CHAPITRE 29 (1/2)

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DONOVAN

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DONOVAN


Il n'était pas encore entré dans la salle de réception qu'un filet de sueur se formait déjà, comme une fine pellicule moite, sur sa peau. Les petites perles salées glissaient le long de sa nuque pour aller taquiner le creux de son dos. Donovan détestait cette sensation. Enfant de l'hiver éternel, il avait appris à vivre dans un monde dénudé de chaleur. Sa peau, aussi épaisse et dur que du cuir, restait insensible aux morsures glacées. La caresse des flammes, paradoxalement, était ce qu'il redoutait le plus.

À cette pensée, un souvenir survint brusquement dans son esprit. Il se laissa envahir, sans avoir la force de le repousser.

Immédiatement, le vent glacé l'accueillit, s'écrasant sur ses joues rosies. Il se trouvait dans la maison délabrée de ses parents. Il tendit le bras en avant, accueillant quelques flocons dans la paume de sa main. La lune, à travers les trous dans le toit, lui lançait un regard miséricordieux. Dehors, l'hiver hurlait. Ses vociférations s'introduisaient dans le corps de Donovan, ankylosant chacun de ses muscles. Encore quelques minutes dans le froid, et il ne pourrait bientôt plus bouger.

Un gémissement attira son attention, et il tourna les yeux vers l'arrière de la pièce.

Ses deux sœurs étaient là. La plus petite, Stikla, était pressée contre le mur. Ses deux bras entouraient faiblement son frêle corps. Elle tremblait. Devant elle, l'ainée frottait avec l'énergie du désespoir deux morceaux de bois ensemble, espérant déclencher une étincelle. Rusla ne faiblissait pas. La détermination se lisait dans son regard. Donovan resta, quelques instants, immobile, nez sous les flocons, avant de faire un mouvement en avant. Il se hâta en direction de ses sœurs. Même s'ié était transi par le froid, cela ne l'empêcha pas de détacher le haillon qui lui servait de veste et de l'entourer autour de Stikla. Cette dernière lui adressa un petit sourire, auquel il ne répondit pas.

Puis, il s'approcha de Rusla.

« Il faut faire comme ça. » déclara-t-il en s'emparant des deux morceaux de bois.

Faire un feu relevait de l'art à Fraolia. Pourtant, Donovan était passé maitre dans la technique. Si on n'y mettait pas d'espoir, de détermination, alors le secret des flammes ne se révèlerait pas. Il fallait rester concentré sur chaque respiration, sur chaque mouvement. D'une impulsion de la tête, il indiqua à sa sœur de venir regarder. Rusla vint se presser contre lui, cherchant un peu de sa chaleur. D'un geste expert, il se mit à frotter les deux morceaux de bois au-dessus des brindilles sèches qu'ils avaient recueillis. Le secret du feu se révèlerait-il à eux, ce soir-là également comme il l'avait fait tous les soirs précédents ? Donovan l'espérait. Face à l'hiver infernal, ils ne passeraient pas la nuit.

Il se demandait d'ailleurs comment ils avaient fait pour survivre jusqu'à maintenant. Le jeune garçon ne se souvenait plus depuis combien de temps ces parents étaient morts. Quelques jours ? Quelques semaines ? Quelques mois ?

Il jeta un coup d'œil à leurs dépouilles, de l'autre côté de la pièce. Difficile d'estimer. Le froid les conservait trop bien, et les yeux du Père, figé sur Donovan, semblait critiquer chacun de ses mouvements. Un étrange sentiment lui saisit la gorge. Comment osait-il le juger du regard alors qu'il s'évertuait à tout faire pour sauver ses sœurs. Donovan, lui, ne cèderait pas à la mort, même si son appel était fort.

« Ça marche ! Donovan, ça marche ! »

Une étincelle avait jailli de ces frottements. Enfin, le feu se révélait. Donovan adressa un regard rempli de fierté au cadavre de son père. Ils survivraient quelques soirées de plus. Peut-être même quelques semaines de plus. Ou quelques mois. Mais il ne se projetait pas autant. Perdu au cœur de la tempête, il était impossible de se projeter. L'avenir était incertain. La seule certitude qui l'animait était sa volonté de ne pas céder.

Il ne mourrait pas. Pas comme ça.

Une chaleur lui embrassa soudainement les doigts, et il sursauta brusquement. Le souvenir s'évapora devant ses yeux, et la réalité le frappa brutalement.

« Donovan !! »

La voix de Nael, derrière lui, était avalée par les flammes. Il ne se retourna, cependant, pas. Face à lui, l'incendie hurlait, à l'instar de cet hiver dont il se souvenait que trop bien. Pourtant, il ne recula pas. Fort de ses convictions, il plongea dans les flammes. Ces dernières lui chatouillèrent la peau, et il serra les mâchoires pour ne pas céder à la douleur. La réalité demandait toute sa concentration. Pas question de céder à une quelconque distraction. Maintenant qu'il avait pénétré dans le bâtiment, il ne lui restait plus qu'à retrouver le Parchemin Sacré.

Ce qui s'annonçait compliqué...

La salle était presque méconnaissable. Les tables du buffet avaient été renversées. La vaisselle gisait par terre, brisée. Les aliments avaient été dispersés, piétinés dans la panique. Mais Donovan n'accorda que très peu d'attention à ce triste gaspillage. Dans ses souvenirs, le Parchemin Sacré avait été exposé aux yeux de tous, sur la scène où Faure avait donné son discours. Le colosse de glace se précipita dans cette direction, évitant avec agilité les pans de bâtiments qui s'effondraient. Dans la pièce régnait une chaleur insupportable. Il avait de la peine à respirer. La fumée ocre s'insinuait dans ses poumons jusqu'à les faire hurler. Il n'avait plus beaucoup de temps. Pourtant, lorsqu'il s'approcha de la scène, son cœur s'arrêta subitement.

La cage de verre où le Parchemin avait été conservé était brisée sur le sol. Donovan s'approcha, et les mains tremblantes, fouilla avec rapidité parmi les tessons. Sous la caresse de ces derniers, la pulpe de son pouce explosa, maculant le reste de ses doigts de liquide carmin. Il poussa un juron. Sa tête tournait. Ses poumons implosaient.

Et il ne trouvait pas le Parchemin.

« Putain ! » s'énerva-t-il en se relevant pour donner un coup de pied dans les tessons.

Un éclat attira alors son attention. Un des morceaux de verre étaient retombé vers le buffet dévasté. Là-bas, une petite ombre verte tâchait le sol. Le parchemin, réalisa Donovan. Sans attendre, il bondit dans cette direction.

Cependant, sa course s'interrompit brusquement lorsque le toit s'effondra sur lui. 

D'IRE ET DE BRAISES - Tome 1 : le parchemin sacréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant