Chapitre 27 - Ashley

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02 Aout 2012

J'étais sur le point de me transformer en tueuse professionnelle. Et quoi de mieux que d'infliger d'atroces souffrances à la personne qui se jouait de ma patience. Voilà plus d'une heure que j'attendais, assise sur un lit d'hôpital que l'assistant médical daigne s'occuper de moi. Ce charmant monsieur me faisait poireauter mettant à mal mon degré de politesse. Aujourd'hui devait être mon jour de libération, si la radio de ma jambe montrait l'absence de lésions, alors je pourrais définitivement être débarrassée de ce plâtre et ainsi reprendre ma vie d'avant. M'épuiser à l'hôpital pour ne plus songer à Jack. Oublier jusqu'à son nom. Enlever de ma mémoire l'odeur de sa peau, le goût de ses baisers.

J'émis un profond soupir qui me valut un regard en coin de Catherine. Elle était assise en face de moi faisant semblant d'être plongée dans son roman. Mais même à la dérobée, son regard ne trompait pas. Depuis mon retour, en dépit de ses tentatives, elle ne parvenait pas à cacher son inquiétude. Pour sa défense, mon comportement de ces derniers jours ne permettait en rien de la rassurer. Peu enclin à toute forme de discussion, je mettais recroquevillée, gardant sous silence les motifs de mon départ précipité de New-York. Dès que le prénom de Jack franchissait la barrière des lèvres de Catherine, j'esquivais automatiquement toutes explications. Aborder le sujet de la fin de ma relation serait comme verser de l'acide sur une plaie toujours vive et je n'étais pas prête à m'infliger ce sort.

Jusqu'à présent, Catherine avait gardé pour elle ses interrogations. Elle respectait mon mutisme, et je l'en remerciais. Après tout, comment lui avouer la vérité? Comment lui dire que j'avais renoncé à Jack, à sa famille et à cette part de bonheur que j'entrevoyais avec lui? J'étais partie comme s'il n'était qu'un trait de crayon que je pouvais effacer d'un coup de gomme. Pour éviter de me justifier, j'avais attendu qu'il s'en aille pour ouvrir les yeux. Puis pour être certaine de ne pas revenir sur ma décision, j'avais arraché Claire de son sommeil et moins d'une heure après, nous étions à l'arrière d'un taxi, direction l'aéroport. Dans ma fuite, je n'avais laissé aucune explication à Jack et depuis j'ignorais ses appels, ainsi que ses messages. Je me sentais incapable de lui parler car dans ma tête même si tout était embrouillé, je restais convaincue d'une chose; couper tout contact avec Jack était le meilleur moyen pour me sevrer de lui.

Mon intronisation dans la famille Hunter avait été l'étincelle. Entendre ces mots de la part d'Éric m'avait profondément troublée. Sans le savoir, ils avaient réveillé une peur sagement tapit dans un coin sombre de mon esprit. Elle attendait depuis plusieurs années de pouvoir à nouveau asseoir son emprise sur moi et d'insérer ses griffes dans ma chair jusqu'à ce que je m'effondre.

Bienvenue dans la famille.

Enfant, cette phrase, je l'avais déjà entendue chez les Edwonds, ma famille d'accueil. Le premier jour de mon arrivée, je fus reçue en grande pompe ; un barbecue à l'arrière de la maison en présence des plus proches voisins, de la famille et de certains collègues. J'eus même droit à la présentation de ma chambre avec son lit une place, sa grande banquette aux coussins roses et sa penderie remplie de jolies tenues très colorées. Qu'avais-je ressenti à ce moment-là? De la reconnaissance, une forme de sécurité, l'espoir d'avoir enfin trouvé un peu de stabilité émotionnelle.

Dommage que ce mirage n'ait duré que le temps d'une journée. Il aura suffit que les convives rentrent chez eux pour que ma nouvelle famille montre son véritable visage. Les humiliations, les réprimandes, les privations, tout cela allait être mon quotidien.

— Bon sang, s'égosilla Catherine, vas-tu finir par me parler!?

Le bruit sec de son livre se refermant se maria à merveille avec le ton de sa voix. Contrainte, j'abandonnai avec une certaine amertume, la contemplation de la ville ainsi que mes sombres souvenirs. La conversation qui s'amorçait, n'allait pas être des plus agréables. Catherine ne semblait plus être enclin à respecter mon voeu de silence et j'avais le pressentiment que mes entourloupes habituelles n'arriveraient pas à m'épargner cette discussion. Mais rien ne m'empêchait d'essayer une énième fois.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant