Peut-on renier les pouvoirs que nous possédons depuis la naissance ?
Caelum est le prince héritier du royaume de Grim. Et comme chaque membre de la famille royale, il est également un Draig. Il a le pouvoir de se transformer en dragon ou d'en utili...
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DONOVAN
Sous le poids des débris, il perdit l'équilibre et son menton rencontra le sol. Immédiatement, une douleur sourde lui martela les tempes et il faillit perdre connaissance. Au lieu de céder à l'inconscience, pourtant, il se concentra sur le goût métallique dans sa bouche. Il saignait. Encore. En tombant, il s'était mordu la langue. Il recracha le sang sur le côté.
Le Parchemin était juste là ! Sous ses yeux ! Devant lui ! Il n'avait qu'à tendre la main et ... Ses doigts étaient trop courts. Il était trop loin. Putain, pesta-t-il à nouveau. Le craquement des flammes se rapprochait dangereusement. Bientôt, ces dernières l'avaleraient tout entier. Ainsi que le Parchemin Sacré. Puisant dans sa force intérieure, Donovan essaya de se dégager des décombres en poussant sur ses bras. Les décombres résistèrent, et il se laissa retomber contre le sol en poussant un soupir de fatigue.
Il n'arriverait à se dégager à temps ... Et il ne sauverait pas le Parchemin Sacré.
Il allait mourir, seul, comme il l'avait toujours mérité.
« Donovan. »
Il tressaillit brusquement. Cette voix, il la reconnaissait. Comme un automate, il tourna la tête dans cette direction. Son cœur explosa de douleur lorsqu'il reconnut la silhouette au milieu des flammes.
« Stikla. » murmura-t-il, la voix enrouée.
Elle était aussi belle que dans ses souvenirs. Grande et fine, elle avait toujours été la plus jolie des trois. Rusla l'avait toujours détestée à cause de cela. Au contraire, Donovan n'avait jamais été jaloux de sa sœur. À chaque fois qu'il la regardait, il retrouvait le sourire de sa mère dans le sien. Mère lui manquait tellement. Et Stikla aussi.
Et dire qu'elle était morte par sa faute ...
Une violente nausée le secoua, et il ferma les yeux pour la contenir. Quand il les rouvrit, sa sœur se tenait toujours là. Ses cheveux, aussi blancs que ceux de Donovan, bouclaient magnifiquement autour de son visage fin. Ses deux iris, du bleu des lacs gelés, le fixaient sans discontinuer. Ses lèvres ourlées étaient étirées en ce fin sourire qu'il connaissait que trop bien. Celui de ses souvenirs. Une goutte d'un liquide froid et transparent tomba contre le dos de sa main, et il baissa les yeux. Une deuxième la rejoignit. Puis une troisième.
Il pleurait.
Donovan n'avait pas pleuré depuis la nuit des temps. Pourtant, face à sa propre vulnérabilité, face à ces propres hallucinations, il laissait enfin exploser sa véritable sensibilité. Il ne pleurait pas que pour Stikla. Il pleurait pour toutes ses vies qu'il avait volé. Il pleurait pour Iema, dont l'humanité avait été arrachée.
« Je suis désolé, Stikla. Je suis tellement désolé. »
Mais le visage de sa sœur se fondait déjà dans les flammes. Non, ne pars pas ! Il voulait hurler, l'empêcher de s'en aller, mais il n'avait plus la force de parler, de respirer, de bouger. Il sombrait. Dans le sillon de l'ombre de Stikla, pourtant, une autre silhouette se dessina.
« Donovan. »
Son corps se tendit entièrement lorsqu'il reconnut la voix de Zoia. Elle était ici. Elle était revenue le chercher, n'est-ce-pas ?
« Zoia ... Zoia, tu es là ? »
Mais son visage était trouble. Donovan réalisa alors qu'elle n'était pas vraiment là. Qu'elle ne le serait plus jamais. La douleur s'inséra dans son cœur. Les larmes, sur ses joues, redoublèrent. Il avait failli à sa tâche. Quand il avait rencontré la jeune femme, il s'était promis de la protéger comme il n'avait pas pu protéger Stikla. Il avait failli à sa tâche. Bon sang, il se sentait misérable. Il avait perdu sa deuxième sœur.
Son cœur ne se remettrait jamais de cette douleur.
Pourtant, le visage fantomatique de Zoia ne reflétait pas de colère, ou de déception. Brillaient dans ses iris cette détermination qu'il lui connaissait bien. Cette étincelle, similaire à celle qu'il avait déclenchée, bien des années plus tôt, dans cette maison délabrée. Ce fut le déclic.
Il ne mourrait pas. Pas comme ça.
Il passerait la nuit. Puis, pourquoi pas quelques semaines. Et quelques mois supplémentaires. L'avenir était incertain. La seule conviction qui l'animait désormais était sa volonté de ne pas céder.
« Sauve-moi, Donovan. » souffla Zoia.
Sa voix flutée caressa la joue de Donovan. Ces quelques mots avaient eu le mérite de lui redonner son souffle. Maintenant, il se sentait invincible. Zoia avait besoin de lui. Il ne devait pas abandonner maintenant, pas alors qu'il pouvait encore la sauver.
Un hurlement de douleur lui échappa lorsqu'il poussa à nouveau sur ses bras. Ses biceps semblèrent exploser, et ses os s'entrechoquèrent. Mais il n'arrêta pas pour autant. Il persisterait. Il ne serait pas le premier à céder. Avec l'énergie du désespoir, il réussit finalement à trainer son corps hors des décombres. Il ne sentait plus sa jambe droite. Son torse brûlait. En baissant les yeux, il remarqua avec horreur que des langues de feu lui remontaient le long de la peau. Avec empressement, il étouffa les flammes avec ses doigts, réprimant à peine ses jurons de douleur.
Une fois certain qu'il ne s'embraserait pas subitement, il se précipita vers le Parchemin Sacré. Sa jambe céda sous son poids, et il se rattrapa de justesse à une table renversée. Les mâchoires serrés, il se releva. Le Parchemin était juste là ! Il tendit la main, et ses doigts se refermèrent avec soulagement autour du papier froissé.
Immédiatement, il le retourna plusieurs fois dans ses mains. Intact.
Le Parchemin Sacré avait miraculeusement survécu aux flammes.
Restait encore à le sortir de la pièce... Donovan se retourna en direction du chemin qu'il avait emprunté auparavant. Ce dernier était désormais jonché de débris. Il devait trouver un autre chemin. Précautionneusement, il rangea le papier dans la poche de sa chemise, et se précipita vers les grandes fenêtres. Enfin, se précipiter était un terme exagéré. Sans sa jambe droite, le colosse de glace n'eut pas d'autre choix que de se laisser trainer. Pourtant, la panique le saisit bien vite. Il ne trouvait pas de sortie ! Elles avaient toutes été condamnées par les effondrements du toit ! Il s'arrêta subitement, un étrange sentiment le saisissant. Ces poumons criaient grâce depuis quelques minutes déjà. S'il ne se dépêchait pas, il sombrerait alors bientôt dans l'obscurité...
Et avec lui le Parchemin Sacré.
Brusquement, une idée surgit dans son esprit. Fiévreux, il s'approcha de ce qu'il imagina être un mur derrière les débris, et tendit l'oreille. Pas un son, hormis la mélodie des flammes. Il se traina un peu plus loin, et contourna quelques débris. Devant lui, un nouveau pan de mur. Donovan s'approcha précautionneusement. Derrière ce dernier, il entendait soudainement le hurlement des dragons et les bruits des combats.
Ses amis étaient là, juste derrière ! Il lui suffisait juste de ... traverser le mur pour les rejoindre.
Alors, Donovan traversa.
Comme un animal sauvage, il se mit à marteler le mur. Ses poings laissèrent des trainées ensanglantés à chaque endroit où il frappait. Heureusement pour lui, et pour la chair de ses doigts, les parois déjà fragilisés du bâtiment cédèrent après quelques coups de plus. Quand une ouverture se dégagea, il plongea vers la sortie. Il chuta dans la cour, et accueillit avec bénédiction les bouffées d'airs frais. Des points noirs dansèrent dans son champ de vision. Son corps entier le faisait souffrir. Les limbes de feu avaient laissé sur sa peau la trace de leurs passages, et le vent s'amusait à taquiner ses blessures à vif.
Donovan n'avait plus la force de lutter. Il était épuisé. La douleur l'assommait. Il n'avait qu'une envie : céder.
« J'ai ... le parchemin ... » marmonna-t-il à l'intention de la silhouette qui approchait.
Il sombra dans l'inconscience, sans même réussir à reconnaitre le visage de l'homme.