Chapitre 59 - Jack

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Autour de moi, il n'était question que de langes en coton bio, de biberons en verre avec option anti-colique, de nuits blanches, et de l'atelier d'initiation dédié au portage en écharpe des nourrissons. Tout tournait sur les chamboulements que la venue de la petite Éloïse avaient occasionnés. À écouter Dave et Hurl même s'ils s'étaient abreuvés pendant ces sept derniers mois de magazines, de livres ainsi que de revues sur les nouveaux nés, la plupart du temps ils restaient tout de même incertain quant aux gestes adéquats à adopter. À l'hôpital, le premier changement de couche sous la surveillance de la sage femme avait été chaotique. De peur de lui couper la respiration, Hurl n'avait pas ajusté convenablement les scratchs. Avant d'y parvenir, pas moins de trois couches avaient dû être sacrifiées.

— Le manque de sommeil est ce qu'il y a de plus compliqué à gérer, poursuivit Dave. Depuis l'accouchement, nous n'avons pas eu plus de deux heures de sommeil consécutives.

— Quand est-ce-que vous allez finir par vous relayer la nuit? interrogea Claire. Si vous continuez à vous réveiller tous les deux pour donner le biberon, vous ne tiendrez pas, surtout une fois que vous aurez repris le travail.

— D'où ma brillante idée, intervint Hurl. Je prends un congé parental de vingt semaines. Ma fille aura droit à son papounet chéri vingt-quatre sur vingt-quatre.

— Pauvre petite, gloussa Dave. Je ne serai plus le seul que tu rendras complètement dingue.

— Peut-être, mais d'entre nous deux, tu verras que ce sera moi son préféré.

— Jack, m'interpella Dave, explique à mon mari que ce n'est pas un concourt.

À regret, j'abandonnai la contemplation de la porte à galandage conduisant vers les chambres à coucher. Elle était un obstacle de plus qui me séparait d'Ashley. Depuis que j'avais mis fin à ma séance d'espionnage en rendant son portable à Hurl, il m'était extrêmement difficile d'arrêter de la fixer. Je venais de passer l'heure écoulée à dominer mon besoin primitif d'arracher Éloïse de ses bras pour qu'elle sache j'étais ici. Que j'étais revenu auprès d'elle. Ce fut donc avec une nervosité tout juste voilée, et une honnêteté à laquelle je ne m'attendais pas que je répondis à mon ami.

— Désolé, mais sur coup-là je ne te suis pas. Si un jour j'ai une fille à ses yeux, j'aimerai être son préféré. C'est peut-être ridicule, mais je voudrais qu'elle voit en moi son héros. Dès que sa petite main se posera dans la mienne, je sentirai battre son coeur à l'intérieur du mien. Elle et moi serons à l'unisson, et si par des mots, des gestes ou un regard de ma part, elle viendrait à en douter, alors je lui raconterai combien je l'ai attendue, et que pour atténuer mon impatience, j'ai imaginé un million de fois notre première rencontre.

Presque que tous me regardaient avec de grands yeux où se mêlaient de la stupéfaction. Bien sûr chacun savait que je souhaitais fonder une famille avec Ashley, mais aucun d'eux à part Soeur Catherine ne connaissait l'étendue de mon désir d'entendre une voix enfantine m'appeler papa. Au moins maintenant ils savaient.

— On ne s'était pas trompé, commença Hurl avec l'entendement d'un homme dont le rêve d'être parent faisait écho au mien, tu feras un parrain exceptionnel. S'il nous arrivait quoique ce soit à Dave et à moi, tu seras donner à notre fille l'amour qu'elle avait ici, à la maison.

Après trois tapes sur l'avant-bras, il poursuivit.

— Tu seras un papa en or.

— L'avenir nous le dira, répondis-je en m'apprêtant à le suivre pour aller remplir ma coupe de champagne.

Toutefois, je dus remettre à plus tard mon envie de bulles millésimées. D'un air avenant, celui qu'elle empruntait pour endosser sa couverture d'espionne britannique, Soeur Catherine s'assit à la place encore toute chaude qu'avait occupé Hurl.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant