L'Esprit des Fées

Chapitre 29

PDV Extérieur

Alan descend les escaliers puis va rejoindre Liron, toujours allongé sur le canapé-lit. Il est exactement dans la même position qu'au matin. Jason a changé ses vêtements et ses bandages, il n'y en a d'ailleurs plus autour de ses mains, des cicatrices sont visibles mais elles semblent assez légères. Le traitement que lui donne Jason est vraiment efficace. 

Alan s'assoit au sol. Il fixe du regard la main du sorcier qui repose sur le lit à côté de lui. Il hésite à la prendre, de peur de lui faire mal. Il avance donc lentement sa main et frôle celle de Liron. Ne voyant aucun signe de souffrance, il glisse ses doigts juste à côté pour ne pas créer de pression dessus tout en le touchant tout de même.

Il attend dans cette position pendant plusieurs minutes, se remplissant de la présence du blessé, il lui manque tellement. Alors il commence à lui parler d'une voix douce.

- Tu sais, je m'en veux énormément pour ce que je t'ai fait. Alors j'ai pris la décision de m'entraîner pour apprendre à me contrôler. J'ai découvert une jolie clairière avec un ruisseau et du coup aujourd'hui j'ai renoué avec ma nature de fée. Et puis d'un seul coup mes émotions ont commencé à déborder et je ne pouvais plus contrôler mon pouvoir. J'ai essayé de m'apaiser mais rien n'y faisait, même penser à Eloa ne suffisais pas. Et tu sais ce qui m'a calmé ? Il lui parle comme s'il allait lui répondre. Toi, ton visage, tes yeux, ta voix, les moments que nous avons partagé. C'est toi qui me permets de rester connecté à la réalité. Grâce à toi je ne me suis pas perdu. Merci d'être là Liron. Je sais que tu ne veux pas être cette deuxième âme dont nous avons besoin. Mais si tu es honnête avec toi, tout concorde pour que tu le sois. Entre notre rencontre par deux fois quand nous nous sommes téléportés, ce lien que tu as si rapidement créé avec Eloa au point de pouvoir la toucher sans gants, et puis ce lien entre nous deux. Je comprends que tu aies peur de tes pouvoirs que tu ne connais et ne maîtrise pas. Pour moi aussi c'est difficile, je dois faire avec toutes ces informations, ces pouvoirs, mais je fais avec, même si j'ai eu de mal à m'y faire. Et depuis que je te connais, je sais que si quelqu'un peut réussir à surpasser tout ça, c'est bien toi. Tu es courageux, tu as su dépasser tous les obstacles qui se sont dressés devant toi. Tu t'es retrouvé seul, mais tu as réussi à te relever. Tu es quelqu'un de bien. Je connais peu de gens qui auraient accueilli un homme et un enfant qu'il ne connaissait pas pour les soigner et les sauver. Je le sens au fond de moi, mon instinct me le crie. C'est toi, c'est une évidence, c'est toi.

Pendant tout son monologue les deux mains sont restées collées l'une à l'autre. Alan a parlé calmement, d'une voix posée mais passionnée. Même si Liron ne l'entend pas, il avait ce besoin de lui dire ce qu'il a sur le cœur. D'ailleurs, c'est certainement parce qu'il ne l'entend pas qu'il a pu se confier.

Il a l'impression d'être vidé de toute son énergie après ces aveux. Il n'a pas envie de quitter le sorcier, alors il décide de s'allonger sur le sol, à côté du lit. Le sommier de celui-ci étant bas, ils se retrouvent presque côte à côte. Il se place sur le flan, tourné vers Liron pour pouvoir observer son visage paisible. Il s'endort rassuré par sa présence.

Ce qu'il ne voit pas, c'est qu'une fois que sa respiration s'est ralentie sous l'effet du sommeil, des larmes coulent sur les joues de Liron.

PDV Liron

Une douce voix me sort de ma torpeur. Je reconnais cette voix, mais au début ne comprends pas les mots. Depuis ce matin je flotte dans une semi-conscience. Je sais que Jason me donne ce qu'il faut pour ne pas souffrir mais je lutte malgré tout pour me rendre compte de ce qu'il se passe autour de moi ne supportant cet état. C'est pourquoi je lui ai fait comprendre ce matin de diminuer un peu les doses pour me laisser un peu de conscience, me rendant seulement somnolent.

Je reconnais la voix d'Alan, je sais qu'il est venu me voir ce matin, j'ai senti sa présence, je l'ai entendu me parler mais n'ai rien compris à part la détresse dans sa voix, ce qui m'a brisé le cœur. Le connaissant, je sais qu'il se sent coupable de ce qu'il s'est passé, mais je ne lui en veux pas. C'est à moi que j'en veux et à ma manie de vouloir toujours m'isoler pour me protéger. Et du coup je rejette tout le monde.

Le son de sa voix me fait du bien, il semble plus calme et serein que ce matin. Je me concentre sur ses paroles gardant les yeux fermés. J'ai peur que s'il voit que je l'entends, il ne s'arrête, interrompant ses confidences. Et je sens que pour lui comme pour moi ce moment est important.

Je l'entends me raconter son entraînement, ses paroles sont tellement douces à mes oreilles quand il me dit que c'est grâce à moi qu'il a réussi à se contrôler. Puis je l'entends me dire ce qu'il pense de moi, je sens sa main près de la mienne, j'aimerais tellement la saisir. Mais toujours pour la même raison, je ne le fais pas.

Et puis ce moment où il me dit qu'il sait que c'est moi, la deuxième âme, qu'il faut que je sois honnête avec moi-même. Et c'est ce que je fais, je pense à tous ces moments depuis que j'étais enfant, même si parfois ma colère prenait le dessus, je me suis toujours éloigné pour ne blesser personne. Quand je me suis fait chasser de la maison, j'ai préféré partir que de me battre. L'arrivée d'Eloa et Alan, je dois me rendre à l'évidence que ce ne peut être une coïncidence. Et puis cette foi qu'il a en moi, cette foi qui me donne envie d'y croire et qui me fait comprendre que si je ne veux pas y croire c'est de peur de souffrir.

Je sens la respiration d'Alan se ralentir, il s'est endormi. Alors je laisse les larmes que je retiens depuis qu'il a fini de parler. Et un sentiment fort gonfle ma poitrine, pour la première fois depuis longtemps, je sens que quelqu'un me fait confiance et ça me donne de l'espoir.

Oui je risque de souffrir, mais si je ne le fais pas, ce sont les autres qui vont souffrir, voir pire. Et s'il y a bien une chose que je refuse c'est qu'il arrive quelque chose aux personnes que j'aime, Grand-mère, Jason, Eloa et Alan. Ces quatre personnes qui ont pris une place énorme dans ma vie en quelques semaines.

Avec un peu de difficultés mais moins que ce que j'aurais cru, je me mets sur le côté, tourné vers Alan. Le pouvoir de Jason pour tout ce qui est soin est vraiment efficace. En deux jours, mes blessures sont presque entièrement guéries à part celles du dos.

J'observe le visage d'Alan qui s'est tourné vers moi, il semble calme et détendu. Je tends la main vers son visage, j'hésite un instant de peur de le réveiller. Finalement je passe ma main doucement dans ses cheveux, ils sont d'une douceur. 

- Merci de me faire confiance, je murmure. J'accepte enfin ce que je suis et c'est grâce à toi, merci.

Une émotion puissante me saisit quand je le regarde, il semble si fragile. Et si je continue à être honnête avec moi-même, cette émotion que je ressens pour la première fois. Je sais ce que c'est et même si elle me fait un peu peur tellement elle est forte, je dois me rendre à l'évidence.

Tout ce que je ressens depuis que je l'ai rencontré me pousse à cette évidence.

Et pour la première fois depuis très longtemps, je suis heureux. Je suis complètement et follement amoureux d'Alan.

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