Chapitre 53 - Ashley

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Maintenir à flot une relation alors que l'un comme l'autre avions des boulots extrêmement prenants et que pas moins de cinq cent kilomètres nous séparaient, relevait de l'exploit. Surtout lorsque cette situation perdurait depuis bientôt deux ans. Notre secret pour y parvenir? Une organisation aussi bien rodée qu'un agenda présidentiel. Calendrier synchronisé via nos iPhone. Concertation pour accorder nos journées de repos. Abonnement préférentiel auprès de la compagnie Air Canada. Bref, nous mettions tout en oeuvre pour que notre éloignement ne déstabilise pas notre histoire. Et puis savoir que tout cela n'était que temporaire, aidait à supporter tous les agencements que nous faisions pour partager quelques jours par mois. Les aiguilles des horloges étant nos meilleures alliées, il ne nous restait qu'une année à patienter, et si elle était aussi dense que les derniers mois alors j'aurai tout juste le temps de dire enfin.

Depuis notre retour de l'île de Carriacou, tellement de changements s'étaient produits, et le tourbillon dans lequel j'étais emportée depuis ma rencontre avec Jack, n'avait pas épargné mon entourage. Catherine envisageait de prendre sa retraite. Pour de mauvaise raison, soit, mais elle l'envisageait. Elle désirait être grand-mère, avant que le temps ne la rattrape, et l'empêche de s'occuper de son petit enfant. Je n'étais pas insensible à son souhait, il était identique à celui de Jack. Mais si je n'étais plus fermée à l'idée de fonder une famille, ce projet n'était tout de même pas en tête de liste, pour le moment.

Il n'y avait pas que Catherine qui était prête à bouleverser son quotidien. En couple avec Henry depuis le début de l'année, Claire envisageait d'emménager avec lui et ses filles. Quant aux mariés, Hurl et Dave, une jeune fille sortant tout juste de l'adolescence les avait choisis pour être les parents de son bébé qui si tout se déroulait à la perfection, pousserait son premier cri début novembre. Et moi dans tous ces changements, j'étais toujours un peu, beaucoup, passionnément, plus amoureuse de Jack. Ce qui engendrait une forme de folie, sinon comment expliquer ma présence à ses côtés, ce soir. D'ici quelques minutes, des flashs nous éblouiraient, exposant notre couple aux commentaires, aux critiques, aux jugements, et que sais-je d'autres? L'ancienne Ashley Woods n'aurait jamais accepté de s'exposer ainsi, et encore moins sa vie privée.

Je jetai un coup d'oeil en direction de Jack. Son calme apparent avait rejailli sur moi, annulant les bienfaits de la séance de yoga que j'avais effectué cet après-midi. Quatre heures plus tôt en descendant de l'avion, j'étais sous l'emprise de l'euphorie de nos retrouvailles. Et maintenant, à l'arrière de la limousine roulant presque au ralenti dans la circulation dense des rues new-yorkaises, j'étais comparable à une groupie, excitée, mais tout aussi anxieuse de me retrouver enrôlée sous les feux des projecteurs avec mon idole.

Assis à l'autre bout, dans son smoking sur mesure noir, il était renversant. La combinaison parfaite entre virilité, érotisme et beauté. La montre de son père ainsi que ses bracelets en cuir et en perles de jade qui habillaient son poignet, là où sa manche était retroussée, rendaient son charisme encore plus électrisant. Plus captivé par les lumières de la ville que par son auriculaire qui réalisait de minuscules cercles sur le dos de ma main, il porta son verre de whisky à ses lèvres. Sa paume d'Adam tressauta lorsque le liquide ambré glissa dans son oesophage. Aucun signe de nervosité ne transparaissait dans ses gestes, et pourtant ce soir, il avait tous les droits d'être nerveux.

Cent des meilleurs chefs cuisiniers internationaux réunis. Un tapis rouge. Des projecteurs. Des journalistes venus du monde entier. Et un vainqueur. Le prix The Best Chef Awards était dans le monde de la cuisine, l'équivalent des Oscars dans l'univers cinématographique. Cinq ans que Jack attendait cette consécration. Être classé dans le top vingt était plus qu'honorable si l'on considérait les milliers de chefs talentueux à travers les sept continents, mais Jack désirait plus et en cela nous étions pareils. Non pas qu'il avait besoin de la reconnaissance de ses pairs pour avoir conscience de son talent, mais comme tout compétiteur, il aimait être le meilleur.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant