Notre valse en trois temps - tome 2 - Et si

Chapitre 12 - Ashley

Ma nuit fut aussi chaotique qu'elle fut douceur. À mon réveil, mon corps contusionné n'était qu'un amas de bleus qui d'ici quelques jours virerait en une couleur plus sombre. Une façon bien cruelle de me rappeler ma chute et surtout les raisons m'ayant conduite à perdre pied sur ces marches d'escalier. Quant à mon esprit, eh bien disons qu'il basculait à petit pas vers la folie. Finalement, découvrir la correspondance entre Jacob et Catherine, son décès ainsi que tous les bouleversements de l'année dernière, la déferlante de sentiments qu'ils avaient provoqué, tout cela n'était rien comparativement à ce que j'avais lu dans le journal intime de Lyly. Aussi brutale soit-elle, ma mère m'avait laissé la vérité. Celle que Jacob s'était évertué à garder dans l'ombre.

Maintenant, je connaissais les raisons qui l'avaient poussée, un an plus tôt, à mettre fin à ses jours. Mon Dieu, repenser à tout cela allait finir tout bonnement par entraîner la combustion de mon cerveau.

Ces dernières révélations s'étaient muées dans mes rêves, s'entrecoupant avec des souvenirs de mon enfance dont je ne serai dire s'ils représentaient mon passé ou juste le reflet de mes désirs de petite fille.

La seule constante m'empêchant de sombrer dans un cauchemar avait été Jack. Comme une douce ombre à mes côtés, il avait veillé sur moi. Quand mes angoisses tentèrent de se matérialiser dans mon sommeil grâce à une main posée sur ma nuque ou à ses doigts se mêlant aux miens, il avait empêché que mes secrets de famille ne me hantent.

Assise sur mon lit, le dos calé contre un oreiller, je tentai de finir mon déjeuner. Penser à Jack rendait le goût de ce fromage blanc moins exécrable. Il détenait également ce pouvoir et vu les cris de mon estomac, c'était appréciable. Cet homme était ma boule d'oxygène. Alors lorsque ses traits emplis d'angoisse m'étaient revenus en mémoire, mon cœur s'était serré douloureusement. Je n'avais que de vagues souvenirs des événements survenus à la suite de ma chute, mais les plus important m'étaient restés en mémoire. Ses larmes se mêlant aux miennes, ses lèvres se pressant sur mon front, et ces deux mots Mon amour. Il les avait prononcés à plusieurs reprises. Pas comme une déclaration enflammée, mais juste comme une caresse impalpable pour me rappeler que je n'étais pas seule dans ce combat. Ces deux petits mots que j'aurai dû détester entendre avaient éclairé le tunnel obscur dans lequel j'essayai en vain de me relever. L'inquiétude dans ses gestes, dans sa voix... J'éprouvais un sentiment de honte, non pas pour l'état de faiblesse dans lequel il m'avait trouvé, mais pour tout ce qu'il avait dû endurer par ma faute.

La venue de mon chirurgien en compagnie de mon patron, le chef de la chirurgie cardiaque, coupa court à mes réflexions. L'arrivée de cet homme chauve de petite taille aux mains robustes avec mon Michael-Ange n'était guère de bonne augure. Plus d'une fois à la cafétéria, j'avais croisé le docteur Beket, mais à l'exception de quelques signes de tête pour le saluer, nous nous étions tout juste adressés la parole, depuis le commencement de ma résidence. Les nouvelles qu'il m'apportait, n'étaient pas resplendissantes. Six semaines d'immobilisation assorties de l'impossibilité d'opérer. Sans compter la période de rééducation.

En dépit de tous mes arguments pour faire changer d'avis ces deux hommes à l'allure diamétralement opposée, l'accès à l'hôpital m'était strictement interdit tant que ma jambe serait plâtrée. Mon calvaire n'aurait pu être pire. Il fallait que cette merde me tombe dessus alors que la place de chef des résidents était en jeu. En plus, je pouvais compter sur mes vautours de collègues pour tenter de briller en mon absence. Cette place me revenait, j'avais travaillé trop dur pour l'obtenir et présente ou pas, je restais le meilleur élément du docteur Chang.

— Alors verdict? demanda Jack en faisant son entrée juste après le départ des deux chirurgiens.

Mes narines furent attirées par la une douce odeur de nourriture qui s'échappait du sac que Jack avait apporté.