Chapitre 49 - Ashley

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Ces quatre derniers jours sur l'île avaient été une révélation. Moi qui exécrait le simple principe de l'oisiveté, voilà que maintenant j'idolâtrais le confort d'un hamac suspendu entre deux cocotiers. Quant à la pratique extrêmement délicate de la crêpe, j'étais devenue une experte. Tout l'enjeu était de parvenir à se retourner à intervalle de temps régulier pour obtenir un bronzage uniforme sans verser le moindre grain de sable sur sa serviette. Une chance ou pas, ma nouvelle passion pour la nonchalance était contrecarrée par Jack qui m'entraînait dans de nombreuses, de très nombreuses sessions d'activités sportives dont certaines se pratiquaient nues. C'était l'avantage de disposer d'une plage privée. À l'abri des regards, nous pouvions jouer une version modernisée de Robinson Crusoé. Exit la notation de serviteur et de conversion au christianisme pour ne garder que le plaisir de nos corps enlacés, léchés par les vagues ou magnifiés par la lumière complice d'une pleine lune.

Lorsque Jack désirait me ramener vers la civilisation, c'était pour me conduire à l'assaut des formes lascives de l'île recouverte d'une végétation aux couleurs de jade. Depuis les hauteurs, je me perdais dans la beauté de ce bout de terre posé sur l'horizon entre la mer des Caraïbes et l'Atlantique. Dans sa quête de nous faire passer des vacances inoubliables, il avait même réussi l'exploit, grâce à un passage en pharmacie, de me faire oublier mon mal de mer. À nous les sorties en Paddle, les visites des fond marins avec un tuba ou une bouteille d'oxygène et les balades plus sportives en jet-ski.

Chacune de nos promenades avait marqué une empreinte indélébile, un souvenir qui n'appartenait qu'à nous. Certaines m'avaient fait passer de l'excitation aux larmes quand d'autres avaient réveillé mon âme d'enfant. Déstabiliser Jack d'un coup de pagaie sur les hanches pour le voir s'étaler de tout son poids sur le lit aux couleurs turquoise de la mer fut un grand moment d'hilarité. Un peu moins lorsque dans un crawl digne des grands maîtres de la natation il me rattrapa pour, à mon tour, me plonger dans une eau à vingt-huit degrés.

Ces vacances étaient idylliques et ce soir, elles le seraient davantage. Mon cadeau pour fêter nos un an, Jack ne s'y attendait pas. Même pour moi, c'était une surprise.

 

Tes chaînes se sont brisées.

Alors que le soleil faisait sa révérence, avec contentement j'admirai le reflet de cette femme. Son regard ne décelait plus aucune trace de tromperie. En s'autorisant à tomber amoureuse, elle avait obtenu sa délivrance.

Tic... Tac... Tic... Tac...

Ce compte-à-rebours!

Il m'avait tant embrouillé l'esprit. Dès ma toute première rencontre avec Jack, telle une ombre malveillante, ce compte-à-rebours m'avait tourmentée. Comme un chien accroché à un os, il m'avait soumis à la plus anxiogène des tortures; cette pensée déchirante de n'avoir droit au bonheur avec Jack. Lui à qui chaque battement de mon coeur était fidèle. Cette gangrène avait altéré mes décisions dont la pire fut de le quitter.

— Mais tu n'en es plus là, Ashley, dis-je à mon reflet dans le miroir de la salle de bain.

Aussi intense fussent ces derniers mois, ils n'avaient pas réellement laissé de traces sur les lignes de mon visage. Les nuits passées à réfléchir sur l'issue de ma relation avec Jack n'avaient pas marqué le contour de mes yeux. Mes angoisses, quant à elles, n'avaient pas creusé de minuscules ridules sur mon front. En vérité, la différence était si imperceptible que personne dans mon entourage, ni Catherine, ni Claire, pas même Jack ne s'en était aperçu. Moi-même, il m'avait fallu du temps pour en prendre conscience.

Ma délivrance!

En me sortant ce compte-à-rebours de la tête, mes craintes s'en étaient allées. Mes murailles s'étaient effondrées, emportant avec elles, cette part de moi infiniment persuadée  ne pas être à la hauteur de l'amour de Jack.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant