Chapitre 37 - Ashley

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Et dire qu'avant de mettre fin à ma conversation avec Frantz, le concierge de l'immeuble de Jack, je l'avais remercié chaleureusement. Quelle idiote! J'étais réellement la reine des Bécasses. En lui demandant de m'appeler pour me prévenir de l'arrivée de Jack, j'aurais dû lui préciser de m'indiquer s'il était accompagné ou non. Cela m'aurait évité cette gêne, cette envie de me terrer dans un trou sombre et humide. Frénétiquement, mes doigts essayèrent de défaire la boucle métallique retenant les menottes à mon poignet, mais mes tremblements rendaient la tâche impossible.

Pourtant jusqu'alors tout se déroulait à la perfection. Aux premières lueurs du jour, ma garde terminée, j'étais rentrée à l'appartement où m'attendait Claire dont l'excitation était à son paroxysme. Afin de faire honneur à la lingerie hors de prix qu'elle m'avait conseillé d'acheter, elle avait fait appel au trio de choc : Coiffeur, esthéticienne, et maquilleur. En tant que bienfaitrice de mon couple comme elle aimait à me le rappeler depuis que Jack et moi nous nous étions remis ensemble, ma meilleure amie voulait que je sois parfaite pour notre séance coquine. Sans scrupule, elle ne m'avait accordé que deux heures de sommeil avant de me livrer aux mains expertes de ses complices relooking.

Les doigts d'orfèvre de Cley, le maquilleur, n'avaient pas uniquement sublimé mon regard, ils l'avaient rendu hypnotisé m::que. Tout comme les sirènes d'Ulysse charmaient les marins qui entendaient leurs chants, mes yeux émeraudes envoûtaient tout être qui les contemplait. Le savoir-faire de mon maquilleur ne s'était pas arrêté là. Après avoir illuminé ma peau avec une huile pailletée au parfum délicat de fleur de tiaré, à l'aide d'un pinceau, il avait peint le long de mon avant-bras jusqu'à mon annulaire gauche, un tatouage éphémère à la feuille d'or représentant une liane fleurie. Quant à mes cheveux, Miguel avait opté pour une coiffure plaquée en arrière. Selon Claire, cela me conférait l'allure d'une beauté intouchable, et les hommes s'agenouillaient face à de telles femmes. Mais je m'en moquai, car il n'y en avait qu'un dont je voulais faire plier le genou.

Comme une lionne veillant sur son petit, Claire avait tenu à m'accompagner à l'aéroport. Durant l'heure de trajet, alors qu'elle était au volant, elle m'avait fait répéter en boucle toutes les étapes du plan; m'entretenir avec Frantz, enlever le hamac suspendu pour libérer l'anneau dans lequel je devrais faire ensuite glisser la chaîne des menottes, me rafraîchir sans abîmer le travail du trio de choc, mettre ma tenue et attendre l'appel de Frantz. Son coup de fil était le signal pour que je me mette en place. Enrouler les menottes en cuir souple autour de mes poignets pour m'attacher, puis à travers mes yeux murmurer à Jack combien j'avais envie de lui.

— Pas d'improvisation, m'avait-elle mis en garde en fronçant les sourcils. Tout se passera bien, notre plan est béton. Quand Jack sera de retour de son brunch, au lieu de foncer dans son lit pour se reposer, il y foncera pour te dévorer.

Juste avant d'entendre la voix de Jack se mêler aux rires de sa mère, ainsi que ceux de son frère, toute inquiétude avait disparu. Alors que mes bras étaient suspendues au-dessus de ma tête, mon appréhension s'était muée en une onde de chaleur qui se diffusait par vague entre mes cuisses. Et tandis que mon pouls s'accélérait à une cadence qui m'était jusqu'alors inconnue, je compris que ce fantasme, moi soumise à ses caresses, n'était pas uniquement le sien. Il avait pris possession de mon être. Chaque cellule de mon corps réclamait cette soumission, car elle marquait ma reddition, ma demande d'absolution pour tous les doutes, toutes les peurs qui avaient enserré mon coeur, mettant à mal aussi le sien.

Seulement le plaisir qui s'était emparé de mon corps, envoyant des électrochocs de désir jusqu'à la pointe de mes orteils, s'était volatilisé pour être remplacé par une panique qui empêchait mes mains habituellement si habiles de parvenir à me détacher. Mes doigts n'arrivaient pas à faire glisser le bout de la sangle dans les deux boucles de ceinture, maintenant ainsi, fermement attachées les menottes. Et tandis que les éclats de voix se rapprochaient, dans une dernière tentative pour me libérer, en appui sur mes pointes de pieds, en dépit de mes escarpins à aiguille, je me tortillai de toutes mes forces, tirant sur mes poignets. Une dernière prière franchit le bout de mes lèvres pour qu'un miracle se produise et que la famille de Jack ne me découvre pas ligotée en tenue érotique. Cependant avant que je ne la termine les sons cessèrent pour être remplacés par un silence si pesant que j'entendis mon sang se déverser dans mes veines. Instinctivement mon regard se posa sur le sien. Il fallait que je lui explique, que je m'excuse, mais alors que les mots se percutaient dans ma tête, les yeux bleus océans de Jack me captivèrent. Ils avaient une nuance que je ne leurs connaissais pas. Des flammes mouvantes avaient pris possession de cette fenêtre sur son âme. Leur danse reflétait son désir brut, animal, sauvage qu'il désirait déverser sur moi, faisant renaître entre mes cuisses des ondes de plaisir. Spontanément, je croisai mes jambes pour contenir la vague de chaleur qui électrifiait mon bas-ventre, mais l'attraction qu'il exerçait sur moi en détaillant chaque parcelle de mon corps comme si j'étais une oasis, un plan d'eau où il s'apprêtait à s'abreuver, balaya tous mes efforts.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant