher.
« Merci Nael. » déclara Caelum, en lui tendant une petite flasque.
Le soldat s'en empara avec avidité, et vida le contenu du liquide dans sa bouche. Une fois sa soif étanchée, il essuya le coin de ses lèvres avec le dos de sa main, et se laissa glisser contre le sol. L'herbe froide lui chatouilla le dos. Immédiatement, il se mura dans le silence, et personne ne tenta de le briser. Parfois, les gémissements de Donovan le perturbèrent, et ils s'échangeaient tous un regard concerné.
Mais Iema décida finalement qu'elle en avait assez de ce silence, et de ces non-dits. Assise en tailleur, elle entoura ses genoux avec ses bras avant de tourner son visage vers Nael. Ce dernier regardait au loin.
« Comment tu te sens ? » demanda-t-elle doucement.
Légèrement surpris, il tourna la tête dans sa direction, avant de se recomposer un masque d'impassibilité. Trop tard. Iema n'avait rien manqué à sa surprise passagère, et le coin de ses lèvres se souleva légèrement.
« Comme si un dragon m'avait marché dessus. »
Elle resta interdite pendant quelques secondes, avant que l'hilarité ne la saisisse brusquement. Elle éclata d'un rire franc. Bientôt, celui de Caelum se joignit au sien. Leurs rires s'élevèrent autour d'eux, chassant le lourd silence qui les épiait depuis le début de la journée. Ce petit instant d'allégresse ne changeait pas la situation. Mais il eut le mérite de détendre l'atmosphère et d'apaiser les cœurs.
« Comment peux-tu savoir ce que ça fait de se faire marcher dessus par un dragon ? » demanda ensuite Caelum.
Il peinait à reprendre son souffle, tant il s'était esclaffé. Face à la mine déconfite de Nael, il repartit dans une nouvelle crise. Qui s'accentua quand le soldat fronça les sourcils. Se prolongea encore quand ses joues rosirent face à son désarroi.
« Oh, pour ça, on peut toujours s'arranger. » ricana Iema, entre deux hoquets.
Et pour la première fois de la soirée, le visage de Nael se détendit. Un sourire éclaira même les traits tirés de son visage. Immédiatement, le cœur d'Iema se réchauffa. Ce n'était pas grand-chose. Mais après tous les évènements qu'ils avaient traversé, c'était suffisant.
Quand le silence revint finalement, Caelum poussa un long soupir. Au loin, le soleil poursuivait sa course dans le ciel, tout en les regardant timidement, sagement camouflée par quelques nuages passagers.