CHAPITRE 1 (1/3)

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CAELUM

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CAELUM

Brusquement, Caelum ouvrit ses yeux.

A l'endroit où il aurait dû reconnaitre le contour familier de sa chambre à coucher, il ne décela cependant que de l'obscurité. D'habitude, en plus de la lumière timide des astres, il y avait toujours le rougeoiement des bougies pour guider ses pas. Plus étrange encore, le silence était omniprésent. Il n'entendait ni le chant des oiseaux, ni les chuchotements des servants, ni les frivolités des courtisans. Il finit par se rendre à l'évidence. Il n'était pas plus dans sa chambre qu'il ne s'était réveillé.

Cela faisait pourtant des mois qu'il n'avait plus refait le moindre cauchemar. Il avait même réussi à se débarrasser de la peur étouffante qui le traversait au moment de fermer les yeux. Naïvement, il avait pensé que sa culpabilité le laissait enfin en paix. Il s'était trompé.

L'obscurité s'était brusquement levée. Intrigué, il se releva lentement, d'abord sur un coude, et observa l'endroit où il se trouvait. Il était toujours au château. Mais son cœur se serra douloureusement lorsqu'il reconnut l'endroit. La petite cour intérieure n'avait pas changé depuis la dernière fois où il y était allé, à l'exception du grand arbre qui surplombait ladite cour. Avant, il abordait un magnifique manteau de feuillage carmin. Désormais, pas une feuille ne tapissait l'arbre, et le tronc calciné se tordait, démuni, face à un ciel désinvolte.

Caelum n'était plus retourné dans cette partie du château depuis l'incident, mais il était évident que son cauchemar choisirait cet endroit pour le hanter. Étrangement, le sol poussiéreux était recouvert d'une pellicule blanche. Le jeune prince bascula en avant, en position assise, tendit le bras et referma sa main dans la poudre nacrée. De la neige, réalisa-t-il en ouvrant ses doigts. Il ne se souvenait pas de la dernière fois qu'il avait vu de la neige à Grim.

Un grondement sourd attira son attention. Il tourna brusquement la tête, et il réprima un sursaut de terreur. Non. Un énorme dragon se reposait contre l'arbre au milieu de la cour. Pas lui. Son corps tout entier était recouvert d'écailles foncées, et le soleil se complaisait à essayer d'y trouver des reflets bleutés. Pitié. Caelum était tétanisé, incapable d'esquisser le moindre mouvement. D'un côté, il avait envie de prendre les jambes à son cou et d'aller se cacher très loin d'ici. Cependant, il risquait bien de réveiller le monstre avec ses mouvements paniqués. D'un autre côté, il n'avait pas forcément envie d'être là au moment où le dragon se réveillerait.

Au moment où cette pensée effleura son esprit, il était déjà trop tard. Un grondement plus sourd se fit entendre, et le corps du dragon se déplia lentement. Une première pupille s'ouvrit, dévoilant un regard doré, puis une deuxième. Le jeune prince n'esquissa pas un seul mouvement, mais les deux yeux du dragon se tournèrent presque immédiatement vers lui.

« Petit humain. » gronda-t-il, tout en s'étirant pour surplomber le jeune homme.

Ce dernier se rendit compte qu'il avait retenu son souffle pendant toutes ces longues secondes, et il reprit avidement une bouffée d'air.

« Drakkan. »

Il n'avait plus revu son dragon depuis des années. Depuis l'incident, à vrai dire. Enfant, son père lui avait appris à maitriser sa peur, à contrôler son pouvoir et à dominer la créature. Mais depuis ce jour fatidique, il n'avait plus réussi à refouler la peur qui s'insufflait jour après jour dans son corps. Il réalisait maintenant qu'il ne serait jamais plus capable de dominer le dragon, encore moins de contrôler son pouvoir. Il avait été naïf de croire un jour pouvoir y arriver.

« Pourquoi as-tu peur, petit humain ? Tu sais très bien que je ne peux pas te faire de mal. »

Caelum le savait très bien, mais il ne pouvait pas empêcher la peur d'infester toutes les cellules de son corps. Drakkan était devenu tellement imposant ! Même le soleil ne semblait plus vouloir jouer avec le reflet de ses écailles, caché derrière son nuage. Le jeune prince avait pensé qu'en arrêtant d'utiliser sa capacité de Draig, son dragon finirait par mourir à petit feu, à l'intérieur de lui, mais il s'était trompé. Ce n'était pas le pouvoir qui l'avait nourri, mais sa terreur.

« Je n'ai pas peur de toi. »

J'ai plutôt peur de moi, tenta-t-il d'ajouter, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge. Il ne se convainquit d'ailleurs pas lui-même.

« Tu peux te mentir à toi-même, mais pas à moi, petit humain. »

Un grognement s'échappa de la gueule de Drakkan, que Caelum imagina être un rire. Pas besoin de parler dragon pour comprendre que la bête ne le croyait pas plus qu'il n'y croyait lui-même.

« Je suis venu te donner un avertissement. » reprit le dragon, déployant ses ailes pour les étirer. « Quelque chose est en train de se passer. Quelque chose de mauvais ... Quelque chose que seul toi et moi sommes en mesure de stopper et ... »

Caelum bondit sur ses pieds. La peur s'embrasa brusquement, lui donnant un sursaut de confiance. 

« Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi ! »

Il s'en était fait la promesse le jour de l'incident. Plus jamais n'utiliserait-il les pouvoirs que Drakkan lui conférait.

« Ne sois pas ridicule ! Tu ne peux pas brider le pouvoir qui sommeille en toi, mon pouvoir ! Tu ne peux pas passer ta vie à t'enfuir. »

Le dragon s'était entièrement déployé, levant ses ailes haut dans le ciel, plongeant la cour dans l'obscurité. Mais Caelum n'était plus tant impressionné. Drakkan avait raison sur un point. Il ne pouvait pas l'attaquer. Il ne pouvait pas le tuer. Et tant que Caelum garderait le contrôle de lui-même, la créature n'avait aucun moyen de s'échapper de sa prison dorée. 

« Si, je peux. »

Seulement, le prince arriverait-il à garder le contrôle de lui-même ? Il avait échoué, une fois ... 

Caelum décida de profiter de la confiance qui gonflait encore son cœur et il lui lança un regard noir à Drakkan. L'instant d'après, il faisait volte-face. Il s'enfila alors aussi rapidement que possible dans un étroit couloir, afin que le dragon ne puisse pas le suivre. 

Son cœur battait la chamade. La peur recommençait peu à peu à injecter dans ses veines son ultime poison. Caelum avait beau essayer de garder une démarche assurée, mais ses jambes commençaient à trembler, ses dents à claquer. Il était tellement ... faible. 

« Ne vois-tu donc pas ce que tu t'infliges à toi-même, Caelum ?! » gronda le dragon dans son dos.

Il entendit des grands bruits de pas derrière lui et il sentit la terre trembler. Un filet de sueur froide lui descendu entre les omoplates. Drakkan ne peut pas me suivre, Drakkan ne peut pas me blesser, se répétait-il sans cesse, fermant les yeux comme s'il pouvait contrôler son rêve et se réveiller. Lorsqu'il atteignit enfin un couloir adjacent, qui menait en direction à sa chambre, il abandonna immédiatement sa pseudo-confiance et sa démarche assurée. Il se précipita vers la porte qu'il voyait au loin, avec la désagréable impression que la distance s'agrandissait à chaque fois qu'il faisait un pas.

« Caelum ! » hurla une dernière fois le lézard géant, faisant trembler les murs.

Le jeune prince crut qu'il allait se consumer sur place. Il se jeta sur la porte comme si sa vie en dépendait. Au moment où celle-ci claquait dans son dos, Caelum se réveilla brusquement.

Pour de vrai, cette fois-ci. 

D'IRE ET DE BRAISES - Tome 1 : le parchemin sacréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant