CHAPITRE 31 (1/2)

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IEMA

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IEMA

Le médecin poussa un long soupir, avant qu'il ne se relève prestement. Sans accorder la moindre attention aux trois regards interrogateurs, il se mit à ranger religieusement ses instruments. Iema le regarda pendant de longues secondes, et finit par manifester son impatience par un claquement de langue. L'homme se retourna alors vers elle, lui offrant un regard désolé.

« Il vivra, mais... »

Les mots du docteur se suspendirent, laissant place au silence. Son regard évita brusquement celui d'Iema, tandis qu'il tournait la tête pour contempler le soleil matinal sur la petite ville en contrebas. Castel était encore secouée par les évènements de la nuit dernière. Les flammes du manoir de Faure avaient été visible, même depuis leur colline éloignée. Elles avaient fini par s'essouffler, éventuellement, et il planait désormais dans le ciel un épais nuage grisâtre qui ne signifiait pas que des bonnes nouvelles.

Iema détourna son attention de la ville portuaire en contre-bas, reportant son attention sur le médecin en face d'elle. Ses lèvres s'étaient mises à trembler. Finalement, il inspira longuement, et reprit péniblement.

« Ces brûlures sont irréversibles. Le feu a trop profondément endommagé ces tissus ... Même si la peau de son bras, de son cou et de son torse guérira, elle restera à jamais aussi noire que la braise. De plus, il perdra, probablement, toutes ses sensations. Mais heureusement pour lui, après guérison, il retrouvera l'usage de ses membres. Éventuellement. »

Une chape de plomb s'installa dans l'estomac d'Iema. Son regard dériva alors en direction de Donovan. La vision de son ami lui soutira une grimace. Tout le côté gauche du colosse de glace avait été touché. La brûlure s'étendait de sa jambe gauche à la base de son cou. Elle avait miraculeusement évité son visage, mais il resterait tout de même à jamais défiguré. Sa peau, en plus des cloques épaisses, était aussi noire que les nuits d'hiver, jurant profondément avec la pâleur de son teint habituel.

Et rien de tout ceci ne serait arrivé si elle n'avait pas été trop faible pour se débrouiller par elle-même... La culpabilité rajouta un peu de plomb dans son ventre.

« Et sa jambe ? » demanda-t-elle, la voix rauque.

Regard fuyant. Le docteur refusait désormais de la dévisager. Un long silence s'installa, et Iema n'eut même pas la force de le briser. Elle attendit, et attendit, jusqu'à qu'à ce qu'il trouve la force de reprendre la parole.

« Sa jambe gauche est ... entièrement atteinte. Contrairement au reste de son corps, le feu a également touché ces nerfs, et ces muscles. S'il pourra peut-être, et j'insiste sur le peut-être, se tenir sur sa jambe sans trébucher, il ne pourra plus jamais l'utiliser pour marcher. »

Un frisson d'horreur secoua la jeune femme.

« Oh mon dieu ! »

Elle était horrifiée. Sans qu'elle puisse les retenir, des larmes amères s'échappèrent de ses yeux. Immédiatement, une paire de bras l'entoura, et elle se laissa aller en arrière, dans l'étreinte. Elle reconnaissait Caelum à son odeur. Et à la chaleur qu'il dégageait, quand il la touchait. Là, précieusement protégée par les bras du prince héritier, elle laissa éclater ce chagrin, cette vulnérabilité, qui lui étreignait violemment le cœur.

Tout était de sa faute ...

« Je suis désolé. » murmura piteusement l'homme.

Elle sentit Caelum hocher la tête. Elle devina le sourire de connivence qui étira le coin de ses lèvres, sans même avoir à le regarder.

« Vous avez fait tout ce que vous avez pu, Docteur... »

La voix du prince était lasse. Tout comme Iema, il était fatigué. Fatigué de cette longue cavale. De ses combats. De ses secrets, lourdement dévoilés. La jeune femme avait envie de rentrer à la maison. Pourtant, elle ne savait même pas ce qui l'attendait à son retour. En réalité, elle n'avait même jamais songé à cette éventualité. Celle de réussir à retrouver le Parchemin Sacré, et de rentrer.

Et puis, avait-elle encore un chez elle ? La petite bâtisse qu'elle avait brièvement considéré comme sa maison avait probablement été rasé depuis qu'ils étaient partis de Draciennes. De toute manière, elle n'avait jamais vraiment été la bienvenue à la capitale. La milice lui avait trop souvent collé aux basques, pour les méfaits qu'elle commettait en toute impunité, pour qu'elle se sente vraiment chez elle à Draciennes.

Mais peut-être que les choses seraient différentes, à son retour. Après tout, retrouver le Parchemin Sacré lui offrait une sorte d'immunité, n'est-ce-pas ? Non. Elle était bien sotte d'imaginer qu'une bonne action lui pardonnerait tous ses péchés. Peut-être que Caelum l'accepterait, elle et les démons de son passé. Peut-être même que le reste de la capitale la laisserait enfin en paix, passant un chiffon blanc sur tous les méfaits qu'elle comptabilisait ? Mais elle, elle ne se pardonnerait jamais. À jamais, elle vivrait avec le poids de sa culpabilité. Poids qui s'alourdissait à chaque fois qu'elle posait un œil sur les brûlures de Donovan.

« Je vais vous raccompagner à Castel. » proposa Nael, et le docteur hocha simplement la tête.

Caelum se détacha d'elle, pour serrer la main au médecin. Immédiatement, un petit courant froid vint taquiner sa peau, effaçant les réminiscences de la chaleur fugace de celle de Caelum. Pour ne pas donner voix à ce nouveau mal-être qui lui chatouilla les tripes, elle posa son regard sur Nael.

Le soldat n'était pas non plus dans son état normal. Il était sombre, et ses yeux disaient la vérité. Il était torturé. Il s'en voulait. Il portait également le fardeau de son erreur sur ses épaules, et ce dernier s'inscrivait sur ses traits tirés. La nuit passée, après avoir trouvé refuge sur cette colline à l'abri des regards, Nael et elle s'étaient empressés de se précipiter vers Castel. Après avoir emmené un médecin au chevet de Donovan, Iema s'était jointe aux recherches de Nael. Ils n'avaient pas trouvé Zoia. Et ils avaient cherché partout. La mine sombre et les poings serrés, la jeune femme avait presque forcé son ami à retourner auprès des autres.

Zoia était partie depuis longtemps désormais. Ils ne la retrouveraient pas aussi facilement qu'ils l'avaient d'abord espéré.

Iema regarda son ami s'éloigner en silence, accompagné du médecin. Sa mâchoire se contracta, et elle essaya de repousser cette boule de chagrin qui s'était logé dans le fond de sa gorge. Trop d'émotions se bousculaient dans son esprit, et elle ne savait que faire pour les exprimer. Elle voulait pleurer, crier, parler. Mais les mots ne venaient pas, et les larmes s'amassaient au coin de ses paupières s'en jamais en dépasser le seuil.

Le silence restait sa meilleure option. Et elle se murait dedans.

Caelum finit par faire un pas dans sa direction, s'éclaircissant la gorge. Il la fixait depuis plusieurs minutes déjà. Même perdue dans ses pensées, elle avait remarqué qu'il avait ouvert plusieurs fois la bouche, sans pour autant réussir à parler.

« Iema, ce n'est pas ta faute. » déclara-t-il soudainement.

Avec difficulté, elle détacha son regard de l'endroit où la silhouette de Nael s'était évanouie pour croiser le sien. Immédiatement, elle se noya dans ces iris ambrées. Son cœur se mit soudainement à accélérer. Comme un écho, les mots qu'il lui avait hurlé, face à la tempête de son propre esprit, lui revinrent brusquement. C'est pour ça que je suis tombé amoureux de toi...

Elle se souvenait de tout.

« Ne prétends pas le contraire juste pour diminuer ma douleur. »

Elle se souvenait de chacun de ses mots. De chacune de ses phrases. De chacune des émotions qui avaient traversé son visage. Iema n'avait pas encore eu le temps de réfléchir à ce qu'il avait dit. Elle n'avait même pas eu le temps de réfléchir à ce qu'elle ressentait. Dans sa tête, encore et toujours la tempête. Et les grognements sourds de la dragonne au fond de son cœur.

« J'ai craché ces flammes, Iema. Pas toi. » reprit Caelum. 

D'IRE ET DE BRAISES - Tome 1 : le parchemin sacréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant